C’EST MOI QUI L’AI PAS FAIT ! ou le faux « fait maison » !
Mon propos n’est pas de revenir sur l’initiative des 15 « grands » chefs qui, réunis en « Collège culinaire » en mai dernier, ont un peu hâtivement décidé de créer un label « Restaurant de qualité » pour distinguer les artisans-restaurateurs qui font VRAIMENT la cuisine de ceux qui se contentent de vendre de la cuisine industrielle qu’il n’y a plus qu’à réchauffer au micro-ondes ou au bain-marie, c’est-à-dire les trois quarts de la restauration française (sur 150 000 établissements).
Initiative louable dans sa conception si ce n’est que plusieurs de ces chefs ne dédaignent pas patauger dans le grand marécage de l’agro-alimentaire quand l’occasion (juteuse) se présente, que l’attribution de leur label se fait de manière arbitraire par une forme de cooptation, qu’en plus il doublonne avec le label « Maître Restaurateur » mis en place en 2007 par les pouvoirs publics pour des restaurants censés garantir 50% de leur cuisine préparée sur place avec des produits frais (formule bâtarde s’il en est) et, cerise sur le gâteau, qu’ils se sont appropriés un peu inconsidérément les couleurs du drapeau tricolore. Cocorico !
Bref, il y a de quoi se demander si cette action éclaire vraiment le consommateur ou rajoute au contraire à sa confusion. En tout cas, le moins qu’on puisse dire, c’est que la transparence dans les cuisines des restaurants n’est pas pour demain !
Mais bon, je n’épiloguerai pas. Mon propos à moi serait plutôt de m’attarder sur ce « fait maison » qu’on réclame à bon droit aux chefs — car combien de « terrines du chef » viennent de chez Métro — mais pas aux particuliers où il devrait pourtant avoir droit de cité. Parce qu’il est également intéressant d’aller voir de plus près dans les cuisines ménagères en farfouillant dans les placards et les frigos et en soulevant le couvercle des marmites.
Et là… ce n’est guère plus réjouissant que dans les cuisines professionnelles !
Parce que Diou Biban, le fait maison d’aujourd’hui, à part chez quelques grands-mères ou quelques fêlées dans mon genre, faut l’dire vite !
Ne parlons même pas des plats cuisinés tout prêts, qu’ils soient en conserve ou surgelés. Ça tout le monde connaît et c’est vrai que ça peut dépanner ! Quoique… Une bonne omelette !
Non, moi je voudrais vous parler de tous ces nouveaux produits beaucoup plus sournois qui tendent à faire croire aux utilisateurs — les « ménagères » ! — qu’elles cuisinent vraiment alors qu’elles ne font qu’un peu d’assemblage de produits industriels et que, par ricochet, elles-mêmes vont faire croire à leur famille ou leurs convives qu’elles sont de vraies cuisinières. Illusion d’optique !
Ça commence par les soupes qui se déclinent au fil des saisons selon une gamme toujours plus riche d’année en année, en briques au rayon épicerie ou en bouteilles au rayon frais. Des soupes comme il serait si facile d’en faire à la maison ! Mais qu’on achète toutes prêtes en oubliant de regarder les ingrédients qui les composent. Car il n’y a pas que des légumes !
De même, le rayon des « aides culinaires » qui se résumait autrefois aux bouillons cubes a explosé : chapelures parfumées aux herbes, au zeste de citron, au fromage, etc. ; sachets de mélanges d’épices pour préparer des papillotes de volaille, de légumes ou des poêlées de crevettes par exemple.
Ou encore les sauces ! Qu’elles soient vendues toutes prêtes en bocaux ou en briquettes, ou encore en sachets de poudres de perlimpinpin à délayer dans de l’eau ou dans du lait, les sauces tomates diverses et variées, la béchamel, les sauces tartare, ravigote, béarnaise, au poivre, au curry et autres ne se mijotent plus dans les casseroles mais sortent tout droit des supermarchés. Souvent même, deux produits sont vendus en packs (pâtes + sauces), etc.
Jetons aussi un coup d’œil au rayon viande où — même chez les bouchers — on trouve un nombre croissant de morceaux déjà assaisonnés, condimentés ou marinés (pour carpaccios, grillades, papillotes, tandoori, etc.) ou de rôtis ficelés avec du jambon, du fromage, etc.
Idem au rayon légumes où les végétaux déjà taillés et émincés se mélangent dans des poches pour « poêlées » ou « woks » qu’il n’y a plus qu’à faire sauter.
Etc. etc.
Ce phénomène s’accentue encore au moment des fêtes où l’on propose des terrines de foie gras prêtes-à-cuire (comme ce foie gras Montfort préparé dans son torchon à cuire soi-même), des volailles déjà farcies prêtes-à-enfourner, bref toute une panoplie de faux fait maison endimanché.
Mais là où ça devient vraiment du délire, c’est au rayon des desserts où les entremets sous forme de sachets (flans, moelleux au chocolat, etc.) ou en briques (pâte à crêpes) font florès.
Les épiceries fines et les épiceries en ligne s’y sont mises aussi qui, sous prétexte de présentations « trendy » ou « yummy », vous vendent des mix en bouteilles où tous les ingrédients sont superposés en couches comme dans les petites bouteilles de sables qu’on rapporte de ses vacances au soleil : cookies, brownies, riz au lait, pancakes, cake pops, etc., à des prix pas toujours doux, d’autant qu’il faut encore ajouter des œufs, du lait, du beurre fondu, etc.
Et qu’au final, ça peut peut-être être amusant pour occuper des enfants un mercredi après-midi mais que ça devienne un choix quotidien, c’est un peu navrant !
Bon, vous l’aurez compris, le fait maison à la maison… quelle rigolade !
Le plus triste dans ce constat c’est que ces recettes « prêtes-à-manger » sont la plupart du temps trop salées ou trop sucrées, bourrées de conservateurs, d’antioxydants et d’additifs : émulsifiants, colorants, épaississants (gomme arabique, gomme de guar, gélatine de poisson), amidon, sirop de glucose, agents d’enrobage, j’en passe… et pas des meilleures !
Surtout, elles sont d’un prix de revient tellement supérieur à ce qu’elles seraient si on les réalisait avec de vrais produits du marché — et non du supermarché ! — qu’on se demande bien ce qui peut attirer les maîtresses de maison ! La fainéantise, le manque d’imagination ou un terrible ego qui implique de faire croire à ceux pour qui on cuisine qu’on y met toute son énergie et tout son cœur. Pas le cœur à l’ouvrage, en tout cas ! Diou Biban…
Nadege
29 octobre 2013 @ 10 h 10 min
Eh bien y’a encore des fêlées, réjouis toi ! Je me rends totalement coupable de deux choses : le fond de veau et le fond de poisson en poudre, j’avoue, d’une part et… les risotto déjà empaquetés avec ce qui va bien (ce qui n’empêche pas de faire revenir les oignons, déglacer le riz au vin blanc ou noilly et finir avec la mascarpone et le parmesan râpé donc… je me sens moins coupable… et il m’arrive souvent de faire du risotto « from scratch » donc bon… »).
En revanche, tous les mélanges d’épices, les sauces de salade toutes faites, les sauces diverses (ketchup, béarnaise et autres) n’ont jamais passé la porte de chez moi. Les entremets en sachet, n’en parlons pas. Les plats cuisinés, les légumes pré-tranchés, etc… NEVER ! D’ailleurs, j’ai pas de congélateur, ni de micro-ondes. Bon allez, si, j’ai dû craquer un jour (et me repentir car c’était dégueu) pour une langue de boeuf parce que je sais pô la faire 🙁
Blandine, tu es la bienvenue chez moi quand tu veux si tu rêves d’un petit weekend pépère, loin de la stressante Paris, dans la très belle ville qu’est Metz (à 1h30 de TGV !), au superbe marché couvert plein de belles choses, et je te laisserai choisir ce que tu veux boire, dans ma cave à vins ! Non mais !! Révolution ! 🙂
gretagarbure
29 octobre 2013 @ 10 h 17 min
Voilà une proposition qui ne se refuse pas !
Merci Nadège !
Nadege
29 octobre 2013 @ 11 h 14 min
Franchement, ça serait avec plaisir ! Les amis de mes amis sont mes amis et je suis sûre qu’on a plein de belles recettes à s’échanger 🙂 Organisons ça !!
Brigitte
29 octobre 2013 @ 10 h 56 min
Je suis restée bouche bée un jour lorsqu’une maman m’a vanté la préparation gâteau au yaourt de P…
Ma mère faisait de la crème Alsa dans les années 60 mais c’est bien la seule chose ânon faite maison qui rentrait chez nous…
Brigitte
gretagarbure
29 octobre 2013 @ 11 h 03 min
Merci pour ce souvenir, Brigitte !
Moi, je me souviens des entremets « franco-russe » et des flans « Ancel » sans avoir jamais su à quoi ça ressemblait une fois préparé !
SOIZE
29 octobre 2013 @ 19 h 00 min
Créons un club des fêlées et fêlés !!!!
Philippe Gri dit Pilou bistrot chez pilou à biarritz
29 octobre 2013 @ 21 h 21 min
Je partage complètement votre analyse, en résumé l illusion fait partie intégrante de notre métier magie magie! Merci de votre clairvoyance
Pilou
gretagarbure
31 octobre 2013 @ 12 h 43 min
Venez tous à Biarritz voir et goûter
les formidables oreilles de cochon de Pilou !!!
Gourmandise SF (@nadasto)
1 novembre 2013 @ 14 h 07 min
Bien d’accord avec cet article. C’est assez navrant de voir dans les rayons tant d’aides culinaires aussi inutiles et chers les uns des autres. A croire que le consommateur-cuisinier est un véritable assisté. Évidemment que l’on a tous 1 ou 2 produits tout prêts dont on se sert mais de là à avoir une cuisine entière ! 😉
Ariane
4 novembre 2013 @ 7 h 12 min
aucun de ces produits chez moi et je défends le VRAI fait maison simple, sain et bon !