Les goûts et les couleurs…!
Il y a trois jours, nous avons reçu ce texte signé Christian Chabirand, un de nos grands vignerons de France, l’incomparable sorcier vendéen, le maestro de Vix.
Voici la dernière aventure de sa cuvée… « Le Caravage » :
LE CARAVAGE, UNE SI BELLE HISTOIRE !
Du rouge sang du Caravage au rosé bacchique du même nom…
L’histoire de Judith décapitant Holopherne – une œuvre majeure, en vente ce jeudi 27 juin 2019 !
ll a été découvert il y a cinq ans, en juin 2014, dans un grenier toulousain, gris de crasse, sous de vieux matelas ! : le tableau attribué au Caravage et représentant Judith décapitant Holopherne. La toile au réalisme violent est très vite déposée à Paris chez Éric Turquin, principal expert fançais des maitres anciens.
Toutes les analyses techniques nous mènent vers un tableau peint à Naples entre 1605 et 1610. Ça réduit considérablement le spectre. Car à Naples (à cette époque) il n’y avait pas d’autres grands peintres, il n’y a pas de doute à avoir : « non seulement il s’agit d’un original mais d’une œuvre majeure du Caravage à un moment où il est en pleine transformation, où il quitte Rome pour Naples et développe une nouvelle façon de travailler, bousculant ses propres codes, dont témoigne cette œuvre cruciale. » Selon M. Turquin.
« Aujourd’hui, estimer un tableau du Caravage n’est pas facile. Le marché des tableaux anciens n’est pas le marché de l’art contemporain. On va démarrer à 30 millions, on commence bas pour espérer monter » souligne le commissaire-priseur toulousain Marc Labarbe. Mais la toile pourrait atteindre entre 120 et 150 millions d’euros, soit la vente de l’année en France !
La petite histoire dans la grande…
Le 8 avril 2016, un appel téléphonique parisien atterrit au Prieuré La Chaume. Un petit vignoble situé en Sud Vendée.
— Allô, bonjour, suis-je bien au domaine Prieuré La Chaume. M. CHABIRAND peut-être ? Est-ce bien vous qui produisez un vin rosé appelé « Le Caravage » ?
— Euh, oui !
— Excusez-moi de cette demande bien tardive mais auriez-vous la possibilité de nous faire parvenir 48 bouteilles dudit rosé ? Si possible, sous 48 heures ?
— Euh…, ah oui, en effet, c’est urgent ! Cela semble possible. Je vérifie. Voilà chose faite !
La marchandise fut alors expédiée et notre vigneron n’eut plus aucune nouvelle des bouteilles en question.
Un mois plus tard, au petit matin, notre vigneron sillonne les routes de Normandie en visite de quelques restaurants étoilés. Il écoute la radio, sur Europe 1, la matinale conduite à l’époque par Thomas SOTO. Comme à l’accoutumée, les unes de l’actualité sont égrenées. La toute première retient l’attention de notre vigneron : SOTO reçoit ce jour un expert en peinture d’Art qui vient évoquer sur les ondes le résultat de l’expertise qu’il a pilotée sur l’authenticité de cette fameuse toile du Caravage, trouvée un an plus tôt dans un grenier toulousain… Grand amateur du peintre et de ses œuvres, notre vigneron écoute avec attention les détails livrés par M. Turquin pendant cette interview.
Quand un éclair traverse subitement son esprit. Notre vigneron stoppe sa voiture à l’amorce d’un rond-point ! M. Turquin, ça lui dit quelque chose… Il ouvre sa mallette, compulse son carnet de commandes et tombe sur l’achat d’un client dénommé Turquin réalisé un mois plus tôt ! Est-ce possible ? Serait-ce le même M. Turquin qui lui aurait commandé les bouteilles de rosé « Le Caravage » ? Sans plus attendre, il compose le numéro de téléphone en sa possession et atterrit sur le cabinet d’expertise TURQUIN dans le 2ème arrondissement parisien.
— Allô bonjour ! Puis-je parler à M. TURQUIN ?
— Non, ce ne sera pas possible, il est en interview toute la journée. Mais qui êtes-vous ?
— M. Chabirand, vigneron.
— Ah vous tombez vraiment bien M. CHABIRAND ! Nous n’avons plus une seule goutte de rosé de votre très appréciée cuvée Le Caravage !
— Vraiment ?
— Oui, bien sûr, car en ce moment M. Turquin fait de nombreux cocktails avec les médias et les personnalités du monde des Arts en présentant ce fameux Caravage « Judith décapitant Holopherne ». et votre rosé est le vin qui accompagne chacune de ces occasions.
Un rosé en hommage aux rouges du Caravage !
Un jour de décembre, à l’heure où les vins sont entrés en dormance, je m’accorde quelque répit après les longues journées de vinification et m’offre une visite du musée des Beaux-arts de Rouen. Une déambulation qui me conduit dans une salle consacrée à l’Europe baroque. Parmi les chefs-d’œuvre accrochés, mon regard est happé par un grand format : Le Christ à la colonne, du Caravage ! Une scène de la flagellation du Christ au traitement intense et où, à l’image de ce manteau rouge jeté au sol, la profondeur des couleurs signe le trait du maître peintre. Une puissance de l’instant qui imprimera ma mémoire de vigneron et s’imposera d’elle-même lorsqu’il s’agira de baptiser la nouvelle cuvée de rosé qui venait de naître, quelques semaines plus tôt, au domaine Prieuré la Chaume.
Un rosé unique et inattendu élaboré de saignée de merlot associée au pinot noir en pressurage direct. Éponyme du grand peintre italien, ce rosé de gastronomie à la robe rouge écarlate mâtinée de reflets cuivrés et soyeux est sensuel au palais. Il dégage une palette aromatique au bouquet changeant : fruits rouges, cassis, grenade qui s’harmonisent élégamment avec des notes d’anis et de cumin.
•
• •
La vente aux enchères prévue hier n’a pas eu lieu. De gré à gré, il paraît que le tableau a pu changer de mains contre un petit billet de 150 millions d’euros. Plus ou moins, ça n’a aucune importance. Mais je suis heureux que le vin de mon ami Christian Chabirand ait été associé à cette œuvre majeure.
Nous le goûterons bientôt pour vous.
Patrick de Mari