Fabienne Babe somptueuse et poignante dans Pitchipoï au théâtre Essaïon
N’ayant pas préalablement lu le livre Refus de témoigner de Ruth Klüger, récit qui raconte l’expérience inédite d’une petite fille juive vivant à Vienne ayant été déportée à Auschwitz d’où elle réussit à s’enfuir avec sa mère, la pièce PitchipoÏ* qui en est l’adpatation fut pour moi une découverte assez bouleversante.
Après l’entrée en scène de Fabienne Babe pieds nus feignant de creuser le sol avec une lourde pelle — ce qui nous plonge tout de suite dans le vif du sujet —, j’avoue avoir été un peu décontenancée par les images d’un dessin animé (Blanche Neige) de Disney s’affichant sur un écran géant. Néanmoins l’enchaînement nous fait vite comprendre qu’on peut supposer (à tort ou à raison) qu’il illustre et symbolise le rêve de toutes les petites filles. La chute est abrupte car on est aussitôt transporté dans le camp de concentration où le contraste est évidemment saisissant lorsqu’on découvre que cette petite fille-là, âgée de douze ans, son rêve à elle — qu’elle exprime tout au long de la pièce avec une volonté inébranlable — est non seulement de ne pas accepter de survivre à l’horreur mais d’entraîner coûte que coûte sa mère à être indocile, à refuser la soumission et à tenter de fuir. Et je dois dire que le jeu à la fois puissant et sobre de Fabienne Babe nous fait aimer inconditionnellement cette petite fille d’une grande lucidité dont l’amour de la vie — d’autant qu’elle sait qu’elle ne va peut-être pas grandir puisqu’il faut avoir quinze ans pour avoir une chance de survivre et qu’elle n’en a que douze — va les sauver elle et sa mère de la barbarie nazie.
Je ne vais pas vous en raconter plus — on sait de toute façon dès le départ qu’elles vont réussir à s’enfuir sinon le livre n’existerait pas — mais je voudrais souligner que par-delà son jeu qui est tout en émotion, Fabienne Babe a la même énergie que sa petite héroïne et qu’elle est magnifique d’un bout de la pièce à l’autre, avec une mention spéciale pour sa gestuelle, presque celle d’un automate dans certaines scènes. Car c’est une pièce très physique, d’une grande tension (notamment à cause de la dualité mère-fille qu’on sent exacerbée), sûrement épuisante à jouer dont j’ai apprécié qu’elle soit sans trémolos larmoyants, ce qui est souvent une tentation.
Encore une fois, je ne peux pas faire de comparaison avec le livre que je n’ai pas lu — ce que je ne vais pas manquer de faire — mais l’adaptation de Jacky Katu est remarquable de finesse et d’émotion pour évoquer l’indicible.
Il n’est pas jusqu’à l’Ave Maria final et ce vase de fleurs qui ne confirme que c’est la petite fille qui a été la mère de sa maman.
* Rappelons que Pichipoï était le srnom que les juifs donnaient au camp d’Auschwitz-Birkenau
La pièce Pitchipoï est jouée au théâtre Essaïon (rue Pierre au Lard dans le 4e arrondissement)
du 27 août au 10 octobre 1923 les lundi et mardi à 19 h et le dimanche à 17 h30
Réservations au 01 42 78 46 42
www.essaion.com
M° Hôtel de ville ou Rambuteau