Dis-moi ce que tu manges et je te dirai comment tu t’appelles !
J’imagine que vous savez déjà qu’un carnivore est un mangeur de viande, qu’un végétarien se nourrit plutôt de légumes, de plantes et de fruits tandis qu’un omnivore consomme de tout !
Il est à noter cependant que le végétarien et à plus forte raison le végétalien ou plus intégriste encore, le vegan, a eu la préciosité d’inventer des mots qui le distinguent de l’animal qui, lui, quand il se nourrit exclusivement de végétaux peut-être « herbivore » (herbe), « frugivore » (fruits), « baccivore » (baies), « tubérivore » (tubercules), « phyllophage » (feuilles), « radicivore » (racines), « succivore » (sève), etc. etc.
Le cochon — comme on le sait copain comme lui-même avec l’homme — n’a pas ce genre de coquetterie car on le dit « omnivore » alors qu’on devrait le traiter plutôt de « polyphage » ! Ou alors, il sait qu’un cochon sommeille dans le cœur de chaque homme et il profite de la situation pour s’élever au rang d’humain. Il est vrai qu’il lui arrive déjà de réparer nos artères…
Mais si je vous dis que, selon votre alimentation préférée, vous êtes plutôt « piscivore », « conchyliophage », « hippophage », « ornithophage », « mycophage », « hématophage » ou « galactophage » , vous me suivez toujours ? Oui ? Non ?
Alors précisons :
• Le piscivore est celui qui aime particulièrement le turbot au beurre blanc, le bar en croûte de sel, la sole meunière, la brandade de morue, le brochet sauce messine, l’alose à l’oseille, le merlu à la koskera, les sardines à l’huile, les maquereaux au vin blanc, les petites fritures, la raie au beurre noir, les rougets à l’oursinade, les anguilles au vert, le grand aïoli de morue, la lotte à l’américaine, etc. etc. C’est un téméraire car il n’a pas peur qu’une arête lui reste en travers de la gorge.
• Le conchyliophage est celui qui fait son ordinaire d’un plateau de fruits de mer, de moules marinière, de mouclade, de coques à la persillade, de palourdes grillées, de praires farcies et autres coquillages de tout poil de toute coquille. Il ne craint pas de se taper une « grosse » (douze douzaines) d’huîtres… et ce n’est même pas dans l’espoir d’y trouver une perle !
• L’hippophage est l’amateur de viande de cheval. Tout le monde ne se met pas en selle pour le suivre.
• L’ornithophage est friand de petits oiseaux (parfois interdits), de la bécasse à l’ortolan en passant par la grive, la caille des blés, la palombe, le coq de bruyère, la grouse mais ne dédaigne pas non plus les volatiles plus lourds vivant au poulailler (poulets, canards, pintades, poulardes, chapons, oies, coqs, dindons et autres caqueteurs-cancaneurs-glouglouteurs). Bref, il ne dit jamais « caltez, volailles ! » surtout quand il y a une belle poule à l’approche.
• Le mycophage est celui qui ne résiste pas à une poêlée de cèpes, à une fricassée de girolles, à des morilles à la crème, à des coulemelles grillées, à une omelette aux mousserons, à des lactaires délicieux ou des amanites des Césars. Il va sans dire qu’il met impérativement des champignons de Paris non seulement dans la blanquette de veau mais également dans le bœuf bourguignon, la daube, le coq au vin et autres plats mythiques, ce que d’aucuns contestent (pour certaines recettes).
• L’hématophage est un sanguinaire puisqu’il aime avant tout le sang. Ce n’est pas qu’il soit forcément vampire mais, même s’il n’a pas servi dans la Légion Étrangère, il aime par-dessus tout le boudin ! Je ne vous apprendrai rien en vous disant que les témoins de Jéhovah ne sont pas ses amis.
• Le galactophage est celui qui biberonne au lait bien après l’enfance et se gave de laitages et produits laitiers nombreux et variés : yaourts, fromage blanc, petits suisses, fromages double et triple crème, fromages fondus, mascarpone, crèmes lactées, glaces, mousses, crèmes desserts. Et son appétence en cuisine ne va que vers les croque-monsieur, fondues, raclettes, pannas cottas et tiramisus crémeux. Je n’ose même pas imaginer la couleur (ou la non couleur) de ses selles.
J’ajouterai que la mouvance food actuelle nous incite fortement à devenir des « granivores » c’est-à-dire, vous l’aurez sans doute compris, des mangeurs de graines. Quinoa, graines de lin, graines de courge, graines de tournesol, graine de chia, graines germées et j’en passe, n’en jetez plus la cour est pleine ! Attention toutefois : se prendre pour des oiseaux ne veut pas dire qu’on sache voler !
Toujours est-il que si je vous dis « oryzivore », « zéophage » ou « spermatophage », ça se complique un peu. Je vous explique ?
• L’oryzivore est un mangeur invétéré de riz. Constipés s’abstenir…
• Le zéophage est le voisin malpoli qui s’est justement assis à côté de vous au cinéma pour bouffer son seau de pop-corn en vous empêchant de profiter du spectacle à cause de ses bruissements intempestifs. Évidemment, il commence sa journée par un bol de corn flakes car vous l’aurez deviné, le zéophage est un mangeur de maïs. Crush crush ! Voilà tout ce qu’il sait faire en fantasmant peut-être de devenir un géant vert.
• Quant au spermatophage, ce n’est pas du tout ce que vous croyez. C’est un mangeur de graines, lui aussi. De semences, quoi (d’où la possible confusion). Mais le terme n’est plus guère usité.
À propos de tendance, si vous fréquentez les restaurants bobos à l’esprit grégaire qui se copient les uns les autres, vous êtes certainement « anthophage » sans le savoir, à la manière de Monsieur Jourdain. Eh oui, les « antophages », ce sont les brouteurs de fleurs !
Enfin, comme dirait Jean-Pierre Coffe, l’essentiel est de savoir reconnaître les produits de merde. Sinon, à trop ingurgiter de nourritures excrémentielles, vous risqueriez bien de devenir « coprophage » !!!
Quant à nous, sur notre magazine Greta Garbure, nous ne sommes pas seulement omnivores mais également papivores, ce qui ne désigne en rien un penchant pour la gérontophilie ! Non, ça signifie tout simplement que nous nous délectons de tout ce qui se lit sur papier ! Car qui dit auteur dit forcément lecteur !
Robert GRISEY
29 avril 2016 @ 23 h 33 min
Délicieux.
J’en reprendrai volontiers.