Le glouglou et l’agneau (pascal)
L’agneau est traditionnel à Pâques car c’est bibliquement l’animal du sacrifice et qu’il rappelle celui fait par le Christ sur la croix le Vendredi Saint.
Cette coutume est tellement ancrée dans les mœurs que, Chrétiens ou pas, il est devenu rituel pour presque tous de manger de l’agneau le dimanche de Pâques. Qu’il s’agisse d’un beau gigot, d’une selle, d’une épaule, d’un carré, de souris ou même de bas-morceaux (collier, hauts de côtelettes) mijotés en cocotte, voire de petites pièces plus modestes à poêler ou à griller, les recettes sont nombreuses en fonction du goût de chacun, du nombre de convives et du mode de cuisson choisi.
Le choix du vin pour accompagner peut donc poser problème, surtout si la recette n’est pas totalement classique mais comporte une sauce (sauce de gigot incorporant la pulpe de gousses d’ail cuites en chemise par exemple), des épices (tajine), un ingrédient atypique (gigot ou carré cuit sur un lit de foin) ou encore, s’il a subi une cuisson allant au-delà du confit (gigot de 7 heures piqué de filets d’anchois, gigot à la cuillère, gigot qui pleure), avec force épices, coulis de tomate, etc.). L’agneau de lait commandera un vin plus délicat pour ne pas être « dominé ». La garniture est également à prendre en compte. Pas d’interférence avec les « classiques » tels que pommes de terre boulangère, flageolets, deux haricots (blancs et verts panachés), ni même avec le cresson dont il est parfois garni. En revanche, si vous accompagnez votre agneau à l’anglaise avec des petits pois à la menthe : prudence !
Voici donc quatre bouteilles choisies parmi bien d’autres pour un accord qui ne devrait pas gâcher votre repas pascal.
Sur l’agneau rôti
On rôtit surtout les belles pièces dites « nobles » (gigot, selle, épaule, carré) qui conviennent pour les beaux dimanches en famille (surtout quand ils sont festifs), servies de préférence rosées et souvent escortées de garnitures classiques comme celles citées plus haut ou un bon gratin dauphinois (sans fromage, s’il vous plaît).
Parmi toute une gamme de vins ne manquant pas d’opulence mais rasisonnablement puissants, j’ai choisi ce cornas 2017 de chez J. Denuzière. Ce vin de la Vallée du Rhône septentrionale est issu d’une parcelle située sur la commune de Corrnas, sur le lieu-dit « En Sauman ». 100% syrah, il est vinifié selon des méthodes traditionnelles en foudre de bois, puis en barriques pendant plusieurs mois et révèle tous les arômes et la complexité de son terroir. Il a une belle robe de couleur rubis pourpre, un nez qui exprime des notes de cerise, de chocolat noir et de poivre concassé. D’une belle maturité, sa bouche est ample avec de la tension et un boisé subtil. Elle charme par ses notes de petits fruits rouges ainsi que par sa texture veloutée aux tanins soyeux. Ce vin sera épatant sur avec de l’agneau rôti qui panache une texture franche et croustillante à l’extérieur et plus juteuse à cœur, là où c’est rosé. 2017 étant un millésime solaire, sa finale légèrement épicée supportera même une sauce vigoureuse où l’on aura mêlé la pulpe de gousses d’ail en chemise, voire quelques herbes aromatiques.
Prix : 25 € chez les cavistes, au domaine (04 74 59 50 33) et au caveau des Grandes Serres à Gigondas (04 90 65 86 55).
Maison Denuzière, 73 route Nationale, 69420 Condrieu
Sur l’agneau poêlé ou grillé
A contrario, ce sont plutôt les petites pièces que l’on fait poêler ou griller : côtelettes (côtes filet, côtes roulées sans manche dites mutton chops, côtelettes premières ou secondes avec manche, côtes découvertes), tranches de selle, noisettes. Ce sont des pièces idéales pour les tête-à-tête ou pour des repas conviviaux entre amis, au jardin par exemple. Elles ont en plus l’avantage d’être préparées rapidement, que ce soit à la poêle, au gril, au barbecue ou à la plancha (il en existe maintenant d’intérieur). On y associe souvent des herbes de garrigue (thym, sarriette, serpolet) et on peut les accompagner de sauces diverses dont certaines peuvent avoir du caractère (aïoli, tartare). Au printemps, on les accompagnera de petites pommes de terre sautées ou en robe des champs, de bulbes de fenouil, de purée de panais ou de patates douces (on en trouve encore), et en été de légumes dits du soleil : courgettes, aubergines, poivrons, tomates.
Pour cette déclinaison de possibles, j’ai retenu un coteaux d’Aix-en-Provence cuvée Léa 2015 du domaine d’Éole, assemblage de grenache et syrah issu d’une sélection parcellaire de vieilles vignes menées en agriculture biologique sur un terroir sablo-calcaire avec une forte charge caillouteuse. Élevé une année sous bois, puis deux années supplémentaires pour s’affiner, un peu comme un fromage. Sa robe d’encre pourpre noire a quelque chose de ténébreux. Au nez, il exhale des senteurs sauvages des Alpilles entremêlées de baies noires, de truffes et de sous-bois qui nous racontent la Provence. Il révèle aussi des notes confiturées de cassis et de mûres et des parfums d’herbes aromatiques provençales (thym, sarriette), celles qu’on cueille dans les collines, pas celles qu’on achète au supermarché et qui ont goût de foin. Sa bouche est ample, fruitée et souple comme un tissu léger, comme un voile soyeux. Les tanins sont présents mais structurants, comme une ossature légère, sans agressivité, ils donnent juste de la force. Les saveurs de myrtille et de mûre sauvage s’associent aux épices et à des notes grillées, comme lorsque le soleil tape si fort que la garrigue a des senteurs de feu. Complexe et élégant, persistant et vigoureux, ce vin a néanmoins une fraîcheur inattendue. Idéal sur un gigot d’agneau aux herbes de Provence ou mitonné façon 7 h avec des herbes et des olives noires, on se prend à rêver que Mistral qui porte lui aussi un nom de vent — Éole étant le maître des vents —, Giono ou Pagnol auraient aimé ce vin qui pourrait d’ailleurs tout aussi bien accompagner du sanglier ou du taureau.
Prix : 30 € chez les cavistes et en direct www.domainedeole.com/nos-vins
Sur l’agneau confit
L’agneau n’aime pas les entre-deux des cuissons non maîtrisées mais se prête magnifiquement aux longues cuissons qui font les viandes confites voire compotées : gigot de 7 heures, gigot à la cuillère, gigot qui pleure, compote de gigot, souris et hauts de gigot fondants à souhait à qui presque toutes les garnitures conviennent : haricots grains, gratin dauphinois, pommes boulangère, purées, polenta. Des recettes ultra moelleuses pour lesquelles il convient de rester traditionnel.
Pour ces chairs fondantes en bouche mais pas mièvres, j’ai privilégié un haut-médoc « Les Hauts de Lynch Moussas » 2015, 2e vin du Château Lynch Moussas (Pauillac). Issu des parcelles plus jeunes dont les vins n’ont pu rejoindre le premier vin, il doit son nom aux vignes qui dominent le château. Composé à 70% de cabernet sauvignon et de 30% de merlot, le second vin du château Lynch-Moussas n’est certainement pas à dédaigner. Sa robe couleur cerise est annonciatrice des arômes de fruits rouges du nez, complexe et élégant. Sa bouche est riche et d’une grande intensité, avec une trame tannique bien présente et des notes toastées qui font écho au côté moelleux, fondant et doux de la viande. Le charnel du vin répond au charnu de la viande qui, bien qu’effilochée, presque délitée, a concentré ses sucs jusqu’à la substantifique moelle. La finale est persistante même si la cuisson s’est faite avec des herbes qui ont parfumé les chairs. Ce vin a quelque chose de mythique, agneau de Pauillac oblige.
Prix : 22 € chez les cavistes et sur www.lagrandecave.fr
Sur l’agneau mijoté en cocotte ou tajine
Les plats mijotés en cocotte ont une vocation particulière : moins protocolaires que les grosses pièces des déjeuners endimanchés, moins spectaculaires que les cuissons longue durée des plats patrimoniaux, moins exhibitionnistes que les grillades qui font leur show devant un parterre amical, ce sont les plus débonnaires. Au premier plan, on citera le navarin d’agneau printanier qui, sous le couvercle de sa cocotte, en bonne économie ménagère, associe morceaux maigres (épaule débitée en cubes) et morceaux gras et/ou pourvus d’os (collier, haut de côtelettes) dont nos grands-mères savaient bien que ce mélange était le secret d’un bon fricot. Plus exotique, le tajine relève des mêmes préoccupations budgétaires, la touche des épices en plus, Méditerranée oblige.
Pour ces plats « de (bon) ménage », à la fois humbles et gourmands, j’ai sélectionné un mercurey « le printemps » 2018 du domaine Levert Barault. Ce vin 100% pinot noir issu du sol argilo-calcaire de la côte chalonnaise est typique de son terroir. 25% des jus dont élevés en fûts de chêne neuf et le reste en fûts de deux à trois vins. De couleur rubis intense, ce vin exhale de très jolis fruits rouges, quelques notes de café et de pain grillé qui se mêlent à des arômes de noisette. Son attaque en bouche franche et vive dévoile peu à peu les petits fruits rouges. Les tanins fins et souples apportent un grand soyeux à ce mercurey ample qui ne manque pas de fraîcheur. Sa texture veloutée est comme une caresse sur les plats qu’il accompagne. Presque universel, sa finale épicée émoustillera opportunément le côté gaillard des tajines. Il sera également un partenaire sur lequel on peut compter comme sur un fidèle compagnon. Et paradoxalement, il sera même suprenant de cohésion sur un gigot froid.
Prix : 27 € chez les cavistes, au domaine et sur https://famillepicard.fr/boutique.html
Un peu de bla-bla
Si vous voulez en savoir plus sur toutes les catégories d’agneaux disponibles sur le marché, je vous raconte tout ici :