Pourquoi manger rituellement de la tête de veau le 21 janvier ?
Pour certains, il est une tradition que beaucoup ignorent :
manger impérativement de la tête de veau le 21 janvier !
Pourquoi pas ? Ou plus exactement… pourquoi ? Pourquoi ce rituel ?
C’est que le 21 janvier 1793, quatre mois après la proclamation de la Première République, Louis Capet le seizième fut guillotiné — on appelle ça aussi une décapitation ou une décollation — sur la « Place de la Révolution » (rebaptisée place de la Concorde en 1830).
Une manière plutôt radicale de mettre fin à la « monarchie absolue de droit divin » en faisant disparaître le dernier symbole de la royauté, mais aussi de célébrer l’avènement de la République (proclamée le 22 septembre 1792).
Mais quel rapport avec la tête de veau ?
Serait-ce parce qu’au veau aussi, on coupe la tête ?
Petit rappel historique
À l’issue du 14 juillet 1789, le roi Louis XVI avait conservé ses pouvoirs mais avait commis beaucoup d’erreurs. Il avait essayé de fuir la France en juin 1791 et il était soupçonné de manœuvrer secrètement contre la Révolution.
Les caricaturistes de l’époque représentaient même le monarque sous les traits bestialisés d’un porc affublé du peu flatteur sobriquet de « Roi Cochon ».
Et le 10 août 1792, la prise des Tuileries par le peuple — les « Sans-Culottes », menés par Robespierre et les Jacobins — entraîna sa déchéance complète.
Ses privilèges lui furent alors retirés, il devint le citoyen Louis Capet et fut incarcéré à la Prison du Temple. Puis, après avoir été jugé et reconnu coupable de crimes et de trahison, il fut condamné à être guillotiné.
Or, depuis 1789, il y avait déjà eu quelques « banquets républicains », organisés par Pierre-François Palloy dit « Le Patriote », qui avait obtenu l’autorisation de démanteler le Château de la Bastille et qui avait eu l’idée de servir au dessert un gâteau reproduisant la forteresse.
Le pamphlétaire Romeau (dans un opuscule baptisé « La Tête et l’Oreille ») projeta quant à lui de commémorer la mort de Louis XVI dès le 21 janvier 1794, lors d’un banquet censé symboliser la fin de toutes les formes d’oppressions.
Il proposa notamment que le plat de résistance du menu soit de la tête de cochon farcie, par allusion au « Roi Cochon » !
Ce fut ainsi pendant la première moitié du XIXe siècle où ces banquets pouvaient mobiliser plus de 20 000 personnes à Paris et dans les villes du Nord et de l’Est.
On dit même que ce fut la cause de la chute de la Monarchie de Juillet (sous le gouvernement de Guizot) qui venait de les interdire en 1848 car ils étaient cause de troubles. Ce qui eut pour conséquence la proclamation de la Deuxième République. En quelque sorte légitimés comme moyen de reconnaissance politique, les banquets continuèrent donc, mais la tête de cochon fut abandonnée au profit de la tête de veau.
Ni la grande ni la petite histoire n’expliquent réellement le pourquoi de cette substitution mais il semblerait que ce soit sous l’influence des Anglais et de la cérémonie rituelle du « Club des Têtes de veau » commémorant la décapitation du roi Charles 1er d’Angleterre (roi despote qui régna sur l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande) le 30 janvier 1649. Elle avait eu lieu sous l’impulsion des partisans de Cromwell et signait la fin du règne des Stuart en faveur de l’institution d’une monarchie institutionnelle plus démocratique.
Les membres de ce club londonien dînaient régulièrement ensemble, chaque fois dans un endroit différent.
« Le menu se composait de têtes de veau accommodées de plusieurs manières, qui représentaient le roi et ses amis ; un gros brochet ayant un petit poisson dans la bouche, était l’emblème de la tyrannie, et ainsi de suite. Le repas fini, on brûlait sur la table, en grande cérémonie, une effigie du roi ; après quoi on chantait une antienne blasphématoire. Pour finir, on remplissait de vin un crâne de veau et l’on buvait à la mémoire des patriotes qui avaient mis à mort le tyran. » (Selon Le Journal Illustré, numéro malheureusement non identifié).
231ème anniversaire du banquet de la tête de veau
En France également, il existe un « Club de la Tête de veau » et des initiatives privées qui perpétuent toujours, chaque 21 janvier, un repas traditionnel où trône une tête de veau. Ce sera encore le cas cette année qui pérennise ce repas depuis maintenant 230 ans.
On peut évidemment discuter longtemps sur l’opportunité de toujours fêter cet anniversaire plus de deux siècles plus tard, avec pour alibi des valeurs de gauche.
Tout en sachant que c’est quand même celui de la décollation d’un homme et qu’on le parodie avec une tête décapitée, fût-elle de veau.
L’abolition de la peine de mort n’existe-t-elle pas en France depuis 1981 ?
Bon, nous n’aborderons pas ce débat, les opinions politiques étant le fait de chacun.
En revanche, en dehors de toute célébration politique, nous votons à l’unanimité pour la tête de veau.
N’importe quel jour de l’année !
Mais plutôt dans le but de partager un repas entre amis en toute convivialité et bonne humeur, comme cette belle tête préparée par Sébastien de la Borde au restaurant La Cour de Rémi à Bermicourt (Pas-de-Calais).