Voyage de presse dans les Graves
Lundi 26 septembre : direction Bordeaux et plus précisément les Graves. Le programme est prometteur si le rythme des dégustations est toujours sur un mode stakhanoviste. Il y a aussi, surtout, l’intimité des maisons qui m’accueillent.
Domicilié pendant trois jours au magnifique château Carbonnieux, efficacement nourri par la délicieuse Marie-Hélène Lévêque à Chantegrive (poulet rôti de compétition et haricots verts du jardin), dîner au château Couhins (école et lieu de recherche de l’INAO) avec des propriétaires passionnés et passionnants, visites de vignes en pleines vendanges, de chais et de cuves en ébullition (fermentation) : Magence, Jouvente, Bardins, Chevalier, Château de France et clap de fin au château Olivier pour un dîner dit de prestige où les bouteilles s’échangent de tables en tables comme dans toute belle paulée.
Entre ces réjouissances, nous avons dégusté les crus blancs et rouges de Graves et de Pessac-Léognan, ce qui était quand même la raison essentielle de notre présence.
Au château Ferrande, nous attendaient, sagement alignées, une soixantaine de bouteilles de l’appellation Graves. Si le niveau général est convenable, en rouges 2012, certaines têtes dépassent nettement :
Respide cuvée Callipyge, Magence (malgré la précision commerciale sur l’étiquette « élevé en fût de chêne » qui me file des boutons !), Clos du Mont cuvée Gabriel.
Les blancs 2014 et 2015 sont aujourd’hui plus flatteurs, avec des aromatiques amples de fruits bien mûrs et une finale sur le caillou, légèrement fumée :
Magence encore et sa cuvée Symphonie, Chantegrive, Villa Bel Air, Crabitey, Floridène, Lionne, Vieux Château Gaubert, Respide à nouveau et peut-être le plus complet, mon coup de cœur, le château Camus 2015, une attaque vive voire espiègle, apaisée par un gras qui tapisse la bouche sans l’alourdir et déjà une belle longueur pour son âge.
Le lendemain, au château Le Sartre était réunie la noblesse de l’appellation Pessac-Léognan. En blancs non classés 2014, le 100% sauvignon est triomphant et parfois un peu variétal. Les assemblages avec du sémillon rendent les vins plus délicats, apportant suavité, rondeur et arômes fruités. Quelques vins m’ont particulièrement séduit :
Domaine de Grandmaison, Haut Bergey et Lafont-Menaut apportent du plaisir à des prix très raisonnables, autour de 10/15 €.
Dans les crus classés, les châteaux Couhins-Lurton, Carbonnieux, Fieuzal et le superbe et archétypique château Bouscaut avec une matière, une puissance, un gras en bouche et ce léger grillé en final si caractéristique des vins de graves. Le sauvignon est ici à son meilleur, mûr et concentré.
Les rouges sont majoritairement du millésime 2012. Présumée faible à sa sortie, cette année est aujourd’hui appréciée pour son fruité léger. Quelques très jolis vins gourmands, souples, aux tanins fondus :
Les châteaux Bardins, très éco-responsables et aux vins nets, très frais, Larrivet Haut-Brion, le Sartre, Les Carmes Haut-Brion et la divine surprise du château de Rouillac dont l’ascension ne se dément pas. Son 2010 récemment bu sur un jeune faisan m’a tiré des larmes des yeux (il faut dire que je suis sensible comme garçon !).
Parmi les crus classés présentés, les élevages sont plus ambitieux et marquent encore certains vins. En revanche, partout où le bois se fait plus discret, on trouve des bouteilles remplies de promesses, de plaisir telles Latour-Martillac et Malartic-Lagravière, absolument magnifiques tous les deux, le premier par son équilibre réjouissant, le second par une puissance contenue, une belle densité, une rondeur affichée qui annoncent déjà de sympathiques accords à table.
Mais il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte.
Jeudi, déjeuner et visite de la Cité du Vin avec le photographe spécialisé Guy Charneau.
Le soir, compétition amicale au Point Rouge à Bordeaux entre huit équipes confrontées à la découverte de cinq vins, à l’aveugle. En tête après la troisième devinette, nous nous effondrons en vue de l’arrivée (ces jeunes, ça ne tient pas la distance !). Félicitations à l’organisateur, le sommelier qui monte Alexandre Morin ainsi qu’aux compétiteurs.
Vendredi, direction le Médoc : découverte et lancement de la rose spécialement créée pour honorer le château Gruaud-Larose qui embaume illico le litchi, la poire, les agrumes et puis quand même un peu la rose aussi ! Le chef du restaurant Saint-Julien (à Saint-Julien) nous a parfaitement alimentés et la main basse opérée sur un Gruau-Larose 1989 s’est révélée judicieuse. L’armagnac Gimet 1978 de la propriété du maître de chais a sonné la fin des libations grâce à ses 59,9° (ah bah oui quand même !).
Au retour, comme il convenait de faire baisser le pourcentage d’alcool dans notre sang, nous nous sommes prudemment arrêtés au château Lamothe-Bergeron aimablement gouverné par Laurent Méry qui a proposé de nous adoucir les muqueuses avec un café et… un cognac Hardy de belle qualité. Quelle bonne personne !
Et samedi matin, retour à la case départ après un périple dense, très dense.
Dans l’attente de nouvelles aventures, je retiens un important enseignement : j’aime beaucoup la Badoit.
Patrick Paoli
7 novembre 2016 @ 7 h 19 min
J’aime aussi la badoit mais après une dégustation, je préfère la Chateldon, peu répandue car source trop petite mais trouvable chez Metro Cash and Carry. Louis XIV avait raison de boire cette légère pétillance depuis 1650