Amoureux de Montmartre, ce livre est fait pour vous !
Connaissant l’auteur (assisté par son épouse pour l’édition du livre), je peux vous dire que, de retouches en rajouts, de fignolages en peaufinages, de vérifications en relectures, l’accouchement a été difficile. Mais ça y est, il est enfin paru, ce qui en fait LE cadeau indispensable pour les Montmartrois et tous les amoureux de Montmartre. Car c’est un livre riche d’informations historiques, fourmillant de détails, de souvenirs, d’anecdotes qui nous remémorent le passé de ce lieu mythique que les peintres et les écrivains du monde entier ont hanté tant ils lui trouvaient de charme et d’esprit libertaire, de fraternité, d’amitiés qui n’étaient pas vaines, et d’une joie que même la misère n’arrivait pas à altérer, grâce notamment aux nombreux cabarets et moulins, lieux de spectacles et de plaisirs où l’on venait se divertir, manger, chanter, danser, et où tant d’artistes se sont produits à leurs débuts et y ont acquis une certaine renommée avant de conquérir le monde.
Il faut lire ce livre comme on ferait une promenade spatio-temporelle conjuguant à la fois des palanquées de souvenirs et une balade bien réelle en arpentant la butte jusque dans ses ruelles les plus secrètes, dans ses cabarets les plus intimes. Des va-et-vient qui nous plongent dans une douce mélancolie ou au contraire nous ragaillardissent comme toutes ces échappées à La Bonne Franquette, siège officiel de la République de Montmartre qui est sans nul doute l’établissement le plus fidèlement authentique à l’esprit de la butte, en ce sens qu’il n’est pas seulement là pour contenter les touristes curieux mais aussi — et surtout — pour fédérer une vie montmartroise intrinsèque, une vie de village où les feux ne s’éteignent pas une fois les touristes partis.
Historiquement bien sûr, on ne peut pas raconter Montmartre — qui ne fut rattachée à Paris qu’en 1860 — sans évoquer son passé politique et notamment la Commune, épisode frondeur mais fondateur de la République (et pas seulement de celle de Montmartre). On y apprend aussi que Montmartre, ce n’est pas seulement la butte mais tout un périmètre périphérique qui va jusqu’aux anciennes barrières, notamment celle de Clichy, un territoire qui s’étend de La Chapelle jusqu’à la Place de Clichy et descend jusque dans les profondeurs de la rue des Martyrs. Le Moulin Rouge n’est-il pas boulevard de Clichy et l’ancien très celèbre cabaret du Chat Noir — où ont défilé toutes les grandes gueules de Montmartre et tant d’écrivains — ne se trouvait-il pas boulevard Rochechouart ? Des lieux où la Belle-Époque décadente a fait les quatre cents coups, où des talents se sont épanouis et où des idylles — ô combien ! — sont nées, même si pas toujours avec une fin à l’eau de rose. Et ce qui rend ce livre agréable à lire, c’est qu’il est vivant, on n’est pas du tout dans une nostalgie larmoyante. Et même si la misère n’est jamais douce, à Montmarte elle se caractérise par la générosité. Comme par exemple celle de Francisque Poulbot qui a crée l’œuvre des petits pouliots, toujours active aujourd’hui.
Autre intérêt de ce livre, c’est cette mémoire flamboyante des bistrots dont Gérard Letailleur raconte qu’ils ont eux aussi contribué à la gloire de Montmartre, qu’lis étaient fréquentés non seulement par les artistes de tout poil mais aussi par une population locale des plus attachantes. Que d’anecdotes cocasses ou émouvantes dans ces lieux si vivants où, que l’on se contente d’un café au comptoir, de pintes de bière à la tireuse ou de bouteilles qui se dégoupillent à la file pour consoler des souffrances, pour panser des plaies, le bistrot est toujours un lieu de partage et de réconfort. On discute avec son voisin, on rompt sa solitude, on noue des amitiés, on finit par faire partie de la famille.
C’est évidemment le cas du plus emblématique d’entre eux, La Bonne Franquette, sis à l’angle de la rue des Saules et de la rue Saint-Rustique, avec sa belle devanture d’époque et où se déroulent tous les événements fédérateurs de la République de Montmartre, présidée par Alain Coquard, épaulé dans sa tâche par son épouse Marie-France, mais aussi tant de déjeuners amicaux. Le contraire même du bar à touristes qui, néanmoins, lorsqu’ils y viennent ont l’impression d’avoir fait un saut dans le temps tellement le cadre et l’ambiance réchauffent le cœur. Un bistrot sous la houlette de la famille Fracheboud depuis des temps presqu’immémoriaux, où la cuisine n’est jamais chichiteuse et où la générosité des maîtres de maison Patrick Fracheboud et Anne son épouse, ainsi que Luc Fracheboud, le fils qui a repris les rënes même si Patrick est toujours là, veillant au bonheur de chacun. Même le service, naturellement attentif, est également jovial. Une belle maison dont j’ai un peu fait mon QG tellement je m’y sens bien et bien que ce soit loin de chez moi. Gérard Letailleur vous raconte toute l’histoire de cette maison si accueillante qui prend sa source au Moulin Rouge où le père de Patrick Fracheboud fut directeur de salle au long cours. Je n’ai qu’un seul petit regret : qu’il n’y ait pas de chambres !
Bon, je ne vais pas vous en dire plus, sauf que l’iconographie est incroyablement riche et variée et aère ce copieux bouquin.
Je n’ai que deux recommandations à vous faire : acheter le livre, offrez-le, et allez à La Bonne Franquette pour… « manger, boire, rire et chanter », la devise de la maison !
Si Montmartre & La Bonne Franquette nous étaient contés
Gérard Letailleur
Trianon, éditions d’art, 2022
Copieuse iconographie
En vente dans de nombreuses librairie (vous pouvez le commander)
Site : www.editionsartdetrianon.fr
Prix : 30 €