À la Tour d’Argent avec le champagne Lenoble
Même s’il m’arrive d’être déçue, je ne suis jamais blasée.
Donc, quand on m’invite à la Tour d’Argent, je ne boude pas mon plaisir !
À vrai dire, j’y étais déjà allée une fois !
D’accord, c’était au siècle dernier, et qui plus est… à la période faste des 3 étoiles !
Et si je ne garde qu’un souvenir insignifiant du monsieur qui avait souhaité m’y emmener en remerciement d’un (gros) service d’écriture — mais avec des vues sur moi plus panoramiques que celle qu’on a sur la Seine et Notre-Dame depuis la jolie salle du restaurant —, en revanche, je garde un souvenir ému du « canard à la presse » que j’y ai dégusté, même si j’en ai oublié le numéro !
Tout ça pour dire que, même si les ors de cette maison mythique sont, de notoriété publique, un peu fanés (deux étoiles ont chu), j’étais vraiment contente d’y aller.
Ravie aussi en regardant les vitrines du rez-de-chaussée quai de la Tournelle car elles évoquent un temps « hors du temps ». Et j’aime bien ça.


Bon, passons aux choses sérieuses !
L’ascenseur nous mène jusqu’à ce qui pourrait être le septième ciel mais n’est « que » le salon George V, au 5ème étage. Petite déception donc, car nous ne sommes pas tout à fait au restaurant mais juste en-dessous. Mais c’est beau. Beau dedans et beau dehors (la vue).



Et puis nous sommes accueillis par Anne Malassagne et son frère Antoine avec une flûte de champagne rosé (champagne AR Lenoble Intense et Rose Terroirs, 90% blanc, 10% de pinot rouge, 45 €) qui me séduit immédiatement par son élégance et sa délicatesse alors que j’ai plutôt un penchant naturel pour le brut. Mais, comme toujours, il y a des exceptions qui confirment la règle et c’est tant mieux car trop d’orthodoxie tue la fantaisie ! Nous goûtons aussi l’Intense brut (vendu en coffret avec 2 flûtes, 49 €), frais et onctueux, vineux, avec un fruité compoté et une pointe d’agrume.
Au passage, je précise : AR ne signifie pas Aller-Retour, ce sont les initiales d’Armand-Raphaël Graser, le fondateur de la marque, qui choisit ce nom de Lenoble en hommage à la noblesse des vins de champagne !
Nous passons à table. Notons que la verrerie a de la gueule. Surtout quand elle est en argent !


Nous démarrons avec une « laitue au caviar » perturbante car le caviar est dominé par le gout de la laitue et du brocoli. Le champagne Grand Cru Blanc de blancs (Chouilly) qui l’accompagne est plutôt agréable, gourmand et plein de fraîcheur. Le caractère gras et opulent du chouilly est bien présent, avec toutefois un léger caractère oxydatif revendiqué par Antoine Malassagne car il apporte de la complexité au vin. Mais j’ai envie de dire que le plat n’est pas le meilleur mariage pour l’apprécier. « C’est notre entrée de gamme » (32 €), précise Anne Malassagne qui ajoute que « cela ne signifie aucunement bas de gamme ! »


Continuons avec un « homard bleu à la nage, bisque réduite » de toute beauté quand l’assiette arrive mais à qui il manque une pointe d’impertinence au palais. La bisque est tellement réduite qu’on la cherche vainement. Toutefois le champagne — le blanc de blancs toujours — exprime mieux ses arômes briochés et son amplitude sur le crustacé.

La « lotte au safran, risotto aux courgettes » qui suit est cuite juste comme il faut mais sa robe de safran (très empesée) lui ôte un peu de sa sapidité naturelle. Légèrement boisé en bouche, un peu lourd malgré une touche d’amertume et une pointe d’acidité bienvenues, le champagne Premier cru Blanc de noirs (Bisseuil, pinot noir) 2009 (45 €) accentue encore cette impression et me séduit moins.

Puis arrivent les fromages : « abondance et livarot, brousse et pomme comme un condiment », escortés somptueusement par le grand cru blanc de blancs 1964 en magnum (620 € tout de même) qui fait bien face aux fromages même si la brousse est à mon avis superfétatoire et aurait mieux convenu au brut intense.

Pour résumer, la cuisine de Laurent Delarbre (MOF) est d’une technicité parfaite, mais elle manque peut-être un peu de personnalité ou peut-être d’audace.
Le champagne Lenoble, lui, se décline en suffisamment de jolies bouteilles pour que chacun y trouve son bonheur.
Quant à la Tour d’Argent, je reste un peu sur ma faim. Ma faim de canard ! Le restaurant en est à 1 million 300 000 pièces déjà numérotées et il s’en déguste environ 500 par semaine !
Faudra que je revienne !