L’origine des étoiles dans les guides
Morceaux choisis
« L’origine des étoiles.
Les étoiles des guides Baedeker ou Michelin proviennent des points d’exclamation que Mariana Starke, dans ses récits de voyages, multipliait dans le dessein de signaler les œuvres qui l’avaient émue.
Les Voyages en Italie parurent en 1800. Auteur dramatique à succès, Mariana Starke était, si l’on peut dire, professionnellement portée à utiliser les points d’exclamation en signe d’enthousiasme, leur quantité étant censée marquer l’intensité de son émotion. Elle reprit ce livre lors de nombreuses éditions et systématisa cet usage proprement « alogos » pour un auteur de la fin du XVIIIe siècle, faisant l’économie de la médiation linguistique dans une sorte d’ellipse ineffable qui est très moderne plus encore que préromantique (haine de la liaison et de la justification qui s’expose aux jugements ; arbitraire péremptoire, affectif, fasciné, mutique ; violence et lâcheté). Par exemple, en 1815, seules cinq peintures du Louvre avaient deux points d’exclamation, dont un Gérard Dou.
Témoignage de la substitution du silence au verbe, d’une espèce de paresse publique ou barbare, ou d’une impuissance plus historiale devant l’effort de verbalisation, de l’extension de la subjectivité jusqu’à quiescence et anéantissement des conditions de l’identité, symptôme de l’hégémonie des signaux du marché qui s’est étendu à la terre. »
in Petits Traités I (XVIIe Traité Liber) de Pascal Quignard, Paris, Maeght Éditeur 1990, repris par Gallimard, collection Folio
Je dois dire que je trouve assez pertinente cette analyse de Pascal Quignard — l’un de mes auteurs préférés — que l’on peut trouver réductrice mais qui met le doigt sur le manque de justification qui accompagne souvent l’attribution ou le retrait d’étoiles.
Disons que sur Greta Garbure, toutes nos chroniques de restaurants sont explicitées, de la lecture du menu au contenu de l’assiette, en passant par le service et même le cadre qui génère une ambiance et joue un rôle à sa manière. Cela ne nous empêche pas d’être parfois partiaux mais nous expliquons pourquoi.
J’ajouterai pour ma part — ce que ne dit pas Quignard — que le point d’exclamation s’est d’abord appelé point d’admiration.