Mam’zelle Faissell
Corsetée dans son jupon de dentelle à trous-trous
comme dans une robe d’organdi virginale,
comme elle est fraîche et pimpante la jolie faisselle !
Son teint frais et laiteux a la blancheur d’une opaline,
sa chair ferme et pulpeuse darde sous la crinoline,
vraiment, elle a bonne mine !
Mais ce n’est pas tout : c’est qu’en plus elle a du goût
celle qu’on coucha d’abord dans des corbeilles végétales,
joncs, osier, fétus tressés, alcôves de demoiselle,
puis dans des poteries, porcelaines, étamines,
corbeilles qui lui offrirent son doux nom de faisselle
puisque contenant et contenu pareillement s’appellent.
Mais c’est déshabillée, mettant à nu sa caséine,
ses minéraux, ses oligos, ses trésors… de vitamines
qu’elle est encore la plus belle ! La voilà fin prête pour la cuisine…
Ses lointaines cousines ne s’appelaient pas Bécassine,
mais jonchée, chique, fiouse, caillebottes limousines,
blanc fromage, maugin, lait-pendu dans une mousseline.
Et quand les peuples étaient nomades, son caillé
ne fut pas toujours de vache, mais de bufflonne,
de zébu, de bisonne, de mouflonne,
de chèvre, de brebis, ou même de chamelle,
car elle peut être impertinente Mam’zelle faisselle !
Mais c’est encore gourmande sa plus belle qualité,
car tout est bon chez elle, y’a rien à jeter,
y’a même à boire et à manger,
sa belle motte neigeuse qui fond sous le palais,
et son précieux sérum qui se boit comme du « petit-lait » !
Très joueuse, elle se prête à tous les jeux culinaires,
et ne dédaigne pas de nombreux partenaires
en salé comme en sucré, la coquine,
pour nous offrir des recettes en ribambelle
comme dans une jolie ritournelle
qu’on fredonnerait la fleur aux dents,
en riant, en riant…
Mam’zelle faisselle ! Mam’zelle faisselle !
© Blandine Vié
Préface de « La faisselle 10 façons »
http://www.epure-editions.com/10-facons-de-le-preparer/La-faisselle–dix-facons-de-la-preparer-97-18.html