L’Archestrate, la très belle table de la rue de Bourgogne

Présentation
L’Archestrate eut son heure de gloire entre 1968 et 1985 sous la houlette du réputé Alain Senderens qui avait choisi de baptiser son restaurant ainsi en hommage à Archestrate de Gela, gastronome grec auteur d’un des plus anciens livres de cuisine (IVe siècle av. J.-C.). Mais le temps a passé. L’enseigne est aujourd’hui le second restaurant d’Agathe Vaissière, déjà à la tête du 122 (rue de Grenelle). Elle tient les rênes de ce petit établissement d’environ 25 couverts sur deux étages (privatisation possible de l’étage) dans cette belle rue historique de Bourgogne, entre le musée Rodin et l’Assemblée Nationale. La décoration du restaurant est d’un style qu’on pourrait qualifier de « sobre et chic », lumineux, dans des tons gris, jaune et bleu qui offrent une neutralité bienvenue, des tables et des sièges différents qui évitent l’uniformité, et un joli petit bar en bois blond qui égaye le rez-de-chaussée. Comme le dit la maîtresse des lieux « L’Archestrate est une suite confidentielle du 122. »
Un jeune chef épatant

Parcours original, le jeune chef Martin Gomès Réal, 30 ans, vient de la salle. Pourtant, son expérience est patente et même époustouflante. Français avec des origines latines (de grand-mère italienne et de grand-père portugais), il y a déjà eu des cuisiniers dans sa famille. « La cuisine est un esprit familial » souligne-t-il. Il a beaucoup vécu à Londres pendant 8 ans et est passé de manager à directeur de restaurant. Puis, au restaurant Folie, Guillaume Depoix lui a fait confiance et lui a ouvert les portes de la cuisine en tant que chef de partie section viande, puis saucier. « Je faisais face à des gros services de 200 couverts environ, très formateurs » dit-il. Puis il travaille ensuite dans un restaurant raffiné à la Berners Tavern. « J’ai énormément appris avec le chef Christophe Marlex qui travaillait selon les codes du groupe Ducasse » poursuit-il. Il revient en France fin 2022 quand Agathe Vaissière fait appel à lui pour la cuisine de l’Archestrate. « Je m’inspire de mes origines latines dans ma cuisine mais également de mon passage à Londres. Je me fais aussi un devoir de coller à l’éthique du restaurant, de privilégier les circuits courts et de sélectionner les meilleurs fournisseurs comme Bellor, la Compagnie du bocage, etc. » confie-t-il encore. C’est pour ça que la carte, ramassée, fait la part belle à des produits tels que les épices, les poivres, mais aussi l’huile d’olive et le miel, et que la Grèce et la Méditerranée sont des sources d’inspiration pour lui. Sa créativité fait le reste et c’est souvent du grand art. Non seulement en bouche mais visuellement aussi car ses plats sont très graphiques.
Notre repas
Nous avons d’abord dégusté un Vitello tonnato rosé, relevé de basilic (12 €) en amuse-bouche, différent de la recette originelle car veau taillé plus épais et sauce plus courte mais très agréable pour se mettre en appétit.

Pour suivre, un confrère et moi-même avons choisi le Poulpe grillé, courgettes/pamplemousse et pesto rouge (18 €) aux tentacules généreux, très souples à l’intérieur, grillés juste ce qu’il faut à l’extérieur, que la garniture de courgettes agrémentée de l’impertinence du pamplemousse émoustillait tandis que le pesto rouge apportait du liant et de l’onctuosité à l’ensemble. Et si vous êtes lecteur/lectrice assidu/e de Greta Garbure, vous savez que les céphalopodes sont une de mes passions culinaires et que j’ai même commis un petit livre* en leur honneur. Donc, quand j’approuve une recette, c’est qu’elle en vaut vraiment la peine.

La tierce personne de notre trio a préféré les Asperges blanches, miso, poutargue, citron jaune, les condiments rendant cette recette moins sage qu’elle ne pourrait le paraitre au premier abord.

En plat principal, tant vous savez que le cochon fait partie de mon ADN, je n’ai pas résisté à la Poitrine de cochon grillée, haricots cocos, carotté rôtie, condiments d’ail noir, et je fus suivie dans mon choix par mon confrère. C’est le plat photographié en début d’article. J’ai particulièrement apprécié la noblesse du traitement de ce morceau habituellement considéré comme bas-morceau alors qu’il est pourtant l’un des plus utilisés en charcuterie mais moins en cuisine. Eh bien, ce fut un régal, la poitrine étant moelleuse et fondante à souhait et la couenne grillée dans un deuxième temps, ce qui fait qu’elle n’était pas le moins du monde dure et que le contraste des textures était particulièrement harmonieux. Un régal, vous dis-je !
Notre accompagnatrice, décidément addict aux asperges, a quant à elle choisi les Gnocchis, asperges vertes, purée de morilles, pesto d’ail des ours, plat également très bien construit au niveau de la présentation et des saveurs.

Il va sans dire que notre faim était déjà largemeent sustentée — d’autant que les portions sont généreuses —, raison pour laquelle mes deux partenaires ont privilégié les Fraises garriguettes, compotée de rhubarbe, blanc-manger, bellement transcendées par l’escorte qui leur était faite.

J’ai pour ma part longuement hésité mais je ne pouvais pas moins faire que de vouloir absolument goûter une pâtisserie maison, en l’occurrence le Mille-feuille à la graine de vanille. Bien m’en a pris car il s’est révélé être d’une finesse et d’une légèreté surprenante, extrêmement goûteux et parfumé. J’en profite pour dire qu’en cuisine, ils ne sont que deux, Martin Gomès-Léal et un second qui semble plus voué au sucré.

Magnifique repas, donc, que nous avons accompagné chacun de deux vins au verre (14 cl). Précisons que la carte des vins va s’étoffer au fur et à mesure, le restaurant n’étant ouvert que depuis fin 2022.
Sur l’entrée, j’ai pris un bourgogne blanc Petit Chablis, domaine Chaude Écuelle 2020 (10 €) qui s’est révélé très honorable. Et sur le plat, j’ai choisi un bordeaux Côte de Blaye Quintessence de Peybonhomme 2018 qui m’a agréablement surprise.

L’Archestrate
34, rue de Bourgogne
75007 Paris
Tél. 09 50 58 42 91
Ouvert du lundi au vendredi, déjeuner de 12-14 h, dîner de 19 h-22 h
Menu déjeuner en 3 services : 44 €
Menu dîner en 6 séquences : 72 €
Accord mets et vins proposés : 3 verres 20 €
M° : Varenne, Invalides, Assemblée Nationale
courriel : contact@restaurant-archestrate.fr
Site : www.restaurant-archestrate.fr
Invitation d’une attachée de presse
Blandine Vié
* les calmars, seiches et poulpes, dix façons de les préparer, éditions de l’Épure, 2005