Un déjeuner chez Lasserre (**), table mythique
Il est des maisons où l’on va — à tout le moins où l’on fantasme d’aller — pour le nom, pour l’histoire, pour le patrimoine, pour la magie du lieu et bien sûr pour la réputation de la cuisine. C’est le cas du restaurant Lasserre, adresse parisienne mythique où nous avons eu la chance d’être conviés.
Nous sommes accueillis avec beaucoup d’entrain par Gaëtan Molette, le directeur de salle, qui nous fait d’abord faire le tour des cuisines et rencontrer le chef Adrien Trouilloud, puis nous pilote vers le pôle pâtisserie où nous bavardons un moment avec Claire Heitzler. Ensuite, nous prenons l’ascenseur qui dessert directement la salle de restaurant et son célèbre toit ouvrant. Qui, justement, en ces temps caniculaires est ouvert.
Nous voici à table. Nous nous laissons tenter par la suggestion de Gaëtan Molette qui nous incite à choisir le menu dégustation accompagné de ses vins. Ça ne se refuse pas ! Surtout avec un menu comme celui-ci :
Pour faire passer la poussière de la route, on nous propose une flûte de Larmandier-Bernier, vif, tendu, net : un parfait champagne d’apéritif. Même si nous préférons les blancs de blancs un peu plus charnus et expressifs, nous ne boudons pas notre plaisir. Une foccaccia olives et thym et trois petits amuse-bouche nous font patienter mais tout en bavardant, nous avons zappé les photos de la tartelette carotte-gingembre et de la tartelette oseille et radis daïkon.
À la demande de Patrick, les 7 (et même 8) autres verres de vin nous seront servis à l’aveugle, non pas pour avoir une chance de faire les malins mais pour augmenter le plaisir de boire des vins « inconnus ».
Le premier plat s’annonce : une salade de tomates endimanchée. Aux tomates de saison pelées viennent s’ajouter des tomates confites, du cœur de burrata, un coulis de tomate rafraîchi, de l’huile d’olive « fruité vert », du basilic et une tuile au sésame. L’assiette est belle et c’est rafraîchissant à souhait.
Inconnu, le premier vin ne l’est pas complètement car le riesling se dévoile tout de suite, avec des fruits exotiques, de la menthe et surtout sa minéralité et sa touche d’hydrocarbure. Notre erreur de géolocalisation n’est que de 150 km puisqu’il s’agit d’un assez joli vin de la Moselle allemande voisine.
La deuxième entrée arrive, somptueuse dans sa présentation, composée de légumes et de fruits crus et cuits (carottes jaunes, radis, courgettes, pomme, fraises, betterave, melon, pamplemousse, salade, chioggia, haricots verts, girolles) sur un crémeux d’avocat, avec de l’huile d’olive de Sisteron « fruité noir » d’Alexis Muñoz. Un vrai festival !
En ce qui concerne le vin, c’est là que l’exercice est devenu périlleux : nous sommes passés complètement à côté d’un chignin-bergeron que nous placions plus au sud, peut-être à cause de la roussanne très mûre.
Mais vient le tour des plats. D’abord un homard de Granville fumé en fin de cuisson et accompagné d’ail noir, de pommes de terre de Noirmoutier, d’oseille et de bisque de homard. Le petit goût de fumé apporte une touche insolite mais plaisante. Le homard vient de La ferme de Lisa où, le papa pêche et la maman livre et, nous confie-t-on, le homard n’est jamais conservé sur glace.
Homard de Granville sur la braise, pommes de mer/ail noir, oseille © Greta Garbure
Le corton-charlemagne qui l’escortait présentait les charmes d’un chardonnay que nous commencions à chercher. Sa relative jeunesse laisse augurer de grandes satisfactions, ce qui ne sera pas étonnant venant de cette belle maison. Il était déjà épatant sur le homard à peine grillé.
Pour suivre, la côte de veau du Limousin élevé sous la mère (3 tétées au pis par jour, pas de biberon, pas de lait en poudre) de chez Jean-Jacques Guéraud arrive en fanfare dans sa casserole et ça donne vraiment envie (voir la photo sous le titre). Elle est flanquée d’une garniture méditerranéenne : petites aubergines, caviar d’aubergines, boulghour au citron confit et câpres. La cuisson rosée met bien la viande en valeur.
Le rouge qui vint se poser sur ce veau de lait était fin, aérien, son grand âge procurait une intense émotion. Nous avons reconnu son origine bordelaise, peut-être bien même médocaine, mais son âge nous a chavirés : plus de 50 ans ! Un nom glorieux et une actualité encore très honorable pour cette demi-bouteille qui a, de plus, le mérite de nous avoir attendus.
Devant nos errements et nos regards perdus, le sommelier nous a révélé le pays de naissance du second vin accompagnant ce plat : pas de honte à se tromper sur cet amusant mais chafouin cinsault d’Afrique du Sud…
Avant les desserts, Gaëtan Molette nous fait la surprise de nous proposer du fromage. Le chariot est superbe et nous goûtons du stilton, du camembert, du Saint-Nectaire et de l’anneau du Vic-Bilh dont nous connaissons mieux le pacherenc. Surprise aussi : un double tappit hen (6 bouteilles) de porto Graham’s tawny de 20 ans d’âge (mais nous n’avons pas pu le finir !) accompagne — à merveille ! — notre choix, notamment sur le stilton qui se révèle de première catégorie.
Mais passons au dessert ou plutôt… aux desserts ! Avec d’abord un premier dessert hors menu — il est vrai que lors de notre rencontre avec la chef pâtissière, Patrick avait tenu à préciser que c’était pour lui un point d’orgue à un repas dont il était friand ! — à base de rhubarbe et de fraises, avec une glace à la verveine.
Puis nous goûtons à un baba croustillant au rhum, cerises et sorbet mojito. Deux desserts rafraîchissants et bien de saison qui vont un peu jouer le rôle de trou normand et sur lesquels « le vouvray moelleux 2009 du clos Naudin est décidément toujours parmi mes préférés » (dixit Patrick).
Arrive alors l’un des desserts-signature de Claire Heitzler : l’excellent parfait à la graine de cacao, sorbet au chocolat qui intègre aussi une feuillantine. Le madère 1973 100% sercial de chez Barbeito était immense sur le chocolat.
Nous sommes un peu calés mais nous allons quand même engloutir les délicieuses petites madeleines proposées en mignardises avec le café.
Que dire encore ? Précisons que le pain, fourni par Frédéric Lalos était lui aussi un régal.
Oui, que dire de plus sinon que nous avons passé un moment d’exception, presque de grâce, dans un cadre quasiment historique et que l’accueil et le service ont été d’une charmante courtoisie et d’une grande efficacité.
À propos du cadre, ajoutons encore que depuis des temps immémoriaux, le même oiseau en argent orne toujours chaque table. Ainsi, à la table mitoyenne — qui était la table attitrée d’André Malraux — trône un canard. Sur la nôtre, c’est un perroquet. Et malicieusement, nous demandons à Gaëtan Molette si c’est donc la table réservée aux journalistes !
Ah ! Tout de même ! Vous allez nous dire : Et l’addition ? Eh bien, quitte à fâcher certains qui se plaisent à entretenir une polémique — ils se reconnaîtront ! — nous n’en parlerons pas. Parce qu’il y a des lieux qui font partie de notre patrimoine et que ça n’a pas de prix ! Néanmoins, les curieux pourront se renseigner sur le site du restaurant.
Invitation d’une attachée de presse.
Blandine & Patrick
Lasserre
17, avenue Franklin Roosevelt
75008 Paris
Tél : 01 43 59 02 13
Site : www.restaurant-lasserre.com
Réservation : reservation@lasserre.fr
lyne47
30 juillet 2015 @ 7 h 43 min
Rien qu’à vous lire, on prend plaisir, on s’y croit. Merci de nous faire rêver.
Danièle Maitreau
31 juillet 2015 @ 19 h 10 min
excellent reportage gourmand à souhait !!!!!