Les caves Saint-Gilles (Paris 3e) : tapas de folie et paellas dans un lieu super convivial
On déguste généralement les tapas en plusieurs exemplaires (bien qu’elles se commandent l’unité), d’où l’usage du mot au pluriel, C’est pourquoi, je vous ai mis les quatre photos de celles que nous avons choisies (mon camarade de dégustation et moi-même) à la suite. Bien sûr, nous nous les sommes partagées. Et pour avoir vécu une dizaine d’années aux confins du Pays basque, je peux vous confirmer que des tapas, ça se partage.
Alors, selon l’ordre des photos — qui vous parleront sans doute mieux que moi — il s’agit de 2 tapas froides et 2 tapas chaudes :
— Pimientos de Padrón, plutôt rares à trouver en France et dont je raffole. Ce sont des piments verts non piquants grillés et parsemés d’un peu de fleur de sel, servis chauds. Ils étaient parfaits. Pour l’anecdote, une petite coquille s’est glissée sur la carte où les piments sont nommés « Pimientos del Padrón », ce qui signifie « les piments du patron », alors qu’en réalité ce « del » devrait être un « de » car Padrón est une ville située au sud de Saint-Jacques-de-Compostelle, dans la province de La Corogna, Peccadille qui n’ôte rien à leur saveur et leur parfaite cuisson, d’autant qu’il viennent directement de là-bas. 7,50 €
— Pan con tomate, classique indémodable parfaitement réalisé et qui rafraîchit. Très bon pain, tomate fraîche simplement tombée en concassée et fines herbes. 6,50 €
— Croquetas de bacalao : nous les avons choisies de morue, mais elles peuvent être aussi de chorizo (la prochaine fois car j’ai longuement hésité !), de pollo (poulet) ou de carne (viande). Légères, fondantes, goûteuses, elles sont surmontées d’une touche d’aïoli de limon (aïoli au citron) et on en mangerait sans s’arrêter. 8,50 €
— Chipirones à la plancha : les chipirons sont une variété de petits calmars très communs au Pays basque et dans le golfe de Gascogne, l’un des fleurons des céphalopodes sur les deux côtes basques, côté espagnol et coté français. Servis avec une sorte d’aïoli au citron très vaporeux, poudrés de piment rouge fruité non piquant et de persil ciselé, ils sont exactement comme ils doivent être et c’est fameux. 14 €
Un bonheur donc que ces tapas et c’est avec un très grand plaisir que je reviendrai goûter d’autres spécialités comme les boquerones (anchois frais) au vinaigre, les gambas al pis-pil, les pescaditos fritos (friture de petits poissons), les chipirons à l’andalouse, le poulpe à la galicienne, l’estofado de ternera (sorte de blanquette de veau à l’espagnole), ou encore les patatas bravas, l’une des tapas les plus typiques (pommes de terre coupées en cubes et frites avec des gousses d’ail), le queso manchego (fromage de la province de la Manche), etc. etc. et bien sûr le renommé jambon ibérique dit bellota (ce qui veut dire gland), c’est-à-dire nourri en plein air aux glands en automne dans les forêts d’Andalousie et d’Estrémadure. Disons qu’ayant déjà beaucoup écrit sur ce produit, je trouvais plus intéressant (pour moi) de goûter à d’autres spécialités. Mais la photo ci-dessous vous confirmera que c’eût été un bon choix.
Pour accompagner ces superbes tapas, nous avons délaissé la cerveza (bière espagnole) qui se boit traditionnellement tout autant que le vin avec les tapas pour un vino tinto (vin rouge) de la région de Biscaye (Pays basque espagnol) : cépage tempranillo, élevage en barriques, 14°, dont nous avons raisonnablement bu deux verres chacun. Vin charpenté à la belle musculature d’hidalgo révélant néanmoins une souplesse enjôleuse de danseur de flamenco, et des arômes conjugués de fraise, pruneau, pointe de cacao et tabac, voire de cuir quand notre hidalgo a trop dansé… dans nos verres !
À propos, savez-vous ce qui signifie le mot tapas ? Couvercles ! L’auriez-vous deviné ? Et pourquoi ce drôle de mot ? Parce qu’à l’origine, quand on s’arrêtait dans une auberge pour se désaltérer de la poussière du voyage, souvent à cheval, la coutume était de poser une tranche de jambon ou de fromage sur le verre, voire une coupelle garnie, à la fois pour protéger la boisson et pour accompagner son contenu. Le rituel de dégustation a évolué mais le terme est resté. 7 € le verre, 34 € la bouteille.
Nous aurions pu choisir une ou deux tapas de plus et nous arrêter là mais les restaurants espagnols étant si peu nombreux à Paris, nous avons eu une irrésistible envie de paëlla. Deux nous étaient proposées (ce jour-là) : la traditionnelle Paella de mariscos aux fruits de mer (gambas, moules, palourdes et calmars, 23 €/pers.) et une insolite Paella nera de chipirones (paëlla noire aux chipirons, 21 €/pers.). Nous avons opté pour cette dernière et je reconnais avoir un peu forcé la main de mon camarade de jeux culinaires. Très copieuse, il eût été raisonnable de ne rien prendre avant et d’ailleurs, nous n’avons pu en venir à bout… mais quel dommage ! Préparée avec du riz espagnol Bomba, elle est teintée à l’encre de seiche dans laquelle le riz gonfle pendant la cuisson et des chipirons à la plancha coupés en morceaux la garnissent tandis que d’autres, entiers, décorent sa surface. Un vrai régal pour moi qui ai si souvent mangé du risotto à l’encre de seiche (finalement très différent) lorsque j’habitais en Italie car la petite touche d’aïoli au citron pour accompagner les chipirons était pertinente et adoucissait la saveur particulière de l’encre, pas du tout agressive, légèrement iodée et qui, vous ne vous en doutiez peut-être pas, est très riche en oméga-3. Mais, comme dit plus haut, nous avions trop mangé avant pour en venir à bout. Cependant, je dois dire que cela me donne envie de revenir goûter la paëlla aux fruits de mer, plus traditionnelle.
Précisons que le vin rouge des tapas sur lequel nous avons continué avait la virilité voulue pour affronter l’encre des sirènes tentaculaires… et tentatrices.
Tout en finissant nos verres, nous nous attardons sur la décoration de la salle — qui a été refaite— très belle et très sobre, espagnole pur jus mais sans les espagnolades de fantaisie habituelles. Le comptoir en chêne et en étain a été fait par les établissements Nectoux dont je vous ai parlé il n’y a pas très longtemps (je vous remets le lien ci-dessous), la cuisine a été ouverte et son mur côté salle garni d’azulejos, ce qui rend le cadre très lumineux en plus d’être beau et chic. Il y a aussi une petite terrasse aux beaux jours.
Nous devisons, nous devisons et — est-ce bien raisonnable ? — nous nous disons qu’il serait tout de même agréable de terminer par une petite douceur. Ce sera donc flan au caramel (7 €) pour mon convive du jour et crème catalane (9 €) pour moi. La fin du repas se faisant sentir alors que nous bavardons toujours, j’en oublie de prendre les photos, enfin presque. C’est donc légèrement entamées, des deux côtés car nous les partageons, que je vous les livre.
Encore un petit mot sur l’ambiance musicale — une bande-son bien entendu couleur locale — qui n’empêche pas les conversations et qui peut donner lieu à une animation plus olé olé le soir. Il y a même à l’étage un petit salon où, si le cœur vous en dit, vous pouvez taquiner l’une ou l’autre des guitares.
Unique à Paris avec cette authenticité, ce bistrot type bodega est une belle découverte et il a une histoire. Créé en 1992, il eut son heure gloire, proposant déjà des tapas (l’un des premiers à Paris) mais sans être véritablement hispanisant même s’il avait une très bonne réputation. Fermé, le bistrot a été repris en février 2022 par Alexandre Chapon (Julien et l’Enoteca) et, depuis son nouvel agencement, le lieu est tenu par Jorge Peña, d’origine colombienne mais de mère espagnole, Et en Espagne… on y est ! En cuisine comme en salle on parle espagnol car la clientèle est mixte (franco-espagnole). C’est pourquoi même la carte est aussi est en espagnol (mais sans difficultés de compréhension). Nous ne sommes pas ici dans un décor d’opérette mais dans une bodega qui devrait cartonner.
Aussi, parce que tout nous a bien plu et aussi à titre d’encouragement, Greta Garbure laisse ici son rond de serviette avec grand plaisir.
Les Caves Saint-Gilles
4, rue Saint-Gilles
75003 Paris
M° Chemin Vert
Tél. 01 48 87 22 62
Ouvert dimanche, lundi, mardi et mercredi de 12 h à 23 h
jeudi, vendredi et samedi de 12 h à 00 h
horaires modifiables les jours fériés
Courriel : contactanos@cavessaintgilles
Site : www.cavessaintgilles.com
Blandine Vié
Poymiro
1 mai 2023 @ 12 h 54 min
Un bien bel article article, forte documentation et jolies photos. La perfection !!! Merci beaucoup…