Quand le Spritz fait des infidélités au Campari et à l’Aperol !
Le Spritz est un un cocktail né à Venise. Il se compose de Campari en version bitter ou d’Aperol en version dolce, de vin blanc pétillant — généralement du prosecco — et d’eau de Seltz. Fait au Campari, le spritz a une couleur rouge vif et est plus alcoolisé. Fait à l’Aperol, il est plus doux et plus orangé. On peut encore y ajouter une olive verte et une rondelle d’orange (qui peut-être sanguine) ou de citron. En Italie, il existe aussi une version moins connue préparée avec du Cynar, amer italien à base d’artichaut. Le dosage et la composition varient d’un établissement à l’autre, bien que la recette officielle de l’International Bartenders Association préconise 4 cl de bitter, 6 cl de prosecco et une lampée d’eau. Mais certains barmen n’hésitent pas à remplacer le prosecco par du champagne.
De Venise, le spritz s’est propagé dans le nord de l’Italie puis, avec la mode de la mixologie, il a gagné la France où il est devenu l’un des cocktails les plus populaires.
Mais comme chaque fois en cas de succès, on copie, on interprète, on décline !
C’est ainsi que des barmen français ont d’abord imaginé de remplacer le Campari ou l’Aperol par un amer traditionnel français : la gentiane, donc des marques comme Salers, Avèze ou Suze.
Jusque-là, on reste dans la tradition même si on la revisite.
Cependant, des spritz nouveaux fleurissent, très infidèles à la recette initiale. Surtout quand il s’agit de corriger l’amertume par une liqueur sucrée alors que c’est justement cette note amère qui apporte le fraîcheur au cocktail. Par exemple, Suze prône un cocktail qui conjugue la gentiane et du sirop de pêche blanche !
Mais certains vont plus loin encore en créant des cocktails avec des vins ou alcools qui n’ont rien d’amer. Comme par exemple l’Institut des Vins du Douro et de Porto qui a créé un cocktail à base de porto rosé baptisé « Spritz de porto » !
Alors, peut-on parler de trahison ou de n’importe quoi ?
Eh bien, en fait non, pas stricto sensu si l’on s’intéresse à ce que que signifie exactement le terme « spritz ». Je vous raconte l’histoire ?
Au XIXe siècle, les Autrichiens avaient des vues sur Venise, ville à la position stratégique qu’ils tentèrent d’investir à plusieurs reprises. Or, quand les soldats autrichiens s’arrêtaient boire dans les tavernes, ils étaient rebutés par le taux d’alcool du vin. Ils prirent alors l’habitude de demander que l’on « asperge » ces vins d’eau. Et c’est de ce geste — spritzen en allemand — qu’est né le spritz, alors composé de vin blanc et d’eau gazeuse. Cet usage est d’ailleurs toujours pérenne à Trieste, avec du vin rouge ou du vin blanc, de même qu’en Europe centrale, dans les pays ayant connu la domination autrichienne (Roumanie, Moldavie, Hongrie) pour le vin blanc, comme nous l’apprend Wikipédia.
Quant au cocktail spritz, il est apparu au début du XXe siècle, avec la naissance des amers à base de racines et d’écorces d’agrumes mais aussi de l’eau de Seltz.