Les 13 desserts de Noël, une tradition à pérenniser !
Plus peut-être que dans n’importe quelle autre région de France, la fête de Noël revêt un caractère magique en Provence. Il faut dire que les traditions de gourmandise liées à la période de la Nativité y sont pérennes depuis plusieurs siècles et qu’on menait déjà grand train — ou grand « bâtre » en Camargue — en cette occasion, en des temps où cette fête n’avait alors aucun éclat particulier ailleurs… sauf peut-être en Alsace, région qui peut sans doute se prévaloir d’avoir elle aussi une longue tradition de munificence en ce qui concerne Noël… mais dont il ne faut pas oublier qu’elle n’a pas toujours été française !
À vrai dire, en Provence, tout commence au premier dimanche de l’Avent avec l’installation de la crèche, cette pastorale de santons aux personnages d’argile naïvement colorés héritée de la tradition italienne. Quant au repas proprement dit, il est particulièrement fastueux lorsqu’il se déroule selon la tradition, c’est-à-dire en deux étapes obligées :
– d’abord le “gros souper maigre” pris pendant la veillée précédant la messe de Minuit, suffisamment solide pour supporter les rigueurs de l’hiver quand on se rendait à pied dans la nuit à l’église (mais ne comportant aucun aliment interdit) et se terminant rituellement par les 13 desserts ;
– puis, après avoir jeté une bûche d’olivier dans l’âtre au retour de la messe, un souper gras et revigorant (tous interdits étant alors levés), constituant en quelque sorte une deuxième veillée… d’où d’ailleurs le nom de Réveillon, mot qui fit florès depuis mais qui ne devrait guère s’appliquer à un repas de vigile !
Ce rituel est d’ailleurs presque totalement tombé en désuétude aujourd’hui, le repas de la veillée de Noël, tout comme celui du déjeuner familial du 25 étant tous les deux « gras » et copieux !
Quoi qu’il en soit, à la veille de Noël en Provence, on avait coutume de dresser les fameux 13 desserts — symbolisant Jésus et les 12 apôtres — sur une table couverte de trois nappes blanches (en l’honneur de la Sainte Trinité), dont celle du dessus plus finement ouvragée.
Ces desserts se prenaient autrefois à la fin du gros souper maigre, mais l’on ne desservait pas la table pendant qu’on allait à la messe, on se contentait de relever les angles de la nappe et de rassembler tous les débris au centre pour que les âmes des morts puissent venir picorer les restes !
Pour faire passer ces 13 desserts, on boit « lou vin cuech di Nadau » (le vin cuit de Noël), vin cuit obtenu par cuisson des moûts et mis en bouteilles à la Toussaint — qui connaît un regain de ferveur après être longtemps tombé en désuétude — et l’on chante des cantiques. En Camargue, on préfère boire un petit verre de carthagène, vin de grenache muté à l’alcool.
Les treize desserts peuvent varier d’un village à l’autre, mais il est impératif qu’il y ait toujours au centre une fougasse à l’huile d’olive baptisée « pompe » ou « gibassier » (on écrit aussi gibassié), symbolisant le Christ et se présentant sous la forme d’une galette ronde dans laquelle on trace quatre trous en forme de croix (ou pas) figurant ses quatre plaies.