À Noël, le vrai réveillon c’est le 25 décembre, pas le 24 !
Ça vous épate, hein ?
Et pourtant, ce n’est que pure logique !
Il faut toujours être attentif à l’étymologie des mots car elle nous dévoile bien des secrets !
Ainsi, littéralement, RÉ-VEILLON signifie veiller une seconde fois !
En effet, bien avant que le Père Noël — ce pitre américain portant les couleurs coca-colesques — n’envahisse tous nos foyers — troupeau à l’instinct grégaire que nous sommes —, du temps où le sapin n’avait pas encore supplanté la bûche, du temps où la symbolique de Noël n’était pas encore devenue odieusement commerciale, oui, du temps où, selon la tradition chrétienne, la France paysanne se rendait à la Messe de Minuit, notamment en Provence, on prenait un premier repas maigre (mais copieux) pour pouvoir tenir le coup en sortant dans le froid et parfois la neige pour aller à l’église.
Lors de ce « Gros Souper » qui était abondant mais maigre, il était de tradition de disposer sur la table familiale treize pains ornés de myrte dont le plus gros pour Jésus — ou un très gros pain coupé en trois : la part du pauvre, la part des convives et la part fétiche que l’on gardait dans une armoire — de commencer le repas par un « aïgo boulido » (sorte de tourin à l’ail), de servir 7 plats de poissons (morue, anguille) et de légumes (épinards, cardes, artichauts, choux-fleurs), car cela était signe de prospérité et gage que ces plats ne feraient pas défaut sur la table l’année suivante.
Repas que l’on terminait par 13 desserts rituels presque immuables en buvant du vin cuit.
(Pour tout savoir sur les 13 desserts, lire ma chronique d’hier.)
Cela peut paraître beaucoup mais il ne faut pas oublier que les grandes tablées étaient courantes à une époque où au moins trois générations vivaient ensemble dans chaque ferme et où l’on faisait plus d’enfants qu’aujourd’hui.
Toujours est-il que ce n’est qu’au retour de la Messe de Minuit — donc le 25 ! — que l’on faisait le « Souper Gras de re-veillée » — d’où le nom de Réveillon — après le souper maigre de la première veillée !
Vous savez, ce repas où trônent les volailles grasses (mais qui n’étaient pas encore farcies au foie gras), comme celle qui fit perdre tout son bon sens au révérend Dom Balaguère dans le conte « Les Trois Messes Basses », d’Alphonse Daudet. À l’origine, il s’agissait d’une oie (qui rôtissait pendant l’office) mais la dinde la supplanta peu à peu. On peu aussi se rabattre sur des petits oiseaux dodus selon l’appétit, le nombre de plats et le nombre de convives… ou s l’on a fait un « gros » souper maigre la veille.
Blandine Vié
À propos de la bûche en photo d’ouverture : Elle est réalisée par le duo Thomas Lepers, chef pâtissier et Vicky Rapineau du Refuge des Gourmets, restaurant de Haute-Savoie 1 étoile. Le photographe qui l’a si bien mise en valeur est Millo Moravski.
Elle se compose d’une mousse au chocolat Valrhona « Hukambi », d’un crémeux à l’aspérile odorante et d’un praliné feuillantine et noix de la Drôme.
Elle est disponible à la boutique du restaurant Le Refuge des Gourmets* (90, route des framboises, 74140 Machilly).
Prix de la bûche pour 4 à 5 personnes : 18 € ; pour 8 à 12 personnes : 35 €.