Salsifis comme ça !
Ne confondons plus
salsifis et scorsonères !
Au marché, vous n’avez jamais osé en acheter de peur de ne pas savoir comment les préparer.
Ou alors, ce n’est pas un bon souvenir pour vous !
Genre dégoût de cantine…
Faut dire qu’en boîte avec une sauce blanche fadasse et grumeleuse, c’est pas terrible.
Ou encore, vous êtes née dans les années 70 avec deux handicaps lourds :
1) Vous aviez une maman soixante-huitarde qui avait jeté ses casseroles aux orties en même temps que ses soutien-gorges !
2) Vous avez été élevé(e) selon les principes désastreux de Françoise Dolto et vous avez été un « enfant-roi ». ! Libre de faire toutes les conneries que vous aviez envie de faire, de répondre à vos parents, et bien évidemment dispensé(e) de corvées ménagères.
Là évidemment, je vous plains car vous avez été privé(e) de plaisirs indicibles !
Donc, pour vous, salsifis et scorsonères, c’est blanc bonnet et bonnet blanc, vous ignorez jusqu’à leur existence !
Ou enfin, a contrario, vous êtes une femme née avant les années 70.
Dans ce cas, je compatis : car pour vous apprendre à vivre, votre mère a sans doute obligé la petite fille que vous étiez — ces salopiauds de frères étaient dispensés — à éplucher les longues racines noires qui vous laissent des mains de mineur de fond si vous ne mettez pas de gants. Et les gants de cuisine dans les années soixante !
Faut avouer qu’à l’époque, les gamines n’arboraient pas des « french manucures » de starlettes en mal de télé-réalité !
Mais revenons à nos racines !
Il a fallu que la mode des « légumes oubliés » les mettent à nouveau sur le devant de la scène pour qu’on les redécouvre en s’y intéressant un peu mieux qu’autrefois.
Car en fait, le mot « salsifis » est très souvent employé improprement pour désigner les deux sortes de racines, les beiges comme les brunes ! Or, seules les beiges sont des salsifis, les noires étant quant à elles des scorsonères !
Mais voyons ce qui les distingue :
Le salsifis cultivé (Tragopogon porrifolius L.)
est une plante herbacée de la famille des Astéracées dont il existe de nombreuses espèces sauvages. Le terme désigne aussi la racine seule, de couleur beige, consommée comme légume.
Or, de nos jours, le vrai salsifis d’antan est devenu rare dans nos potagers et n’est quasiment plus cultivé que par quelques maraîchers soucieux d’exploiter le filon des légumes oubliés chers à certains restaurateurs.
La scorsonère (Scorzanera hispanica)
fait également partie de la famille des Astéracées (mais d’un autre genre) et est également consommée comme légume. Elle n’est absolument pas originaire d’Espagne comme son nom botanique latin pourrait le laisser croire. Son nom français vient de l’italien et signifie « écorce (scorza) noire (nera) », d’où son surnom (impropre) de salsifis noir, ce qui ajoute encore à la confusion.
Et bien que de goût presque similaire, la scorsonère a une chair plus blanche et plus fine, plus tendre (moins fibreuse) aussi.
Raison pour laquelle, c’est surtout elle qu’on trouve sur les marchés, même quand il est écrit « salsifis » sur les ardoises des marchands de légumes.
Mais les scorsonères survivront-elles longtemps à cette mode des légumes d’antan sachant que la séance d’épluchage est une vraie corvée — et Maman n’est plus là pour m’y obliger ! — et qu’il faut en outre la faire suivre d’une cuisson rituelle dans un « blanc », ce qui n’est pas non plus à la portée de la première foodista venue !
Dommage, parce que les beignets de scorsonères, voire de salsifis… qu’est-ce que c’est bon !
Ah ! Encore une petite curiosité !
En raison de sa ressemblance avec la racine noire, on appelle aussi « salsifis » la tresse de Guignol !
En fait, c’est un hommage à la tresse que portaient les canuts de Lyon pour que leurs cheveux ne se coincent pas dans les machines à fabriquer la soie !