Gecko, un roman qui se passe en Guadeloupe et qui conjugue polar, thriller, science-fiction et fantastique
J’aime bien les polars même si je suis loin d’en avoir exploré toute la sphère. C’est un genre qui détend tout en tenant en haleine et ce qui me plaît, c’est surtout la psychologie des enquêteurs pour dérouler la pelote qui va les mener à la découverte de la vérité, ou du moins du coupable. C’est excitant intellectuellement.
Aussi, quand l’auteur m’a proposé de faire la chronique de ce livre, bien que béotienne en ce qui concerne la littérature fantastique et, je l’avoue, passablement timorée vis-à-vis de la science-fiction — le livre revendiquant ces deux genres en plus du thriller —, je me suis dit pourquoi pas ? Un peu déconcertée tout de même, je l’ai laissé attendre un certain temps sur ma table de chevet, hésitant à plonger dans un monde que je sentais très éloigné du mien puisque sachant que l’action se passait en Guadeloupe. Non que je sois très pragmatique — au contraire, j’aime bien les contes et légendes — mais peut-être craignais-je de me retrouver face à un monde trop mystérieux, trop chargé de superstitions étrangères à ma logique occidentale.
Pourtant, je suis déjà allée aux Antilles, et j’en connais très bien la cuisine, au point même d’avoir commis trois livres (tomes Martinique, Guadeloupe et Guyane) dans la collection L’inventaire du patrimoine culinaire de la France co-éditée il y a des lustres de ça par Albin Michel et le CNAC (Conseil National des Arts Culinaires), où j’ai eu en charge la partie recueil des recettes traditionnelles pour 11 titres). Et croyez-moi, après quelques verres de ti-punch « sec-sec », je me damnerais pour une « tarte de chadrons » (oursins blancs), des crabes farcis, une daube de chatou (poulpe) et surtout pour un « ragoût a lambis » (très gros coquillages qui possèdent une très belle coquille rose nacré et une chair délicieuse) dont je raffole absolument.
Quant à mon côté midinette, qui n’est pourtant pas ce qui ressort en premier quand on me connaît, il a été réceptif à Belle-Île-en-mer, la chanson de Laurent Voulzy où les mots Marie-Galante et Karukéra faisaient rêver la jeune femme que j’étais alors.
Bon, assez de nombrilisme, passons aux choses sérieuses.
D’abord, c’est agréable à lire, bien écrit, le style est vif, les termes créoles qui pourraient gêner la lecture sont clairement expliqués par des notes en bas de page qui ne cassent pas le rythme.
Bien entendu, l’intrigue est en rapport avec les mœurs locales et la manière dont est tuée la première victime m’a un peu déroutée. Disons que la mise en scène m’a fait craindre de rentrer dans un monde où j’allais perdre pied car trop imprégné de rituel vaudou, de pratiques magiques, de sorcellerie et autres croyances que je respecte mais vis-à-vis desquelles je suis méfiante voire effarouchée. Mais non. Certes, il y a un peu de surnaturel et le chien monstrueux et le « gecko » (lézard) présents autour de tous les crimes surprennent au premier abord. Mais on se laisse glisser dans l’histoire comme on se glisse dans les draps douillets d’un lit et finalement, on se laisse prendre au jeu.
Je ne vous dévoilerai rien de l’enquête proprement dite pour ne pas vous gâcher le plaisir de la lecture mais je peux tout de même vous dire que j’ai aimé les profils des trois limiers (les inspecteurs Nicolas Rousseau et Marie Kancel, chargés d’élucider l’affaire, ainsi que la commissaire Bertille Manoël, leur patronne), et j’ai beaucoup aimé aussi le mobile lié à l’histoire de l’archipel de la Guadeloupe et à ses sept îles car j’aime beaucoup les polars où, par-delà les événements factuels, il y a une ambition intellectuelle protéiforme… tout comme l’est le Gecko de ce roman.
Bref, c’est un roman original avec beaucoup de suspense, un peu de surnaturel mais juste ce qu’il faut, comme quelques pincées d’épices émoustillent un plat. Un livre tout à fait indiqué pour la période estivale, à lire dans un hamac ou à la plage, à La Guadeloupe ou ailleurs.
Gecko
(Gwada Cops 1)
© John Renmann 2015
Couverture Nicolas Fouqué
ISBN 9781517684556
Contact auteur : john.renmann@yahoo.com
Prix : 15 €