Wepler, brasserie de la place de Clichy, Paris 18e

C’était en mars juste avant le confinement mais je ne pouvais tout de même pas vous en parler pendant, c’eût été indélicat, et pour le restaurant et pour vous, cher lecteur.
Un peu d’histoire
Plus qu’une institution, la brasserie Wepler est une brasserie mythique qui fut fréquentée par les plus grands artistes dès 1892, date de son implantation à cette adresse. Auparavant, dès 1881, Conrad Wepler, marchand de vins-traiteur allemand, s’était installé successivement à deux emplacements de l’actuelle avenue de Clichy. À sa mort, cuisinier de profession, son neveu Jean-Adam Franck reprend l’affaire qui passe ensuite dans les mains de Victor-Ulysse Carré qui la cède à son tour à ses employés, les Thoison père et fils. C’est à cette époque que le restaurant déménage à l’adresse actuelle et se spécialise dans les fruits de mer, devenant alors une véritable brasserie.
Très vite, le café Wepler qui étale sa longue façade place de Clichy (côté 18e car cette place est le carrefour de 4 arrondissements) devient un lieu à la mode où l’on peut rencontrer des personnalités de la littérature comme Apollinaire ou Henry Miller, mais aussi de la peinture, comme Picasso, Modigliani, Toulouse-Lautrec, Utrillo et Bonnard.
Réquisitionné par les Allemands pendant la guerre, une partie de la brasserie — qui était décidément très longue — est rachetée par les studios de cinéma Pathé dans les années 50 qui, après travaux, inaugureront en 1956 le cinéma mitoyen devenu éponyme.
Notre repas
Il y avait quelque temps que je n’avais pas convié mon amie Brigitte Chamarande — talentueuse comédienne de théâtre, de cinéma et de télévision, et non moins géniale chanteuse du groupe de rock Rodéo Drive dont je vous ai déjà parlé — à partager mes agapes.
Aussitôt installées, nous dédaignons l’apéritif qu’on nous propose pour plutôt boire d’emblée un verre de vin blanc puisque fruits de mer obligent. Ce sera une IGP Pays d’Oc Cigalus 2018 de chez Gérard Bertrand (61 €) que nous garderons pendant tout le repas. Sa robe jaune dorée est brillante et limpide, son nez puissant et complexe, riche en agrumes biens mûrs (pamplemousse) avec aussi des notes de pêche blanche et de miel. En bouche, il est très rond, très gras, aromatique, sans pour autant manquer de fraîcheur. Bref, c’est un beau vin qui a du caractère et va faire face à tous nos plats avec bonheur. Qui plus est, il est issu d’un domaine entièrement cultivé en biodynamie, ce qui ne gâte rien. Mais comme il était au frais dans un seau à côté de notre table, je n’ai pas fait de photo.
Nous nous décidons toutes les deux pour les suggestions du jour, à savoir, en entrée, des huîtres spéciales n° 3 de David Hervé (21,90 € les 6), excellent producteur (dont je vous recommande aussi les poissons fumés haddock et maquereaux). Charnues et juteuses, elles sont magnifiquement goûteuses, on aurait presque envie de laisser tomber le reste du repas pour en faire une orgie, comme du temps de Balzac où, dans La Comédie Humaine, certains étaient capable d’en manger « une grosse », c’est-à-dire douze douzaines. Mais soyons raisonnables.

Après les avoir dégustées avec beaucoup de gourmandise, nous continuons avec la suggestion « Homard entier canadien grillé à l’estragon » (45 €) qui est accompagné d’une garniture au choix. Nous optons pour le risotto au parmesan.
Alors, dissertons tout de suite sur le homard que d’aucuns snoberaient parce qu’il n’est pas breton. Rappelons que nous sommes dans une brasserie, pas dans un restaurant ou un bistrot à caractère gastronomique, encore moins dans un étoilé. Et que le homard canadien n’est pas un ersatz mais un produit différent qu’il est stupide de mépriser.
En tout cas les nôtres sont goûteux, cuits sur mesure — la surcuisson les dessèche et c’est souvent pourquoi on les boude — et la petite sauce à l’estragon revigorante à souhait. C’est bien simple, nous nous régalons.

Mention spéciale au risotto qui ferait rougir plus d’un restaurant italien (je n’ai pas dit tous) : onctueux, avec là encore une cuisson très bien menée. Et nous n’avons pas regretté de l’avoir privilégié plutôt qu’une purée ou des haricots verts qui étaient également un choix possible.

Notre serveur — Sylvain, je crois — est aux petits soins pour nous, présent juste ce qu’il faut mais affable et attentif, voire même attentionné. Il nous fait valoir qu’une petite salade nous rafraîchirait le palais et nous nous laissons tenter. Bien nous en prend car c’est vrai qu’elle se révèle de bon aloi.

Brigitte et moi devisons gaiement et admirons les lieux car nous faisons face au poème L’étranger de Baudelaire (tiré du Spleen de Paris), qui figure sur la céramique du mur, ce qui nous rappelle que bien des artistes ont fréquenté l’endroit. Le décor a été refait en 2009 dans le style Art déco.
Malicieux, Sylvain nous vante maintenant les mérites du plateau de fromages affinés (12 €) et nous craquons. Et nous ne sommes pas déçus car il est généreux avec des fromages en pleine forme. Allez, c’est dit !

Évidemment, nous n’avons plus faim. Mais le dessert en suggestion du jour nous cligne de l’œil et nous dit qu’il est parfait pour finir en beauté, en finesse et sans lourdeur. Il s’agit d’un nougat glacé au coulis de fruits rouges (7,50€) qui nous remet les papilles d’aplomb par sa fraîcheur.

Voilà, nous sommes déjà à la fin et pour être franches, nous sommes bien repues. Mais heureuses d’avoir passé un agréable moment à table dans un cadre mythique et avec une nourriture plus qu’honorable. Encore un petit café et une petite promenade vers Montmartre nous sera la bienvenue.
Certes, les prix ne sont pas tout doux mais pas plus chers non plus que dans certains établissements un peu ronflants mais décevants. Et l’on peut tout à fait y déjeuner ou y diner à moindre coût, la carte offre suffisamment de choix.
Le tout est de savoir où l’on met les pieds avant d’entrer.
Invitation d’un attaché de presse.
Brasserie Wepler
14, place de Clichy
75018 Paris
Tél. 01 45 22 53 24
Site : www. wepler.com
M° Place de Clichy
Ouvert 7 jours sur 7 de 7 h 30 à 0 h 30