Allard – Paris
Allard
Bistrot traditionnel (mythique)
Paris 6e
C’est un temps que les moins de vingt ans — et peut-être même tous ceux qui ne sont pas quinquagénaires ! — ne peuvent pas connaître, mais le restaurant Allard, fondé dans les années 30 par Marthe Allard, paysanne de Bourgogne devenue « mère cuisinière », puis repris par son fils André Allard et son épouse Fernande dans les années 50, fut une véritable institution, emblématique de la cuisine bourgeoise jusqu’à sa vente en 1985.
Ce fut donc pendant plus de 50 ans le temple du pâté en croûte, du jambon persillé, des cuisses de grenouilles, des escargots de Bourgogne, des coquilles Saint-Jacques, du saumon ou du turbot beurre blanc, de la sole meunière, du navarin d’agneau, du canard aux navets, de la blanquette de veau, du bœuf bourguignon, du coq au vin, du cassoulet, du lapin à la moutarde, du civet de lièvre, des rognons sauce moutarde, de la charlotte au chocolat, de la crème caramel, etc. etc.
En 1995, Claude Layrac et son frère reprirent l’établissement et tentèrent de perpétuer l’esprit et les fondamentaux de la maison pendant 20 ans.
Mais depuis quelques mois, c’est la dernière acquisition d’Alain Ducasse qui, comme pour tous les autres bistrots mythiques qu’il a rachetés (Aux Lyonnais, Benoît) les a conservés dans leur jus, qu’il s’agisse du cadre typé (carrelage d’époque, long comptoir en zinc, peintures jaunes soulignées de marron, photos et tableaux), de l’esprit et du type de cuisine.
Une cuisine simple et populaire servie dans un bistrot traditionnel où l’on mange presque au coude mais où subsiste un climat “à l’ancienne“ qui tranche avec l’uniformisation des restaurants actuels et où l’on se sent bien.
J’ai personnellement connue Fernande Allard encore aux fourneaux… quoique de justesse, un peu avant qu’elle ne prenne une retraite bien méritée.
Mieux, en 1982 Nicolas de Rabaudy a écrit un livre sur la mémoire de cette maison institutionnelle et, au sein de ce livre, Fernande Allard m’avait confié la tâche de codifier SES recettes emblématiques !
C’est assez dire si cet établissement me parle… !
J’avais déjà eu l’occasion d’y faire récemment un déjeuner de presse (je vous raconterai bientôt) mais petite séquence émotion quand même en y retournant déjeuner « en privé » ! Ce qui frappe d’emblée c’est le charme du lieu fait d’indicible où l’entrée s’ouvre sur la cuisine ! « Atmosphère, atmosphère » disait Arletty… et c’est exactement ça ! Une magie qui s’opère quand bien même, pour rien au monde, on ne voudrait chez soi une salle à manger aux murs peints en jaune safran Bourbon (curcuma) avec des moulures rechampies en marron chocolat !
Certes, nous sommes attendus. Mais l’accueil est comme on aime, c’est-à-dire comme si on était des habitués de toujours, comme si on faisait partie de la famille. C’est affable avec juste un peu d’onction pour maintenir une distance respectueuse. On nous installe, on nous chouchoute. Pendant que nous faisons notre menu, on nous apporte le « pâté en croûte d’Arnaud Nicolas » avec ses pickles de girolles et le jeune sommelier nous propose un pouilly-fuissé « Les Chevrières » 2011 de Dominique Cornin en apéritif.
Voilà ce que Patrick en dit : « À partir d’un nez assez fermé, la bouche est à la fois grasse et vive et sa tension permet un bel équilibre. Un beau vin d’apéritif et bien plus si affinités. »
On a eu les affinités non seulement sur le pâte en croûte (26 €) — l’un des meilleurs que nous ayons mangé (et Dieu sait si nous en avons mangé !) tant par l’onctuosité de la farce mariant plusieurs viandes que par celle de la pâte, vraiment fine — mais aussi sur notre entrée.
Entrée que nous avons eu du mal à choisir car trois plats « de résistance » nous faisaient de l’œil ! Nous avons donc décidé de nous partager les « cuisses de grenouille façon Fernande Allard » (39 €) pour commencer : frites bien dorées, classiques à souhait.
Ensuite je n’ai pu résister à une « darne de turbot pochée, beurre blanc » (44 €) tandis que Patrick a préféré un « carré d’agneau aux flageolets » (38 €). Le beurre blanc était absolument parfait mais dommage, le turbot était un peu trop cuit, ce qui a sans doute altéré mon appréciation. Le carré d’agneau était quant à lui très bien au niveau de la cuisson comme du goût.
Côté légumes, les miens étaient bien dans l’air du temps… al dente fondants (mais pas croquants) et les flageolets peut-être un poil moins cuits que ne le faisaient nos grands-mères pour accompagner le gigot.
Mais c’était bien. Bon et bien. Bref, on était heureux.
Pour escorter ce duo poisson-viande, nous nous sommes partagé un verre de chablis Garnier & Fils 2012 et un verre de Pauillac Lacoste Borie 2010.
Commentaires de Patrick :
– pour le chablis, sur une attaque citronnée, l’ampleur se manifeste tout de suite, bénéficie d’une jolie profondeur et d’une minéralité qui lui ajoute une pointe d’élégance. Son extrême jeunesse laisse augurer une maturité sympathique.
– pour le pauillac : très honnête vin de restauration classique, qui ne fera varier ni les croyants pratiquants du genre, ni bien sûr les farouches opposants anti-bordeluches.
Bon, comme on vous raconte tout, disons-le, il y a eu un petit hiatus en ce qui concerne le choix de ce rouge. Car nous étions plutôt partants pour un bourgogne mais le sommelier — que nous avons laissé libre de ses choix — s’est un peu emmêlé les pinceaux.
Il s’est ensuite rattrapé en nous apportant un verre de bourgogne Chandon de Briailles 2011 dont j’ai aussitôt dit en le voyant arriver que, en galéjant bien sûr, on pourrait l’appeler « clairet de Bourgogne » et pour lequel Patrick a renchéri : « robe grenadine, toujours mieux que menthe à l’eau, dont l’intensité au nez et en bouche est à l’image de sa couleur. »
Notre jeune sommelier a ajouté que, côté cave, il était un peu juste en bourgognes servis au verre en ce moment (sic) d’où peut-être ce petit cafouillage.
Pour clore ce repas, j’ai choisi un Saint-Nectaire fermier (12 €) — l’un de mes fromages préférés — un peu décevant (ce jour-là) et Patrick, en bon bec sucré, a terminé par une tarte aux figues rustique d’aspect mais vraiment très bonne.
Nous aurions pu aussi choisir à la carte : des « haricots verts à la parisienne » (12 €) dont il nous a semblé, en les apercevant à la table de nos voisins qu’ils n’étaient pas épointés, sans doute à cause de leur excessive tendreté, « 12 escargots en coquilles, beurre aux fines herbes » (22 €), des « œufs cocotte aux champignons, mouillettes aillées » (14 €), de la « joue de bœuf fondante aux carottes » (24 €), un « filet de bœuf, sauce aux poivres » (42 €) et quelques plats à manger en duo : une « sole meunière » (52 €), un « canard de Challans aux olives » (32 €) ou une « volaille de Bresse rôtie (36 €).
Cuisine toujours assurée par une femme, Laëtitia Rouabah, comme du temps de Marthe et de Fernande, secondée par Émilie Villon. Mais Didier Remay, qui travailla étroitement avec Madame Allard est toujours également présent.
Bon, ne boudons pas notre plaisir, nous avons passé un très joli moment, agréable et convivial dans ce lieu qui respire la générosité. Le service était assuré par des gens de métier très gentils et ce que nous avons eu dans nos assiettes était en adéquation avec le cadre délicieusement suranné : un vrai bistrot traditionnel qui perpétue un héritage sincère, comme un trait d’union entre la cuisine d’hier et celle d’aujourd’hui.
Menu déjeuner à 34 € (entrée + plat + dessert)
Invitation d’une attachée de presse.
Blandine & Patrick
Allard
41, rue Saint-André des Arts/1, rue de l’Éperon
75006 Paris
Tél / 01 43 26 48 23
Courriel : restaurant.allard@alain-ducasse.com
Ouvert tous les jours.
Déjeuners de presse |
10 février 2015 @ 7 h 01 min
[…] Ce fut le cas pour ce repas chez Allard dont nous vous avons déjà parlé ici car c’est une maison mythique qui est restée « dans son jus » et nous aimons bien ça : http://gretagarbure.com/2013/10/31/bonne-table-ou-evi-table-11/ […]