Rejoindre les Archipels par David Sarnac
Né en 1960 quelque part en Gascogne, Daniel Sarnac a publié sous son vrai nom plusieurs essais universitaires et deux romans. Mais comme le précise son éditeur : « il revient ici à son écriture de prédilection : les fragments ».
Sous forme d’abécédaire — la contrainte de cette collection —, David Sarnac nous fait effectivement part de petits morceaux choisis qui correspondent parfaitement à son regard sur le monde et sur la place de l’homme dans ce monde, c’est-à-dire, subséquemment, sur sa propre identité.
Ces fragments tiennent à la fois du poème (en prose), de la réflexion voire de la méditation. La parole qu’il délivre est celle d’un solitaire qui traverse la vie en observateur, mais comme on traverse des miroirs. C’est un passant passeur.
Toujours en quête d’ailleurs — mais pas en vue d’un tourisme compulsif —, il parcourt le monde avec des semelles de vent, à l’instar de Rimbaud, avec un regard affûté, à la fois profond et léger sur ce qui nous entoure : lieux et hommes bien sûr, mais bien plus encore sur tout ce qui est impalpable à qui marche sans regarder. Jamais rassasié, c’est un buveur de lune, un cueilleur de roses des vents, un glaneur qui se promène sous les étoiles en humant les effluves embaumeurs, en écoutant crépiter les vagues sur les rochers, en s’émerveillant du jeu des ombres et des lumières.
Sa peau, son cœur, son cerveau et son âme sont poreux au chant des saisons et il perçoit toutes les manifestations des éléments. Il s’en rend ivre et vibre aux signaux telluriques, aux remous et houles des marées, aux foudres des cieux.
Tour à tour vent debout ou vent en poupe, il devine des arcs-en-ciel nocturnes, sait se faire un chemin au milieu des ronces, rejoint les îles presque à gué, perçoit les secrets de la terre jusque dans son creuset, ceux-là mêmes qui font écho à son moi le plus intime, le plus secret.
Tout comme dans le sonnet Correspondances de Charles Baudelaire, il « passe à travers des forêts de symboles qui l’observent avec des regards familiers » où « les parfums, les couleurs et les sons se répondent ».
Il est comme un galet poli par le roulement des flots, comme une pierre que la vie a roulé en émoussant ses arêtes vives, faisant de lui un homme nomade, libre, et par conséquent plus riche au milieu du flou de ce décor.
Il connaît les portes dérobées par lesquelles s’évader de soi, ce qui est la meilleure façon d’être présent au monde.
Le grand jeu de la vie ne peut être que l’ivresse de savoir qu’on n’est qu’un grain de sable.
Paradoxalement, chimiquement, qui dit volatil dit essentiel.
La maison d’éditions Papirus « réinvente le style autobiographique en partageant la vision du monde d’auteurs ordinaires d’exception ».
J’aurai l’occasion de vous en reparler.
Rejoindre les archipels
David Sarnac
Illustrations : Amel Zmerli
© Papirus 2019
collection Papirus Auteurs
Prix : 15 €
www.papirus-histoire.fr
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Blandine Vié