« Pour trente-cinq mille carrés Hermès », le livre patchwork atypique de Joëlle Roubine
J’ai d’abord été étonnée par ce livre qui conjugue Nouvelles, Chansons, Théâtre, Contes et Poésie. Étonnée à la fois par sa structure et par son contenu.
Disons que j’ai eu l’impression d’entrer par indiscrétion — sinon par effraction puisqu’il y a publication — dans le journal intime d’une femme, trouvant par conséquent qu’il y avait une forme d’impudeur à tourner les pages. Et si je n’avais pas connu personnellement l’autrice, je me serais d’ailleurs demandé s’il s’agissait d’une adolescente de dix-sept ans intellectuellement très mûre ou d’une femme adulte qui avait gardé l’âme de ses dix-sept ans. Les deux peut-être bien. Car c’est parfois presque naïf (les espoirs et les attentes d’une jeune fille) et à d’autres moments d’une maturité féroce. Les mots d’une femme qui couche ses douleurs sur le papier, en les romançant pour les mettre à distance et les analyser à la façon d’un entomologiste. Les mots joyeux de ses petits bonheurs, des mots tendres pour l’être aimé, mais aussi des mots qui crient les blessures d’une femme parfois écorchée. Une sorte de scrapbook composé de morceaux choisis parmi des confessions triées sur le volet.
Le découpage en Nouvelles, Chansons, Théâtre, Contes et Poésie renforce encore le côté métissage de l’ouvrage.
La forme — beaucoup d’histoires ont un « avant » et un « après » — confirme également cette évolution, ce mûrissement entre le fait initial et sa digestion.
Des histoires de la vie qui alternent joies, déceptions, élans, fougue et chagrins. La douloureuse relation mère-fille a particulièrement fait écho en moi (et je tiens à préciser que les mots sont alors écrits au scalpel sans que pourtant ce soit le moins du monde larmoyant : on est dans le ressenti qui, ressassé, bascule sur l’analyse et non sur la plainte). Le recul apporte même parfois une forme de drôlerie car l’humour est loin d’être absent de ces scènes de la vie courante. Néanmoins, certains cris du cœur sont terribles comme cet homme qui ne veut pas avoir d’enfant « parce que donner la vie, c’est donner la mort ».
Ce livre relève évidemment de l’auto-thérapie mais ces petits récits « au bord de la crise de nerfs » ont quelque chose de joyeux et de rédempteur. En tout cas, l‘écriture est fluide, très moderne, leste, rythmée et tout y est dit à fleurets mouchetés. On devine les souffrances sous-jacentes et les non encore dits mais c’est sans dérapage, en somme l’album-résilience d’une mémoire traumatique qui à la fois règle des comptes et s’en fortifie tout en réussissant le tour de force d’en amuser — et parfois même d’en réconforter — le lecteur. J’ai personnellement préféré les nouvelles et le théâtre mais on peut aussi trouver son bonheur dans les autres chapitres.
Bref, c’est bien ficelé et se lit facilement. Double jeu, double Je, entre douceur et douleur.
Prix : 12,50 €
livre autoédité sur Bod (Books on Demand)
n° ISBN : 978-2-3225-2042-8, mars 2024
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Il paraîtra aussi en e-book
Site : www.bod.fr