Une déstructuration programmée
— Que nos sociétés occidentales repoussent leurs limites et s’accommodent de réglementations envahissantes ou même liberticides… ok !
— Que le laxisme ou la largesse d’esprit (au choix) commande l’attitude de nos dirigeants et de leurs représentants qui n’appliquent que les lois qui les arrangent… d’accord !
— Que nos tissus industriels soient mités au point que leurs strass ne brillent bientôt plus que par leur absence… à la rigueur !
— Que la mode nous fasse passer des vestes épaulées et cintrées à un flou mochement artistique, que des jeans ajustés qui comprimaient et empêchaient de respirer le meilleur de nous-même soient remplacés par des « Baggy » qui se retiennent à ce qu’ils peuvent… je peux comprendre !
— Que la beauté pure de Grace Kelly et de Cary Grant fasse penser à la statuaire grecque et soit donc considérée comme périmée au bénéfice de visages cabossés posés sur des corps malingres, chétifs, sous-alimentés et sous-développés… pourquoi pas !
Tout ceci ressortit, comme on dit en langage européen, à une tentative de renouvellement des « élites », d’une refonte indispensable de nos anciennes valeurs, de « l’aménagement de nos territoires » les plus privés, jusqu’à nécessiter la création d’un ministère du redressement productif qui n’amuse même plus les enfants, alors que son nom pouvait donner à penser qu’il était destiné à leur multiplication !
Et ces exemples innombrables de chambardements de notre environnement personnel, familial, local, national ou international, sont réellement inquiétants, même sur les sujets les plus légers et badins qui nous préoccupent ici !
La déstructuration de nos assiettées est déjà patente : si j’ai applaudi à la naissance d’un « El Bulli » sous l’inventivité folle de Ferran Adria, où rien ne ressemblait plus à rien, aujourd’hui je souffre des effets de cette mode nihiliste qui veut que même nos assiettes ne ressemblent plus à des assiettes.
Certes, les mallettes de petits chimistes se vendent moins bien depuis quelque temps mais le mal est fait chez ses imitateurs-suiveurs sans talents.
Au mieux, quelques cuisiniers attardés nous font encore subir des purées de légumes plus ou moins justement oubliés.
Pourtant, tant qu’il me reste encore des dents en état de marche (c’est-à-dire avant qu’elles ne se déchaussent et que ma bouche sente les pieds !), j’aimerais pouvoir m’en servir, histoire de les entraîner comme un pianiste qui fait ses gammes ou un nageur ses longueurs de bassin !
Or, dans certains restaurants éminents, on mange avec les yeux plus qu’avec la bouche, on respire son steak avec le nez quand on ne l’aspire pas avec une paille !
Je me rappelle sans plaisir la mine satisfaite de Marc Veyrat proposant du lard « virtuel » parce qu’il avait tout bêtement infusé dans de la crème ! Je ne donne pas cher de l’état futur des « pièges à frites » (comme disait Frédéric Dard) de nos générations montantes !
En plus de taux de cholestérol galopants et d’un surpoids plutôt généralisé, Mac Do® et consorts les habituent au mou, au haché, presque au pré-mâché !
Dommage que ce ne soit pas pré-digéré car quand c’est pas bon à l’aller, c’est pas bon au retour !!!
Nos vins sont en voie de subir le même sort à cause de règlements iniques certes, mais aussi et surtout par un dévoiement de nos goûts.
On ne laisse plus aux vins la chance de trouver leur équilibre : il faut qu’un vin soit bon tout de suite ! Pas le temps d’attendre sa maturité. On appelle complexité une profusion brouillonne d’arômes pétaradants. On l’empêche de se développer, de se construire une colonne vertébrale. On préfère souvent l’habiller à la hâte de robes aux couleurs criardes et aux matières brutes, de peur qu’il ne s’embourgeoise.
C’est une autre forme de déstructuration, insidieuse, de nos habitudes de consommation. Et pour être plus efficace dans cette entreprise regrettable, on le désacralise jusqu’à lui enlever (un peu plus) de sa dignité, en le logeant médiocrement dans des éprouvettes, des canettes et même des jerrycans.
Orangina® et jeunes vins, même combat : plus de sucre d’un côté, plus d’alcool de l’autre et dans le verre deux boissons récréatives !
Le choc est violent pour les buveurs d’étiquettes !
Encore une race en voie d’extinction…
Patrick de Mari
Stéphane
9 janvier 2014 @ 10 h 13 min
Beau papier Monsieur Patrick!
Laissons au vin le temps d’être du vin.
La canette de soda on l’ouvre, on la descend en 10 secondes, parce qu’on à soif et qu’on pense que ça fait du bien (enfin ils le pensent), la bouteille de vrai vin, on l’ouvre pour le plaisir de la partager, pour faire découvrir les subtilités du terroir, du cépage et du travail du vigneron, on éduque, on transmet, on préserve un patrimoine.
On s’en ouvrira une bonne à Montpellier!
Geneviève
9 janvier 2014 @ 11 h 07 min
Bien d’accord avec toi. Très égoïstement je suis contente d’être assez « vieille » pour ne pas avoir à subir tout ce qui ne menace au niveau des innovations culinaires ou supposées telles. Et ne parlons pas des autres domaines où l’on ne peut plus parler à un humain dans une entreprise ou une administration sans avoir tapé sur 150 n° au préalable. Je suis pourtant d’une grande adaptabilité mais il y a des tas de choses qui deviennent pénibles, épuisantes et décourageantes.
Bien amicalement
Geneviève
frédérique Montès
9 janvier 2014 @ 12 h 25 min
moi je dis BRAVO!!!! Et n’étant pas correcte, j’assimile la consommation trop rapide des vins à un infanticide! C’est comme si on faisait passer une licence en droit (ou autre chose) à un nourrisson!
Un p’tit goût de revenez-y |
5 octobre 2014 @ 6 h 01 min
[…] http://gretagarbure.com/2014/01/09/ptit-billet-dhumeur-47/ […]