La garbure
On ne connaît par exactement l’origine du mot garbure. L’étymologie la plus attestée est qu’il viendrait de l’espagnol « garbias » qui signifie « ragoût » bien que la garbure n’en soit pas un mais une soupe de légumes roborative agrémentée de viandes (style potée).
Certains cependant (notamment Simon Palay) associent plutôt le mot à « gerba » qui veut dire « gerbe », donc métaphoriquement une sorte de bouquet de légumes.
En tout cas le terme « garburo » apparaît au XIIème en gascon et « garbure » dès 1750.
La garbure est une soupe de campagne née à l’époque où la France était rurale et où l’on vivait encore en autarcie dans les fermes.
Chaque région de France a ainsi une soupe préparée avec les légumes du potager et agrémentée avec les ingrédients du cru : viandes ou charcuteries locales, la plupart du temps salées, séchées ou fumées car faites pour être conservées longtemps.
La garbure est d’origine béarnaise. Les légumes y sont en abondance. La notion de soupe de légumes est extrémement floue et fluctuante puisque leur composition peut varier sensiblement selon les saisons. Néanmoins, il y entre toujours du chou et des haricots. Au pays, on utilise de préférence des choux cavaliers hauts sur tiges, appelés « caulets » ou choux noirs, ou, à défaut, du chou vert pommé, et des haricots frais, si possible « tarbais » ou « haricots de maïs » qu’on sème en bordure des champs de cette céréale afin que les tiges soutenant les épis servent de tuteurs naturels aux rames de haricots.
Au printemps, on remplace le chou par des « broutes », secondes pousses de chou ou de raves. On peut aussi y ajouter des fèves, voire des pois ou des haricots verts. Mais c’est plutôt une soupe d’automne et d’hiver. Autrefois, l’hiver, on y adjoignait parfois des châtaignes préalablement grillées.
Les pommes de terre n’y sont apparues qu’au XVIIIème siècle et les puristes considèrent que la carotte, le poireau et le potiron n’y sont pas bienvenus.
Pour ce qui est des viandes, ce sont celles qu’on élevait, tuait et conservait à la ferme : d’abord le cochon (porc salé, jambon de pays séché) puis volailles grasses confites (oie, canard) beaucoup plus tard, au XXème siècle.
Enfin, le jambon est presque toujours un peu rance, afin de parfumer la soupe ou, mieux encore, on lui préfère l’os du jambon terminé (« lou trebuc », qui communique à la garbure une saveur très particulière, très estimée des autochtones, mais qui rebute parfois l’estivant.
Certains y ajoutent de la saucisse (de canard confite) ou des gésiers confits, ce qui n’est pas vraiment la règle.
Mais il y a presque autant de recettes que de familles !
Soupe de légumes au jambon et au confit plutôt roborative — on prétend en Béarn que la garbure est réussie si la « gahe » tient quillée » ! (si la louche y tient debout toute seule) —, la garbure se mijotait autrefois exclusivement dans l’âtre, dans une marmite spéciale en terre vernissée baptisée « toupin ». Souvent, les Béarnaises « flambaient » la garbure, c’est-à-dire qu’elles étalaient une couche de graisse de confit à la surface de la soupe, et y mettaient le feu. Ensuite, elles posaient des braises chaudes sur le couvercle du récipient et laissaient cuire pendant plusieurs heures, ce qui donnait une sorte de croûte. Même non flambée, une bonne garbure devait « faire des yeux », car avoir de la graisse en abondance était un signe de prospérité. Aussi, les ménagères qui faisaient une garbure claire, en n’y mettant la graisse qu’avec « une alène de cordonnier », étaient piètrement considérées !
En ce qui concerne la cuisson toujours, elle doit se faire à tout petits bouillonnements. Il faut donc prévoir d’ajouter un peu d’eau bouillante de temps à autre pour compenser l’évaporation.
Toutefois les garbures d’aujourd’hui sont plus riches que celles d’autrefois qui, au quotidien, ne comportaient bien souvent qu’un morceau de ventrêche (lard de poitrine roulé), des couennes, voire un talon de jambon sec (cambajou), des coustous (travers de porc confit) ou même du goula (cou de porc). Et quand on a commencé à y mettre du confit d’oie ou de canard, on s’en partageait un morceau pour la tablée familiale alors qu’aujourd’hui on en met facilement un par personne. Raison pour laquelle on la prépare désormais plus souvent avec des manchons ou des ailerons de canard morceaux plus petits qui permettent des portions individuelles.
Traditionnellement, la garbure se mangeait en deux services : d’abord le bouillon et les légumes, sur des tranches de pain bis (pain de seigle rassis), puis on « rinçait » l’assiette en faisant « goudale » c’est-à-dire en y versant une bonne rasade de vin rouge de pays quand il n’y restait plus que quelques cuillerées de bouillon ; après cela, on passait aux viandes ! Aujourd’hui, on ne trempe généralement plus la soupe et l’usage du chabrot est tombé en désuétude. On peut servir la soupe aux légumes et les viandes à part mais la tendance actuelle est de servir bouillon, légumes et garnitures en même temps.
La recette de la garbure béarnaise a franchi les frontières du Béarn pour gagner le Pays Basque et les Landes, puis a gagné successivement d’autres régions du Sud-Ouest puisqu’on en trouve des versions jusque dans le Gers, où l’on déguste une garbure dite « à la feuille de chou ».
« Patience, la garbure a besoin encore d’un bouillon ou deux. »
Théophile Gautier
Le capitaine Fracasse
« La garbure est l’un des quatre grands plats français. »
Curnonsky
De la gastronomie française
« Qui mange une garbure se fabrique une armure »
Dicton
Garbure béarnaise traditionnelle
Préparation : 45 minutes
Cuisson : 3 heures à 3 heures 30
Pour 8 personnes : – 500 g de haricots de maïs du Béarn frais, écossés – 1 chou vert frisé – 800 g de pommes de terre – 200 g de carottes – 200 g de navets – 2 blancs de poireau (facultatif) — 2 oignons – 1 bouquet garni (thym, laurier, petite branche de céleri, persil plat) – 4 gousses d’ail – un morceau de pain de campagne légèrement rassis (facultatif) – sel fin, poivre du moulin
Viandes : 1 trébuc (os de jambon avec encore un peu de chair attenante, si possible un peu rance) ou un talon de jambon sec de pays (200 g) – 250 g de ventrêche demi-sel – 500 g de confit (canard, oie, porc) et la graisse qui l’enrobe
Versez 4 litres d’eau dans un faitout sur feu moyen. Plongez–y le trébuc ou le talon de jambon et laissez cuire 1 heure à 1 heure 30 (en écumant) pour parfumer le bouillon.
Faites blanchir le lard (facultatif) et coupez-le en dés.
Ajoutez alors les haricots et le lard et poursuivez la cuisson 45 minutes.
Ajoutez ensuite les pommes de terre, les carottes, les navets, les poireaux, les oignons, tous épluchés, lavés et coupés en petits cubes, ainsi que le bouquet garni. Couvrez et laissez cuire 30 minutes.
Pendant ce temps, épluchez le chou en retirant le trognon et les grosses côtes. Coupez-le en quartiers, lavez-le soigneusement et ciselez-le en fines lanières. Introduisez-le dans la marmite, poursuivez la cuisson 15 minutes (éventuellement faites-le blanchir au préalable).
Ajoutez enfin le morceau de confit avec sa graisse et les gousses d’ail pelées, dégermées et écrasées. Salez et poivrez. Terminez la cuisson pendant 20 à 30 minutes.
Pour servir, coupez éventuellement le pain en fines lamelles, rangez-les au fond de la soupière, recouvrez-les d’un peu de bouillon et laissez-les s’imbiber. Retirez le bouquet garni de la marmite. Sortez également le confit pour le présenter à part, tranché et disposé sur un plat. Juste au moment de servir, versez les légumes et le bouillon dans la soupière chaude.
Notes :
– On peut aussi utiliser des haricots blancs secs : n’en comptez alors que 250 g seulement, faites-les tremper 12 heures au moins, puis faites-les blanchir pendant 30 minutes avant de les introduire dans la garbure.
– Si vous ne faites pas blanchir le lard, tenez-en évidemment compte pour l’assaisonnement.
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26 novembre 2013 @ 7 h 01 min
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17 mars 2014 @ 7 h 00 min
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