« Comme à la maison »
Bien au-delà de la pantalonnade annoncée du label « fait maison », un restaurateur a cru bon de s’attribuer un slogan promotionnel extrêmement audacieux. Afin de provoquer l’enthousiasme du badaud qui bade devant sa vitrine, du chaland qui passe, du découvreur de saveurs en mal d’aventures nouvelles ou du méticuleux qui se renseigne avant de planter sa fourchette, il a trouvé l’argument imparable qui emporte sans doute les dernières réticences du client au moment de décider quel établissement aura le privilège de le sustenter :
« comme à la maison » !
C’est pourtant le dernier argument qui pourrait me décider à prendre un repas ici ! Non pas que ma table soit infréquentable. Je n’ai jamais empoisonné personne, sauf peut-être par ma conversation. La charmante politesse de mes amis les pousserait même plutôt à exprimer des compliments sur ma cuisine et le choix de mes vins. Mais vais-je trépigner d’impatience devant la porte d’un restaurant à l’idée de me régaler avec ce que je sais préparer et que je mange quotidiennement chez moi ?
Le publicitaire Jacques Séguéla affirmait que son métier consistait à vendre du rêve. Alors, sans être pour autant cauchemardesque, l’ambition de me nourrir « comme à la maison » me semble un peu courte.
Je dirais même que rapporté à d’autres domaines, à d’autres types de commerces, ce label pourrait bien nous surprendre :
— Chez un concessionnaire automobile : « Nos voitures marchent à peu près aussi bien que votre vieille caisse ! »
— Au Salon du Bricolage : « Nos démonstrateurs sont presque aussi compétents que votre mari ! »
— Au Salon du Hard : pareil !
— Chez le boucher : « Nos entrecôtes ? Aussi bonnes que votre chien ! »
— À la blanchisserie : « On vous rendra votre linge comme vous nous l’avez apporté ! »
— Aux élections : « Votez pour moi ! Je dis ce que vous faites, je fais ce que vous dites ! »
Oh non ! Encore un qui va mériter la taule !