Gnocchi à poêler… et à se poiler !
Il nous arrive rarement de parler de produits autres qu’artisanaux sur Greta Garbure, mais quand des produits de marque décident de ne rien cacher de leur fabrication aux journalistes que nous sommes, notre curiosité est aiguisée. C’est ainsi qu’immobilisée par une double fracture m’ayant mis les malléoles à mal (comme dit Patrick), celui-ci est parti à Vérone voir sur place la fabrication des pâtes fraîches Giovanni Rana, une maison qui jouit d’une belle notoriété en Italie.
Au préalable, il nous avait été demandé de mettre au point quelques recettes de notre cru avec des raviolis bio, des gnocchi à poêler et/ou des gnocchi farcis à poêler afin qu’elles soient photographiées dans l’atelier cuisine de l’usine véronaise, le but étant de mettre en exergue 3 gammes de produits différents. Nous avons donc proposé des « Ravioli bio au blé complet, crème de pois chiches et brocoli », une adaptation de la recette « Pasta e ceci » (pâtes aux pois chiches) que l’on déguste à Rome dans les ruelles du Trastevere ; une recette de gnocchi à poêler aux épinards, des « Gnocchi à poêler en chemise de gorgonzola aux pousses d’épinards et pignons » ; et enfin des « Gnocchi à poêler farcis aux fromages italiens, aux escargots et aux rubans de bacon », recette qu’il n’a pas été possible de réaliser à cause des escargots, rares en Italie.
À Vérone, tout a commencé par un « atelier pasta » où Patrick s’est surpassé en confectionnant ces magnifiques raviolis que j’aurais bien aimé goûter :
Eut alors lieu la rencontre avec Monsieur Giovanni Rana, le fondateur de la marque et l’instant fut immortalisé :
Puis vint la visite de l’usine (où il n’était pas autorisé de prendre de photos) ce qui a permis à Patrick de constater la qualité des ingrédients employés. Pour vous donner un exemple, tous les fromages utilisés ne sont pas pré-traités mais prélevés au fur et à mesure des besoins sur des meules entières.
Après un déjeuner sur le site de production, Patrick s’est à nouveau mis en cuisine pour le shooting photo des recettes que nous avions proposées. Il fut d’ailleurs surpris de constater que seule Greta Garbure et une autre journaliste avaient réagi positivement à cette demande, les défaillants ayant été gratifiés pendant ce temps d’un tour du lac de Garde.
Voici l’une des recettes réalisées par le chef de chez Rana, en fonction de nos instructions :
À propos, que sont exactement les gnocchi* ?
À l’origine, c’est une recette pauvre qui se préparait dans toutes les régions de beaucoup de pays à des fins économes : ramasser en forme de petits boulettes (quenelles) des petits restes mous — d’où l’imperfection des boulettes — ou plus simplement encore une panade de mie de pain détrempée avec un petit quelque chose en plus, des pommes de terre cuites écrasées en purée et mêlées d’un peu de farine pour leur donner de la tenue, ou tout bonnement de la farine et de l’eau malaxées, avec ou sans chapelure. Toutes ces recettes ont deux points communs : d’une part, faire un plat de résistance pour pas cher ; d’autre part leurs noms dont l’étymologie est commune. Ainsi, pour l’Italie, le mot « gnocchi » est employé avec le sens de boulette, quenelle, bosse, protubérance, tas. Pour les autres recettes ayant un lien de parenté, vous pouvez retrouver leur nomenclature en consultant le lien : https://gretagarbure.com/les-veritables-quenelles/
Dans les manuels de cuisine classique, les gnocchi sont classés dans les « Farinages », catégorie complémentaire des Pâtes. Et on les poche traditionnellement dans un bouillon pour les cuire, quitte à les napper d’une sauce ensuite. Les poêler est donc une innovation. Il est à noter toutefois que selon la législation italienne, ces gnocchi ne peuvent s’appeler « gnocchi » car les gnocchi traditionnels sont à base de pomme de terre et de farine, un mélange qui peut être additionné de verdure (épinards, feuilles de bettes), de potiron, etc. Aussi Rana vend-elle ses gnocchi à poêler sous le nom de « spadellini » en Italie, de « padella », poêle. Et oui, sinon que dirait la mamma ?
* En italien, on dit un gnocco, des gnocchi. Nous avons privilégié l’orthographe italienne sans S final à gnocchi — alors qu’en français, il en faudrait un — puisque c’est ainsi que la marque Rana les commercialise en France.
Deuxième round
Un mois et demi plus tard eut lieu un rendez-vous presse parisien pour ceux qui n’étaient pas en Italie. Je m’y suis donc rendue cahin-caha, commençant à peine à remarcher.
Là, l’accent fut mis exclusivement sur les gnocchi farcis à poêler que la maison Rana souhaite promouvoir en France : Gnocchi farcis à poêler jambon mozzarella, Gnocchi farcis à poêler fromages italiens, Gnocchi farcis à poêler tomate mozzarella. Venu tout exprès de Vérone, le chef nous les fit donc goûter façon tapas pour l’apéro, soigneusement mis en scène avec beaucoup de fioritures et d’ingrédients annexes. Certes, pour un résultat ne manquant pas d’attrait mais où les gnocchi étaient tout de même presque anecdotiques.
Ce qui m’a interpellée avec cette présentation ludique mais très sophistiquée qui requiert une mobilisation quasi professionnelle en cuisine en amont, c’est l’antinomie entre les arguments des sachets : « Facile et rapide » (5 min de cuisson) et le slogan « approuvé par les familles ». Et bien qu’il n’y ait ni conservateurs ni mauvais ingrédients (huile de palme et compagnie) dans ces gnocchi (à base de flocons de pomme de terre tout de même, ce qui peut se comprendre au niveau industriel), il est évident que poêlés à la maison sans cette scénarisation, c’est beaucoup moins goûteux et beaucoup plus roboratif. La présentation italienne (voir photo ci-dessus) privilégie d’ailleurs une consommation ludique à l’apéritif ou en petit casse-croûte.
Bon, vous l’aurez compris, nous n’avons pas été séduits car finalement les gnocchi par eux-mêmes sont assez peu gourmands lorsqu’ils ne sont pas masqués par une sauce cache-misère.
Et puis, gnocco sur le gâteau, en quittant cette dégustation, je suis tombée sur ce spectacle affligeant dans une ruelle située à quelques mètres du lieu de cette belle démonstration :
Sans commentaire…
Reportage en Italie : Patrick de Mari
Rédaction : Patrick de Mari et Blandine Vié