Et si vous mettiez le nez dans votre assiette ?
D’accord, quand on passe à table, c’est le contenu de l’assiette qui est essentiel. Autrement dit « l’assiettée » quoiqu’on dise aussi assiette par métonymie, par exemple « une assiette de frites » ou une « assiette anglaise » !
Mais le support n’est pas sans importance.
Or, avez-vous déjà regardé votre assiette ?
Je ne parle pas des assiettes de toutes formes dans lesquelles certains restaurateurs nous servent désormais la soupe, ou plus précisément d’ailleurs, des mignardises parfois improbables.
Je n’ai rien contre un design novateur mais y en a quand même marre des assiettes bancales, géantes ou remplacées par des raviers, des bols, des coupelles, des verres, des cuillères, fussent-elles chinoises…
Non, je vous parle d’une assiette traditionnelle ronde, plate ou creuse.
Un peu d’histoire
Mais d’abord, qu’est-ce qu’une assiette ?
C’est une pièce de vaisselle destinée à contenir et à servir des mets.
Elle tire son nom de son « assise » bien stable, donnée par sa forme plate — mot qui signifie aussi l’emplacement d’un convive à table — et est généralement circulaire.
Historiquement, l’assiette n’a pas toujours existé telle que nous la connaissons aujourd’hui. Depuis l’Antiquité, les hommes ont utilisé des récipients creux en bois, en terre cuite (argile), en métal, écuelles plus ou moins façonnées par la main de l’homme, sans même parler des calebasses africaines. Plus ou moins instables, donc.
En Europe, et plus précisément dans la France médiévale — les Romains ont utilisé de la vaisselle fonctionnelle avant nous — on se servait d’écuelles pour les bouillons, potages, soupes et brouets se mangeant à la cuillère, mais pour le reste on utilisait un « tranchoir », encore appelé « tailloir », plaque ronde, rectangulaire ou carrée en bois — ils pouvaient être en métal (or ou argent) chez les bourgeois ou à la Cour, ou même en verre — sur lesquels on superposait des tranches de pain rassis destinés à absorber les sauces, les jus et la graisse des aliments qu’on y posait.
Tranches de pain qui ont elles-même pris le nom de tranchoirs ou de tailloirs, également par métonymie (c’est-à-dire quand on appelle métaphoriquement un contenu du nom de son contenant). C’est de là également que viennent les expressions « tremper la soupe » et « compagnon » (celui avec qui on partage le pain).
Les tranchoirs servant de support aux aliments n’étaient pas consommés pendant le repas, aussi étaient-ils distribués aux pauvres à la fin du repas, voire aux animaux.
Au XVe siècle, l’ustensile tranchoir subsiste mais le pain tranchoir disparaît peu à peu. Il subsistera jusqu’au XVIIe siècle même si l’assiette fait son apparition dès le début du XVIe siècle à la table des rois, notamment de François 1er. Et l’on raconte que ce serait Mazarin qui aurait rapporté l’assiette creuse d’Italie en 1653… d’où son nom de « mazarine » !
Mais c’est à Louis XIV que nous devons la démocratisation de l’assiette car pour financer les guerres ruineuses qu’il entreprend, il exige que soient fondus tous les objets en or et en argent de royaume, matériaux qui deviennent interdits pour la platerie. Ce qui va avoir pour conséquence le développement de la vaisselle en porcelaine (d’abord venue de Chine) et en faïence (primitivement commandée aux potiers de Faenza en Italie par l’aristocratie vénitienne) chez les aristocrates, et son industrialisation sous Louis XV.
Pour se démarquer du peuple, les gens riches déclinèrent alors les assiettes selon plusieurs formats : assiettes à soupe, à dessert, etc.
Au XXe siècle, la forme ronde reste la plus répandue mais l’assiette se fabrique en diverses matières et couleurs variées.
L’assiette elle-même
Comme dit plus haut, une assiette est une pièce de vaisselle destinée à contenir et à servir des mets.
Elle est composée d’un élément plus ou moins creux : le centre ou bassin ou fond, techniquement appelé « ombilic ».
L’ombilic est lui-même entouré d’un « talus » à profil plus ou moins galbé : la « descente » et bordé par une couronne périphérique horizontale ou oblique baptisée « aile », plus ou moins large, dont le rebord extérieur s’appelle le « marli » et peut être peint, dentelé, lobé ou découpé, uni ou décoré de frises ou de motifs. Enfin, le marli peut-être décoré d’un « filet » (doré à l’or fin par exemple) sur son pourtour.
Mais outre sa fonction décorative, le marli sert surtout à manipuler l’assiette pleine sans se salir les doigts puisqu’il n’est en principe pas destiné à recevoir des aliments, à l’exception parfois de certaines sauces ou de certains condiments.
Il est encore à noter qu’une assiette creuse sans marli s’appelle une « assiette calotte ».
Bon, bah plus aucune raison de ne pas être bien dans votre assiette après cette leçon de vocabulaire !
Blandine Vié