« Chansons aux enchères », le nouveau spectacle étourdissant de Laurent Viel
Si vous me suivez, vous savez déjà que j’ai découvert Laurent Viel début 2023 et que — faisons fi des euphémismes — j’ai eu le coup de foudre ! Pour l’interprète et sa voix, un interprète qui ne fait pas que chanter car il « vit » les textes qu’il chante corps et âme. Mais aussi pour la construction de ses spectacles, ce qui implique également ses partenaires en amont (Xavier Lacouture), ses musiciens (en l’occurrence Thierry Garcia aux guitares pour cet opus) et même Antoine Le Gallo aux sons et lumières qui a le pouvoir d’isoler le spectacle dans un cocon tout en le mettant en exergue. Cette phrase condense presque ce qu’il faut savoir de « Chansons aux enchères » avant d’y aller. Mais ce n’est évidemment pas tout et je vais développer.
« Chansons aux enchères » est ingénieusement construit en trois parties (trois lots) sans interruption entre elles mais avec une graduation dans leurs thèmes, ce qui fait qu’on passe du rire aux larmes (et inversement), un peu comme dans la vraie vie, ce que confirme le sous-titre du spectacle « Vous réglerez en rires et en larmes, et ça, ça n’a pas de prix ». En fait, Laurent Viel raconte subtilement en chansons une histoire qui est aussi la nôtre (l’universelle comme la personnelle), celle de nous tous puisqu’elle en conte les moments joyeux comme les épisodes tristes et douloureux et, qu’ainsi racontée en musique, elle est un baume sur les cicatrices du temps.
Laurent Viel porte en lui toutes sortes de dualités : homme (virilité)/femme (féminité), ombre/lumière, fragilité/force, finesse/puissance, larmes/joie — sans oublier que joie est le substantif de jouir —, doute/foi, vie/mort. En quelque sorte toutes les étapes de la vie avec leur lot de blessures, qui cicatrisent ou pas.
Mais ce qui est formidable et si touchant, c’est que chez Laurent Viel, ces deux pôles s’harmonisent et se relaient comme le jour et la nuit, dans une complétude harmonieuse, s’enrichissant mutuellement. C’est l’alpha et l’oméga, l’effet miroir, le fatum des dieux et quand il chante, on peut dire qu’il est un dieu sur scène.
Mais venons-en au spectacle lui-même qui va bien au-delà du récital de chansons puisque, tricoté une maille à l’endroit, une maille à l’envers, il nous raconte à l’aide de chansons — ou de couplets de chansons, voire de refrains — notre vie à tous avec ses joies et ses peines. Un enchaînement de chansons qui mises bout à bout sont le scénario de la vie avec toute sa palette d’émotions. Et ce que j’apprécie vraiment chez Laurent Viel, c’est cette humanité qu’il insuffle dans tous les textes qu’il interprète, non seulement avec sa voix mais avec tout son corps, tout son ressenti. Il conjugue le joyeux et le tragique, se donnant tout entier, sans rupture, sans dichotomie. Il faut l’entendre chanter C’est ainsi que les hommes vivent (Aragon mis en chanson par Léo Ferré) — que pourtant beaucoup d’autres interprètes ont chanté avec talent — ou encore Utile (paroles Étienne Roda-Gil, musique Julien Clerc) pour comprendre à quel point Laurent Viel « habite » une chanson et avec et ses tripes et avec son âme, sans jamais le moindre maniérisme mais avec un vrai don de soi. Tout cela est finement géré, avec charme et subtilité, et beaucoup de malice.
Il va sans dire que l’accompagnement de Thierry Garcia à la guitare ou au ukulélé suit Laurent « à l’amble » (entre le pas et le trot) pendant qu’il dévide sa pelote, et cet ensemble choral architecture avec rigueur les différentes parties du spectacle, augmentant encore notre plaisir.
Voilà ! Vous l’aurez compris, le spectacle qui s’inspire du titre de la chanson de Gilbert Bécaud « Moi qui ai des souvenirs à ne plus savoir qu’en faire » et qui commence par elle, est une succession de chansons qui racontent une histoire qui interpelle car elle est celle de tout un chacun, l’histoire d’une époque, une histoire universelle qui entremêle joies et chagrins. Oui, on passe du rire aux larmes, mais qu’est-ce que ça fait du bien !
Aussi, courez-y, vous ne serez pas déçu(e)s !
Il ne reste que 4 dates : mercredi 3, mercredi 10,
mercredi 17 et mercredi 24 janvier !
Parmi les chansons évoquées dans ce spectacle, il y en a de Charles Aznavour, d’Édith Piaf, de Sylvie Vartan, de Gérard Lenorman, des Rita Mitsouko, de Bashung, de Desireless, de Dave, de Sheila, de Boris Vian, de Jacques Brel, de Dalida, de Patrick Juvet, de Claude Nougaro, de Barbara, de Stromaé, d’Alain Souchon, d’Étienne Daho, de Mylène Framer, de France Gall, de Johny Hallyday, des Beatles, de Patti Smith… et peut-être quelque autres que j’ai oubliées. Un patchwork culturel et populaire dont cet enjôleur de Laurent Viel a fait une superbe mosaïque ! Ce spectacle est une leçon de vie et malgré les larmes — parce qu’il y en a ! — c’est incroyable comme on ressort de là le cœur léger…
« CHANSONS AUX ENCHÈRES »
Artiste interprète : Laurent Viel
Guitare et chœur : Thierry Garcia
Spectacle conçu avec Xavier Lacouture
Lumières, son : Antoine Le Gallo
TOUS LES MERCREDIS à 21 h
JUSQU’AU 24 JANVIER INCLUS
Théâtre Essaïon
6, rue Pierre au Lard
75004 Paris
Prix du billet : 25 € tarif normal, 18 € tarif réduit
Réservations au 01 42 78 46 42
ou sur www.essaion-theatre.com
Blandine Vié
Et pour découvrir un peu plus Laurent Viel, je vous remets ma chronique de son précédent spectacle en avril 2023 :