Au bonheur des bistrots par Pierrick Bourgault
Devenu photographe et auteur, Pierrick Bourgault a passé son enfance dans le bistrot de son grand-père et en a gardé une passion pour ces lieux tellement vivants où se croisent des passants, des habitués qui viennent trouver non seulement un café, un verre de blanc ou une côte, un picon-bière, un pastis ou un apéritif un peu vieillot, en lisant le journal ou en discutant avec ses voisins, que ce soit au comptoir, en salle — ce qui permet de taper aussi le carton entre amis — ou encore en terrasse, mais aussi — et peut-être surtout — un peu de chaleur humaine, des copains, un lieu où tromper sa solitude (ou parfois fuir un entourage familial pesant), voire s’y réfugier comme dans un sas décompressant avant de rentrer chez soi. Bistrots à l’ancienne, de campagne ou de quartier, bistrots modernes où l’on peut casser la croûte avec de bons petits plats et pas seulement avec un sandwich, bistrots qui ont tous un point commun : fédérer des gens pas forcément faits pour se rencontrer mais où toujours — et c’est ça qui est magique — on dialogue. Pour parler du temps ou de politique, du film de la veille à la télé ou du dernier match de foot. Un lieu où même les « cabossés » ont leur place, tout comme les vieux qui y laisent couler le temps, tout comme les bandes de jeunots qui viennent y siroter un soda tout en jouant au flipper ou en choisissant un disque du juxe-box, tout comme les copines (de fac ou de bureau) qui peuvent venir y manger un croque-monsieur en papotant de tout et de rien, des garçons, des collègues de bureau pas sympas ou du p’tit dernier. Un lieu où tout le monde est accueilli à égalité, ce qui est assez rare dans notre société. Un lieu où l’on respecte tout autant la solitude du buveur solitaire que la rencontre aléatoire.
Il y a bien des années déjà que Pierrick Bourgault bourlingue à travers le monde pour témoigner de ces lieux de convivialité et leur rendre hommage car ce n’est pas le premier livre qu’il commet sur le sujet. Mais cette fois, c’est tout en images et c’est particulièrement émouvant : 107 clichés instantanés qui surprennent la vie dans ce qu’elle a de plus vivant, de plus intime, de moins posé. La vraie vie sans artifices, sans trucage.
Mais ce livre rend aussi hommage aux patrons et patronnes de bistrots sans qui de nombreux lieux isolés, de communes rurales n’auraient plus de noyau, de cœur et deviendraient — deviennent pour ceux qui n’en ont déjà plus — tristes et moribonds. Car le bistrot est fédérateur : Il « anime », mot à prendre dans son sens étymologique de « avoir une âme », du latin animus, souffle. Le souffle qui fait qu’on bouge, qu’on vit. Mot qui a donné aussi le mot « animal » et ça fait réfléchir. Mais c’est un autre débat.
Pierrick est en effet presque militant, en tout cas engagé auprès d’Alain Fontaine (bistrot Le Mesturet) qui a créé l’ « Association des Bistrots et Terrasses de Paris » en vue d’une inscription au « Patrimoine immatériel de l’Humanité de l’Unesco », association dont je vous ai déjà parlé (voir mon article plus bas). À noter d’ailleurs que sur chaque exemplaire vendu de ce livre, 1 € est reversé à l’Association pour la reconnaissance de l’art de vivre dans les bistrots et cafés de France en tant que patrimoine culturel immatériel.
Un livre de mémoire enfin, et ce n’est pas son moindre atout.
Bonus : une jolie préface de François Morel.
Au Bonheur des bistrots
Préface de François Morel
Pierrick Bourgault
Éditions de La Martinière
Format : 28 x 22 cm
128 pages
Prix : 25 €
Blandine Vié