Rampoldi, l’Italien de Monte-Carlo
Petite escapade fin juin à Monaco — une fois n’est pas coutume pour Greta Garbure — en vue de tester Rampoldi, « l’Italien » du Rocher, institution monégasque depuis 1846. Petite balade préalable au cœur de la ville de Monte-Carlo et surprise de ne voir s’y côtoyer que des enseignes de luxe : bijoux, vêtements, parfums, maroquinerie occupent tous les rez-de-chaussée de grands immeubles modernes avec des boutiques somptueuses et des vitrines discrètement racoleuses (oxymoron que j’assume). La première remarque de Greta est donc : « Mais comment fait-on son marché ici ? » Suis-je bête ! Ici, on a toute la domesticité voulue pour régler ce genre de détails et après tout, le superbe marché de Nice n’est qu’à une vingtaine de kilomètres (comptez tout de même 50 minutes à 1 heure de trajet).
Mais passons à table !
Rampoldi s’est refait une beauté dans des tons blond sable (bois clairs) et gris (cuir des fauteuils), avec ça et là des touches de marbre. C’est sobre et chic et le salon du bas où nous attend un dîner gastronomique est élégant et feutré, avec un grand écran sur lequel défilent des images de vieux films italiens (sans le son qui est assuré par une bande où se succèdent des variétés un peu datées). Les images attirent l’œil quelques minutes mais n’entravent en rien la conversation. En revanche, nous avons fait un peu baisser le son pour mieux nous entendre. Le renouveau n’est pas que dans le décor car Antonio Salvatore est le nouveau jeune (33 ans) chef. Italien natif de la Basilicate, au sud de l’Italie et issu d’une famille nombreuse, il a toujours vu sa mère cuisiner pour nourrir tout son petit monde et Antonio a compris très jeune que c’était là sa vocation. Il a bourlingué de Londres à Madrid pour se former à toutes sortes de restaurations et a même été le chef d’un dignitaire du Vatican.
Son dîner se veut gastronomique et il tient à nous démontrer l’étendue de son savoir-faire. Pour cela, il nous a concocté un menu un peu trop copieux pour le soir — c’est un euphémisme — mais c’était pour la bonne cause.
Je passe rapidement sur un carré de pâte avec un anchois (pizza fritta) et des pommes soufflées au caviar osciètre Calvisius, qui nous préparent cependant bien le palais.
Nous avons continué avec une interprétation de la parmesane d’aubergines (melanzane alla parmigiana) très gourmande : aubergine, ricotta, épinards, sauce crème de parmesan bio 24 mois et quelques gouttes de sauce tomate subtilement dosée.
Puis nous sommes passés aux choses sérieuses : du homard breton (qu’on ne trouve donc pas en Méditerranée) avec des olives des Pouilles, du fromage stracciatella, des tomates et de la salicorne. Un plat évidemment très agréable.
Mais n’oublions pas que si le restaurant Rompoldi se fait l’ambassadeur de la toute proche cuisine italienne, nous sommes ici à Monaco et qu’il s’agisse des habitants ou des vacanciers, on aime bien dépenser son argent, et pas seulement au casino !
Aussi, après le caviar et le homard, le foie gras s’impose-t-il — fait maison en terrine et fort goûteux — agrémenté de figue, de gorgonzola {Viva Italia) et — on ne prête qu’aux riches — de truffe noire australienne, le tout souligné par une sauce au vin rouge épicé. C’est bon mais peut-être pas assez italien pour un restaurant qui revendique sa typicité. Mais sans doute ces produits de luxe sont-ils nécessaires sur la carte d’un lieu où les milliardaires du monde entier viennent en villégiature et ont un bateau ancré dans le port.
Arrivent maintenant des ravioli de pâte fraîche farcis au loup de mer (branzino), poisson très prisé en Italie. Nappés d’une sauce à la poutargue et escortés de palourdes (vongole), de lamelles de poutargue et de salicorne. Un grand plat très créatif.
Puis le risotto à la milanaise fait son entrée, cuisiné avec un riz Carnaroli et un exceptionnel safran jaune bio. Un ragoût de joue de bœuf l’accompagne ainsi qu’une jeune carotte. Voilà encore un plat très plaisant où je retrouve bien l’esprit de la cuisine de la Lombardie où j’ai vécu cinq années au siècle dernier. Ce que j’appelle un plat « de toute bonté ». C’était le dernier des « primi piatti » puisque le risotto se mange en entrée en Italie (mais pas forcément aussi somptueusement garni).
À vrai dire, nous commençons à ne plus avoir très faim mais cependant la représentation n’est pas terminée. Nous repassons au poisson avec un très méditerranéen rouget farci, des pommes de terre au safran et une sauce bouillabaisse. Une asperge verte (je rappelle que nous sommes en juin, c’est encore la saison) vient égayer l’assiette. C’est toujours très bon mais personnellement, j’aurais préfér que ce plat suive les ravioli de bar plutôt que la joue de bœuf.
Suite et presque fin — mais plus beaucoup faim — avec un superbe chevreau cuit 7 h à la braise. Servi avec des petits pois et des pommes de terre, c’est toute l’Italie du Sud qui nous interpelle. On pense à un plat d’enfance des grandes occasions. On se plaît à imaginer des anciens pousser une petite canzonetta lors d’un dimanche festif dans un cadre pastoral. L’un de nous a trouvé le chevreau trop sec mais mon morceau était parfait. Dommage, je n’avais plus assez d’appétit.
Fort opportunément une épatante gelée d’agrumes au limoncello garnie d’agrumes rafraîchis nous a revigoré le palais après ces agapes.
J’aurais volontiers terminé mon repas à ce moment-là mais c’était sans compter sur l’incontournable tiramisù (très réussi) servi avec une glace à l’amande et à l’amaretto et une sauce au café qui le magnifiaiaient encore. Un moment de grâce et n’étant pas un bec sucré, c’est un réel compliment de ma part.
Encore un mot pour vous parler des vins qui ont accompagné ce diner d’anthologie et l’alternance poissons-viandes n’a pas dû faciliter la tâche du sommelier Nicolas Bulgheroni. Nous avons d’abord bu un Sauvignon Quarz 2017 de la cave Terlan en Haut-Adige sur les petites entrées, et ça convenait plutôt pas mal grâce à ses notes légèrement fumées, presque de pierre-à-fusil avec une salinité marquée en fin de bouche. Puis nous avons enchainé deux rouges avec les plats à partir du risotto, un barolo Cordero de Montezemolo 2013 (cépage nebbiolo) et un Turriga 2014 de Sardaigne (Isola de Nuraghi) au carginan velouté, parfaits sur la litanie des plats aux saveurs assez puissantes.
Bon, après avoir aussi copieusement mangé, une bonne nuit s’impose à l’Hôtel Hermitage, excusez du peu.
Mais comme il me reste un déjeuner à vous narrer, remettons la suite et mes impressions à demain sous peine d’indigestion. A domani !
Restaurant Rampoldi
3, avenue des Spélugues
Monte-Carlo
98000 Monaco
Tél. +377 93 30 70 65
Ouvert tous les jours de 12 hà 23 h
Site : rampoldi.mc
Invitation d’une attachée de presse