L’Observatoire des Cuisines Populaires
L’Observatoire des Cuisines Populaires
(OCPop), ça observe quoi ?
Avant que quelques grincheux mal embouchés (en vérité plus donneurs de leçons que chevaliers blancs) ne viennent me jeter l’anathème, je le dis en préambule : OUI, l’OCPOP est sponsorisé par Lesieur ! Mieux, il a été créé grâce à Lesieur ! Et alors ? S’il faut croiser le fer avec quelques bretteurs, j’y reviendrais une autre fois. Pour l’heure, c’est l’OCPop qui m’intéresse.
L’OCPop (Observatoire des Cuisines Populaires) a été créée en 2011 par Éric Roux, un mec que j’aime bien (pour continuer à parler cash). Je l’ai connu il y a une quinzaine d’années lorsqu’il était à Cuisine TV. Et, pour l’avoir côtoyé un peu depuis, mes affinités viennent du fait que, tout comme moi, il s’attache depuis toujours à regarder la cuisine comme une pratique sociale et culturelle ne pouvant se limiter à ce que contient une assiette. Je penche sans doute plus du côté culturel et mythologique que social mais c’est un fait : nous marchons à l’amble !
Mais puisque le but des papotes, c’est de papoter, cernons d’abord ce qu’est exactement l’OCPop d’après ses créateurs : son origine, son objet, son territoire, sa mission et son expression :
« L’OCPop est né de la rencontre entre Lesieur et le journaliste Éric Roux, qui se sont entourés d’une équipe pluridisciplinaire (chercheurs, universitaires, médecins, cuisiniers, responsables associatifs, étudiants, etc.).
Son objet est un espace inédit, original et interactif d’observation et de compréhension de la cuisine des Français au quotidien.
Son territoire, c’est la cuisine populaire, c’est-à-dire le quotidien de millions de Français : une cuisine contemporaine, vivante, foisonnante, diverse, évolutive, décomplexée… champ d’investigation sans frontière, source d’informations précieuses qui révèlent nos comportements, nos habitudes, nos envies, nos humeurs.
Sa mission, c’est écouter, regarder, sentir, goûter, comprendre, autant de verbes qui aiguillonnent la curiosité des équipes de l’OCPop pour initier des enquêtes éclectiques sur la cuisine populaire. Témoins, les premiers dossiers en chantier, la cuisine du placard, la santé à table, le métissage culinaire. Il n’y a ni académisme, ni ambition universitaire mais seulement l’envie de porter un regard différent et décalé sur ces sujets du quotidien pour jeter des passerelles, lancer des idées nouvelles, alimenter le débat, souligner les initiatives, susciter des vocations…
Son expression est un lieu de partage et de transmission, une maison ouverte à tous les curieux de nos comportements alimentaires. On y glane des connaissances à travers différentes thématiques. Facebook, Twitter, blog, site internet et documents écrits sont les outils de cette maison. Ils relaient les activités et les informations de l’OCPop. »
Objectifs louables qui me donnent envie de participer.
C’est donc avec enthousiasme que je me suis rendue au déjeuner « Les papotes de l’OCPop : La mode et le populaire » en octobre dernier, avec pour intervenants Rémy Lucas, psychosociologue de la cuisine dont j’ai depuis découvert avec bonheur le livre « Mythologies gourmandes » (édité en mars 2012 aux Presses Universitaires de France) — un régal à lire ! — et Olivier Assouly, doctorant en philosophie auteur de plusieurs ouvrages en rapport avec la nourriture (Les nourritures divines, essai sur les interdits alimentaires, Actes Sud 2002 ; Les nourritures nostalgiques, essai sur le mythe du terroir, Actes Sud 2004) ; Le capitalisme esthétique, essai sur l’industrialisation du goût, Le Cerf 2088 ; L’organisation criminelle de la faim, Actes Sud 2013) dans lesquels je ne me suis pas encore plongée… mais ça ne saurait tarder !
Pour être raccord avec le thème, le déjeuner avait lieu au Musée de la Mode, ce drôle de crocodile installé sur un quai de Seine entre la gare d’Austerlitz et la gare de Lyon, et plus précisément au « Moon Roof », l’un des lieux de restauration du site. Certes, quand il fait beau — ce n’était pas le cas — l’endroit doit être agréable (façon piscine Deligny pour les plus vieux et les plus mondains d’entre vous).
Quant au contenu de l’assiette, il reflétait exactement ce dont nous allions parler : la volonté d’être mode à tout prix en tarabiscotant des recettes somme toute classiques pour les rendre tape-à-l’œil, « french chichiteuses » ou « french pompom » comme dirait l’un de mes amis qui vit au soleil quelque part dans le Sud : « tomate-mozza (en octobre !) retravaillée (c’est le moins qu’on puisse dire !) aux légumes croquants printaniers (en octobre !), « souris d’agneau confite, beurre salé et son jus caramélisé, écrasé de pommes de terre » atrocement sucrée et décorée de snobinardes chips de vitelotte, « tiramisu framboise » (en octobre !) ou « soupe de fraises et son émulsion de fraise Tagada ». Tagada tsoin tsoin !
Je ne m’appesantirai pas, sauf pour vous dire… surtout n’y allez pas !
Comme quoi, je peux être enthousiaste mais pas pour autant consensuelle !
D’ailleurs, d’emblée je ne suis pas d’accord avec la première assertion qui consiste à interpréter le mot gastronomie comme étant une cuisine de luxe, ce qui n’est pas son sens premier, bien au contraire puisque étymologiquement, il signifie tout bonnement « les lois, les règles de l’estomac »… c’est-à-dire comment bien contenter cet organe, ce que Brillat-Savarin appelait plus joliment « l’art de la bonne chère ».
Or, là, chez Lesieur, on se dit notamment choqué par la « Fête de la Gastronomie », perçue comme élitiste en raison du choix de ce mot. Eh bien, non ! Le terme gastronomie a peu a peu remplacé la locution « haute cuisine française » mais c’est un contresens ! Voir l’article que nous avons repassé hier à ce sujet mais que vous pouvez relire encore aujourd’hui en cliquant ci-dessous :
http://gretagarbure.com/2013/09/16/la-chronique-de-greta-garbure-26/
Mais toutes les nourritures spirituelles que nous avons partagées ensuite ont été passionnantes : qu’il s’agisse de la complexité gustative ; du pourquoi des tendances (souvent générées par des producteurs qui font semblant d’anticiper des courants comme la street food ou les food trucks), phénomène trivial repositionné pour le rendre attractif, puis ensuite relayé par les média ; constat navrant que souvent, le grand absent, c’est le goût, etc.
On a aussi discuté des signes qui s’affranchissent des choses, de l’affect qui sublime le goût, de l’inconscient collectif forcément réducteur, et du fait qu’il faut la connaissance pour avoir le goût, ce avec quoi je ne suis pas forcément d’accord, comme je vous l’ai déjà exposé ici :
http://gretagarbure.com/2012/12/02/la-chronique-de-greta-garbure-4/
Bref, c’est un observatoire qui suscite de nombreuses réflexions dont j’espère qu’elles ne resteront justement pas à l’état de papotages mais déboucheront sur des travaux plus concrets. D’avance, j’en suis !
Blandine Vié
Savoir-faire |
12 janvier 2015 @ 7 h 00 min
[…] ni non plus vous parler d’Éric Roux — nous l’avons déjà fait dans cet article : http://gretagarbure.com/2014/11/04/dejeuners-de-presse-18/ — mais vous rappeler ce qu’est un roux en cuisine. Ainsi, non seulement vous pourrez les […]