Oh ! Des vins à boire !
Dans une autre vie, j’ai été petit grossiste et je n’arrivais pas à me faire à l’idée qu’il y avait décidément des vins à boire et puis… des vins à vendre. Petits ou grands, certains vins m’étaient réclamés alors qu’ils ne me parlaient pas. Ils ne me donnaient pas de plaisir, ni à les goûter ni à les vendre. Alors ? Alors, j’ai changé de métier !
Convié par un beau distributeur dont le nom est celui-même de cette rubrique (Jeux de quilles), la destination était le château de Jurque dans l’appellation jurançon, sur les contreforts de Pyrénées à peine enneigées aujourd’hui. On y produit des vins aimables et sincères qui sentent le bon raisin. Des vins blancs secs aromatiques et des doux, très doux. À la télé, on dirait « gourmands et croquants ».
Il est question de goûter (ou de regoûter !) des vins de toutes provenances, enfin presque toutes, on n’est pas des bêtes ! Avec de belles découvertes et notamment :
— Les vins du domaine du Peyra. François Fourel fait des vins de jouissance et de réjouissances. Et sérieux, en appellation Pic Saint-Loup, qui ne craignent aucun plat d’une cuisine sudiste mais aussi des petits vins d’Oc délicieux, de vrais « verres de contact » (comme Antoine Blondin aimait à définir l’apéro). Les cuvées « Cent pour cent grenache » en rouge et « Cent pour cent chardonnay » en blanc sont incroyablement rafraîchissantes, tout en légèreté. Ce sont des vins qui vous font prendre la vie par le bon bout, par le goulot ! On se demande pourquoi on boirait autre chose quand des amis débarquent ou qu’on a simplement soif. Et tout ça pour 8 € environ !
Ah ben si, on sait pourquoi on ne boit pas que ça ! Parce que, plus haut, juste avant les pommiers à cidre…
Pour ceux qui n’aiment pas le muscadet, je recommande — j’exige presque — qu’ils achètent chez leur caviste une bouteille de chez les Luneau-Papin. Ils arrivent à tirer le meilleur de ce cépage unique au nom curieux, le melon de Bourgogne. Tous leurs muscadets sont enthousiasmants mais c’est surtout le p’tit dernier de la famille qui m’a fait rire : Froggy wine ! Alors là, mais alors là…! Un petit prix (± 10 €) qui vous permettra d’être heureux. Ils ont de plus la sagesse et la gentillesse d’offrir à la vente de nombreux millésimes anciens dans leurs grandes cuvées : « L d’Or » (sur granit), clos « Les pierres blanches » (gneiss, quartz) et surtout l’immense « Excelsior » (sur schistes), mûres, affinées, dont l’ampleur et la complexité sont propres à détruire les certitudes les plus affirmées sur cette appellation. On trouve ici de grands vins à des prix extrêmement raisonnables.
Dans ce val de Loire qui produit tant de belles bouteilles, j’ai évidemment adoré les sancerres de François Crochet et les pouilly-fumés de Masson-Blondelet. Et si vous tombez nez à nez avec une bouteille du domaine Robert Sérol en côte roannaise, dégoupillez sans aucune hésitation. Vous serez récompensé par de la fraîcheur, de la pureté, de la netteté, au nez comme en bouche. Le gamay a souvent le triomphe trop modeste !
Et puis aussi, les madirans du château d’Aydie : je ne vais pas rabâcher tout le bien que j’en ai déjà dit çà et là : « J’adooore le pigeon ! » (http://gretagarbure.com/2013/02/22/reconnaissance-du-ventre-5/) et « La bouteille de madiran a 50 ans ! » (http://gretagarbure.com/2013/11/23/lieux-de-vie-lieux-du-vin-3/).
Et j’aime particulièrement leur façon d’évoquer l’« L’Odé » d’Aydie (70% tannat, 30% cabernet-franc) : « C’est un rocker qui se prend pour un jazzman » !
Le « château Tour des Gendres » de Luc de Conti à Bergerac ainsi que le « château du Cèdre » de son ami Pascal Verhaeghe à Cahors : des valeurs sûres, établies mais qui arrivent encore à surprendre, millésime après millésime. Interdiction absolue de dire « Bof, un bergerac ! » ou « Moi, les cahors ! » Ce sont des bombes !
Sans oublier un très estimable bordeaux de restauration, les cuvées « Callipyge » dans les deux couleurs du château de Respide en graves. Il y a de la matière derrière un boisé discret.
Une belle journée de dégustation qui m’aurait presque fait oublier une bière irlandaise de la Saint-Patrick… mais pas tout à fait !