La semaine du goût (6)
Un peu de rab :
éloge du mauvais goût
D’accord, la semaine du goût, c’est fini jusqu’en octobre 2014.
Mais le goût, le goût des choses, le goût des aliments, c’est tous les jours et toute l’année, non ?
Alors nous, on va vous donner un peu de rab ! N’oubliez pas que la devise de Greta Garbure, c’est « Mets-m’en trop ! »
Alors oui, on va t’en mettre jusque-là, cher lecteur ! En te parlant de l’autre facette du goût : le mauvais goût !
Certes, par facilité on appelle « bon goût » celui que l’on objective parce que c’est le nôtre alors qu’on a tendance à qualifier de « mauvais goût » celui que l’on réprouve chez l’autre.
Pourtant, s’il n’y a pas de « bon » goût, il ne saurait non plus y avoir de « mauvais » goût, du moins au sens propre. Au sens figuré, c’est autre chose.
Car en réalité, si nous jugeons un goût mauvais, c’est seulement parce qu’il est différent de celui que nous apprécions.
Raison pour laquelle « avoir bon goût » ne veut rien dire dans la mesure où chacun a ses propres valeurs de référencement et qu’il y a autant de bons et de mauvais goûts que d’individus.
Mais c’est aussi ce qui fait la diversité humaine et mieux vaut parfois être un clown qu’un clone !
Le paradoxe — car il y a tout de même un paradoxe — c’est que, s’il ne saurait y avoir de mauvais goût stricto sensu, il peut tout de même y avoir des goûts mauvais. Mauvais en bouche (goûts de moisi, de rance, de pourri, d’avarié, de vomi, etc. pour les aliments ; goûts d’écurie, de brettanomyces pour le vin). Mais également goûts notoirement mauvais pour la santé car contenant volontairement des substances addictives : trop de graisse, trop de sel, trop de sucre, trop d’huile de palme, trop de colorants, trop de conservateurs, bref… trop de saloperies !
Dans le premier cas, si l’on aime, il s’agit d’une forme de (gentille) perversion. Ainsi Amélie Nothomb dont on retiendra (peut-être plus que ses livres) qu’elle adore manger des aliments moisis ! Mais après tout chacun a le droit à ses petits fétichismes pourvu qu’ils ne soient pas imposés à autrui.
En revanche, se délecter d’aliments addictifs relève plus de dérapages. Mais heureusement, chacun a droit aussi à quelques fautes de goût sinon à un mauvais goût avéré.
Pour les uns, ce sera rochers au chocolat, Nutella®, fraises Tagada®, barres chocolatées, biscuits industriels, bonbons à base de gélatine type nounours ou crocodiles, etc.
Pour d’autres, ce sera plutôt cacahuètes salées, biscuits apéritifs, chips et autres cochonnailles et cochonneries en tout genre. En fonction de son appétence naturelle vers le sucré ou le salé.
Et même quand on a une alimentation plus raisonnable — et je n’ai pas dit normative — on peut avoir des penchants que des puristes — et je n’ai pas dit des intégristes — ne trouveraient pas forcément… de bon goût.
On peut commencer par la viande dont le degré de cuisson divise déjà les plus carnassiers d’entre nous au point de faire se battre en duel les amateurs de viande bleue, saignante ou bien cuite.
Idem pour les huîtres : certains aiment les creuses là où d’autres ne jurent que par les plates, d’autres vont même jusqu’à les préférer grasses. Quant à ceux qui les aiment laiteuses, ils sont voués aux gémonies par les « vrais » gourmets !
Citons encore :
– les coquilles Saint-Jacques dont beaucoup méprisent les coraux alors que quelques individus s’en pourlèchent ;
– les poissons grillés dont plusieurs laissent la peau sur le côté de l’assiette quand de plus audacieux la savourent ;
– les légumes que d’aucuns apprécient cuits, d’autres al dente, d’autres encore quasiment croquants ;
– la peau du lait qui ferait vomir ceux dont elle ne fait pas les délices ;
– le gâteau de riz jeté aux chiens par les amateurs de riz au lait .
Et ainsi de suite car nous n’allons pas dresser une liste exhaustive…
On le voit, le mauvais goût en cuisine est à nuancer, voire à relativiser !
Et même s’il implique presque nécessairement un jugement de valeur et conditionne une norme, chacun reste libre de ses choix.
Car comme a dit Voltaire : « En fait de goût, chacun doit être le maître chez soi ».
Et comme a confirmé plus tard Paul Valéry : « Le goût est fait de mille dégoûts ».
J’ajouterais que c’est évidemment opportunément que nous n’avons parlé ici que de mauvais goût culinaire même s’il n’en manque pas d’autres !
Oui, le mauvais goût existe et il faut nous en féliciter.
C’est kitch et même complètement… kitchen !
JeanC
21 octobre 2013 @ 11 h 22 min
Bien vu, chère Blandine! Ton billet m’évoque le merveilleux film d’Agnès Jaoui Le goût des autres…