Oka – Paris
Oka
restaurant franco-brésilien
Paris 9e
Si vous pensez venir ici dans le temple de la feijoada*, passez votre chemin. Car une cuisine brésilienne peut en cacher un autre. C’est le cas chez Oka — mot qui signifie « maison » dans les langues tupi et guarani — où Raphaël Rego, jeune chef brésilien de 32 ans né à Rio de Janeiro a une démarche vraiment intéressante.
Mais plantons d’abord le décor : le restaurant a la taille d’un mouchoir de poche (selon l’expression consacrée) puisqu’il n’y a que 18 couverts mais avec une cuisine ouverte qui en augmente le volume en profondeur. Et le tout est très chaleureux, design juste ce qu’il faut, avec des tables en ardoise, du bois et des couleurs douces qui prédisposent au bien-être, ce qui est toujours de bon augure en début de repas.
Ici, pas de carte classique mais deux formules à l’aveugle : un déjeuner en 4 temps (36 €) et un dîner en 8 mesures (45 €) hors vins. On peut seulement connaître les ingrédients qui composent les plats et en discuter avec le chef, très communicatif et passionné.
Son but, c’est de mettre l’accent sur les produits — entendez par-là les produits brésiliens ! — et c’est là justement que sa démarche est intéressante. Parce que passé par les cuisines de l’Atelier Robuchon et de Taillevent mais resté fondamentalement attaché à son pays, il souhaite les faire découvrir aux Français dans un contexte différent de celui de la cuisine brésilienne traditionnelle. Et cette approche change complètement la donne. Mais goûtons un peu.
Pour commencer, on nous accueille avec un verre de champagne blanc de blancs Charles Legend à la bulle très fine et très élégante, accompagné par trois amuse-bouche servis à la queue leu leu. D’abord une tuile à l’orange avec de la coriandre et de la canne à sucre « rapadura » (sucre de canne non raffiné et toujours pourvu de sa mélasse, résultat du pressage de la canne, obtenu après évaporation de l’eau). Puis une tuile à l’avocat, au riz et au sésame. Enfin un croustillant de pied de cochon, ananas, poivre timut (du Népal) et citron caviar. Tout est léger et pertinent mais il est vrai qu’à l’aveugle, il est difficile d’identifier les saveurs.
Pour suivre, voilà un peu de picanha séchée avec des billes de potimarron et un verre de pouilly-fumé où je décèle une pointe d’oxydation mais que je trouve très bon et très adapté à cette viande de bœuf (aiguillette de bœuf séchée très persillée, un peu comme du wagyu).
Et pour préparer le palais à des mets plus consistants, le bouillon de coco et cachaça (eau-de-vie brésilienne obtenue par fermentation du vesou, le jus de canne à sucre) s’est avéré parfait, un peu à la manière d’un trou normand.
Ont donc continué à défiler :
— Une coquille Saint-Jacques, kumquat, émulsion de pomme verte, feuilles de capucine et beurre de garrafa (beurre de baratte si j’en crois mes déductions vu mes maigres notions de portugais), escortée par un verre de Mura (vermentino) de Sardaigne de la cave Giba. Un plat très délicat à la jolie cuisson.
— Un œuf parfait cuit à 55° servi avec un segment de pamplemousse et du jus corsé, plat sur lequel un saumur blanc Jurassique 2013 de chez Charrier-Massoteau aux saveurs d’agrumes, pamplemousse notamment, était en harmonie. Là encore, joli tandem.
— Un lieu jaune de ligne avec du tapioca (manioc) mariné, du citron vert confit, de l’eau de coco et du safran bio sur lequel un verre de fronton « Vinum » 2013 (assemblages de cépages négrette) du Château La Colombière » de Philippe et Diane Cauvin désaltère sans rien altérer. Tout fonctionne.
— Une pluma ibérique servie avec de la patate douce et des feijaos (haricots noirs du Brésil), le tout parsemé de truffe noire taillée à la mandoline (avec supplément au menu), en parfait accord avec le crozes-hermitage « Les Entrecœurs » 2014 du domaine de Mucyn. Un régal.
Puis la farandole des desserts arrive :
— Un entremets crémeux conjuguant céleri-rave, manioc et chocolat blanc, insolite mais très séduisant :
— Un autre qui panache carotte poêlée dans un caramel, fruit de la passion et crumble de cacao, tout en finesse :
— Un troisième dessert à base de banane plantain avec un jaune d’œuf gélifié plusieurs jours dans une marinade, un biscuit au basilic, un crumble d’ananas et une crème glacée à la coriandre. Rafraîchissant à souhait pour terminer le repas.
En accord mélodique sur ces desserts, un verre de tokaji 2012, vin hongrois qui est à lui seul une friandise.
Et pour finir en point d’orgue, impossible de ne pas boire un petit verre de cachaça do Brasil vieillie en fût, qui vient clore le repas comme une signature !
Dîner expérimental d’une certaine manière mais enrichissant et surtout, initiative du chef que je trouve intelligente même si c’est parfois un peu compliqué pour mon goût. Cette néo cuisine constitue un pont entre la France et le Brésil d’autant que Raphaël Rego fait appel à des producteurs brésiliens pour la grande majorité des ingrédients utilisés qu’il importe via une société qu’il a créée dans son pays natal. Homme d’affaires également, donc. D’ailleurs un deuxième Oka ouvrira rive gauche en avril 2026.
Patrick n’étant pas là pour la commenter, j’ajouterais que la carte des vins est également un appel aux voyages et à la découverte et que tous ceux qui nous ont été proposés ont été des choix judicieux.
Enfin, le personnel est charmant et attentionné, ce qui fait de cette bien nommée « maison » une adresse très conviviale si l’on aime ce type de gastronomie.
Notons quand même qu’au final, l’addition est sensible.
* Feijoada : sorte de potée brésilienne à base de haricots noirs et de viandes de cochon salées et séchées (saucisses, queues, oreilles, couennes, pieds), une sorte de cassoulet brésilien.
Invitation d’un attaché de presse.
Blandine Vié
Oka
28, rue de la Tour d’Auvergne
75009 Paris
Ouvert du mardi au samedi de 18 h à 22 h 30
et de jeudi à samedi également au déjeuner de 12 h à 14 h 30
Tél : 01 45 23 99 13
Mail : reservation@okaparis.fr
Amelia Cristina
4 mars 2016 @ 9 h 58 min
Bravo! Adorei o cardápio ! Feijoada Brasileira com requinte francês , bons vinhos e uma espetacular batida com velho barreiro! Nota 10.