« Une histoire de famille », le minervois rosé 2022 du domaine Tour Boisée : épatant et à petit prix !
Le domaine
Domaine familial depuis 1826, le domaine Tour Boisée se situe à 25 km à l’est de Carcassonne, dans l’Aude, sur le terroir de Laure-Minervois, commune du nord du département. Il se compose d’environ 80 hectares de vignes (18 cépages différents) ainsi que d’oliviers, culture relancée en 1990. Depuis 1982, Marie-Claude, fille du domaine, a repris avec Jean-Louis Poudou, lui-même descendant d’une longue lignée de vignerons la destinée du vignoble. Et, tout en ayant pris soin de conserver les vieux vignobles dans les plus beaux terroirs, ils n’ont eu de cesse, comme objectif, d’améliorer leur plan d’encépagement qui, quarante ans plus tard offre une gamme complète tracée depuis le parcellaire. Et déjà, la génération suivante est partie prenante. C’est à la Tour, rescapée de la fortification du village (XIIe siècle), à présent située dans le jardin, que le domaine doit son nom.
L’esprit du domaine
Qui connaît Jean-Louis Poudou sait qu’il a son franc-parler, ce que j’appellerais plutôt son parler franc. Comme il le dit lui-même, il ne parle pas la langue de bois. Comme je l’ai entendu dire il y a une dizaine d’années déjà : « Je ne fais pas de l’œnologie, je fais du vin, nom d’une pipe ! » Ou encore : « Le chardonnay reste un cépage humble », et aussi, à propos de la syrah, « on a fait dans le vulgaire, on a rajouté des cépages sans fondement historique alors que ce cépage a une capacité de garde énorme dans l’élégance. » Et à propos du carignan : « Vaut mieux avoir un 10 dans la cave qu’un 11 dehors. À la place d’envoyer un beau panier de fruits, vous envoyez le cageot de légumes ! » Et surtout : « Je sais ce que je veux faire, je sais ce que je veux faire dans mon chai ». Et bien d’autres formules pleines de discernement, de jugeote et de lucidité qui prouvent que Jean-Louis Poudou est un homme de bon sens, un homme de la terre et non un homme de laboratoire. Certains ricaneront peut-être, et même sûrement, eh bien grand bien leur fasse ! En tout cas, Greta Garbure aime ce langage sans fioritures et apprécie que Jean-Louis Poudou soit un vigneron qui n’ait pas la langue dans sa poche et qu’il produise « des vins de vigneron avec toute la créativité et le sens de la terre qu’il faut pour un vin de sève autant que d’originalité ! Des vins francs, profonds, bons vivants, les pieds dans la terre et la tête dans les étoiles ! ». Car une certaine forme de rusticité ne nuit pas, bien au contraire, avec cette philosophie d’élaboration des vins : « observation, intuition et expérience » et cette ligne de conduite directrice : « accent sur les cépages traditionnels, travail essentiel sur les sols et, enfin, ne pas perdre de vue que d’un beau raisin, on peut se projeter sur un beau vin. »
Ajoutons encore qu’après 25 ans d’agriculture raisonnée, le domaine est certifié en culture biologique depuis le millésime 2013.
Le rosé 2022 (un peu de technique)
Il est composé à 65% de grenache gris, à 20% de syrah et à 15% de grenache noir, vignes plantées sur des coteaux argile-calcaires à 220 mètres d’altitude. Une cueillette à maturité apporte le gras en bouche tandis que les équilibres acides préservent toute sa fraîcheur. La récolte est manuelle.
Aussitôt arrivés en cave, les raisins sont égrappés puis pressurés. Le vin doit sa couleur tendre au pressurage direct. La vinification puis l’élevage se déroulent en cave inox pendant six mois. Il titre 13,5°.
Ma dégustation
Sa robe a la bien nommée couleur « pétale de rose », de ces roses de jardin qui s’ouvrent à la rosée du matin et incitent les papillons, fiancés de hasard, à venir se gorger de leur pollen lors de longs baisers.
Son nez est intense, complexe, alliant des senteurs florales (fleurs blanches) à des petits fruits rouges qui oscillent entre l’acidulé (groseille) et le velouté (grenadine).
Quelqu’un me souffle dans l’oreillette « avec une note de maracuja », fruit d’Amérique du sud. Encore faut-il en avoir déjà dégusté. Toutefois, son autre nom de grenadille semble conforter cette appréciation car l’étymologie ne ment jamais.
En bouche, c’est comme si l’on picorait dans un panier de petits fruits rouges (fraise, framboise, fraise des bois, groseille rouge), une palette généreuse émoustillée par une finale sur le pamplemousse rose (pomélo). Une jolie tension sur l’acidulé n’empêche nullement ce vin d’avoir de la suavité. Au contraire, elle la met en valeur, l’exacerbe comme un point d’orgue augmente la sensation en musique.
Comme dit Jean-Louis Poudou : « Ce rosé a du peps. Par »peps », nous entendons l’équilibre acide nécessaire à l’éveil pour une bonne approche de suavité maîtrisée. » « Une histoire de famille » bien ficelée, donc.
Quoi qu’il soit un vin d’apéritif épatant — je confirme — à table, ce rosé mérite des compères dignes de ce nom : tartare de saumon aux baies roses (chinus molle de leur vrai nom), toutes sortes de recettes au wok panachant blancs de volaille (ou de poisson) et légumes croquants (cuissons courtes), crevettes au gingembre, risotto aux crevettes ou aux favouilles (petits crabes du Languedoc), risotto aux champignons de printemps ou d’été (girolles, mousserons), scaloppine ou piccata de veau, longe de porc aux noix, ou encore une pastilla, cette merveilleuse tourte de pigeon marocaine.
À ce prix-là, un conseil : Ne vous en privez pas !
Prix : 9,50 € en vente directe au domaine, sur www.domainelatourboise.com et chez les cavistes