Pain de messe ou pain de fesses ?
Le pain, aliment symbolique entre tous
Depuis que l’homme a inventé le feu, le pain a été la base de l’alimentation. Au point de devenir emblématique des nourritures terrestres mais aussi des nourritures spirituelles. Eh oui, il y a toute une mythologie sociale et culturelle derrière le pain.
Par pain, quelle que soit la civilisation, il faut comprendre une préparation à base de grain (galette, semoule, bouillie, polenta, kacha, tortilla, pitta, etc.) servant de support à d’autres nourritures et agrémentée au fil des siècles de différentes provendes de hasard (cueillette, glane) ou de plus ou moins bonne fortune (culture, élevage, cuisine). Bouillie arrosée de lait ribot, semoule associée à des légumineuses, pizza à l’origine simplement garnie de sauce faite avec les tomates du jardin, herbes et éventuellement de fromage si l’on avait une bête pourvoyeuse de lait (donc ordinaire des pauvres), etc.
Mais, avec l’augmentation du niveau social des peuples, d’aliment primordial le pain a été relégué au rang d’accompagnement d’une cuisine plus élaborée. La consommation du pain n’a en effet cessé de diminuer au point qu’on n’en mange cinq fois moins qu’au début du XXe siècle. La faute à l’industrialisation, à l’agriculture intensive, aux pesticides qui ont perverti le goût du pain et, il faut bien le dire, à la mode grégaire et envahissante des burgers venus d’outre-Alantique, qui ont mis à mal nos tartines et nos sandwichs. Même notre baguette nationale, qui pesait encore 300 g en 1970 n’est plus que de 250 g aujourd’hui.
Des nourritures terrestres aux nourritures spirituelles
Par-delà sa fonction nourricière, le pain, parfait symbole des nourritures terrestres, l’est également des nourritures spirituelles. Ainsi, dans le christianisme, il est évidemment christique comme en témoignent certains épisodes de la Bible (la multiplication des pains), le nom de Bethléem (là où est né Jésus) qui signifie « la maison du pain » en hébreu, et bien sûr l’eucharistie qui commémore et perpétue le sacrifice du Christ. À l’origine, celle-ci se pratiquait avec du pain levé coupé en morceaux (tradition conservée par les Orthodoxes). Mais l’étude des textes sacrés ayant démontré que la Cène avait eu lieu pendant la Pâque juive (Pessa’h) — les Juifs consommant du pain azyme en souvenir de la fuite en Égypte — et donc que Jésus n’avait pas pu disposer de pain « zyme » (fermenté), l’Église catholique décida elle aussi de remplacer le pain ordinaire par un mince disque de pâte non levée ou hostie.
Au plan politique, en France, le pain fut longtemps « la » nourriture, à la campagne comme à la ville. Au point qu’en cas de mauvaises récoltes de céréales, son manque n’a cessé de provoqué historiquement des révoltes et a même été l’un des facteurs de la Révolution française.
PAIN DE MESSE OU PAIN DE FESSES ?
Un symbole pouvant en cacher un autre, le choix du pain azyme aurait une signification cryptée, la fermentation pouvant être assimilée à une souillure symbolisant l’ensemencement. Or, Jésus étant né d’une union sans accouplement, le pain zyme évoque de manière occulte une souillure puisque « corrompu » par un morceau de pâte externe engendrant cette fermentation. Consommer du pain azyme est donc une manière subliminale d’intensifier un fantasme de pureté.
Signifié que l’on retrouvait dans les Fornicalies (ou Fornacales), fêtes se pratiquant dans la Rome antique en l’honneur de la déesse Fornax qui présidait dans les endroits où l’on faisait cuire le pain (où il y avait un four), nom qui, par métaphore, a donné également le mot fornication, on comprendra aisément pourquoi.