Mariage pour tous à Noël, mais pas n’importe quand : foie gras et sauternes !

Si l’on n’aime ni le vin moelleux ni le foie gras ni les accords sucrés-salés, la question se pose peu et les réponses n’ont que l’intérêt de faire passer le temps, en attendant les 12 coups de minuit ou l’arrivée tardive de la belle-mère. Mais même si vous trouvez cet accord miraculeux, unique, indispensable, eh bien vous vous heurtez à une autre interrogation existentielle : quand ? Quand servir cet attelage qui vous plaît tant ?
En effet, l’usage récent du service du foie gras en entrée devrait disqualifier son escorte sucrée. Vous imaginez la tête de vos papilles empâtées au moment de leur soumettre à la suite un délicat poisson de rivière et son merveilleux bourgogne blanc ? Un vrai choc culturel mais surtout un repas déséquilibré, c’est-à-dire… gâché !
C’est juste avant le dessert — en entremets — que le foie gras accompagné de son vin doux trouve sa place la plus avantageuse. Le gras et la sucrosité forment une alliance enfin acceptable pour tout organisme civilisé. Alors, étonnez vos invités et finissez votre repas avec cet accord royal, à condition d’être raisonnable sur les quantités. Le préjudice ne viendra qu’après la troisième tranche, le troisième verre et si vous vous resservez inconsidérément du Paris-Brest et du Saint-Honoré !
Ou bien plutôt : soyez raisonnable durant ces fêtes de fin d’année et, tout autre jour de l’année civile, remplacez donc la cup of tea de votre five o’clock par une lichette de foie mi-cuit et un verre de votre liquoreux préféré !
Et après cela… aimez qui vous voulez !
Patrick de Mari
J’ai tenu à repasser cet article de Patrick parce que depuis sa publication en 2014, la mode du vegan a envahi les magasins d’alimentation et les médias plus qu’inconsidérément. Sur Greta Garbure aussi, nous avons le respect des animaux (animaux de boucherie, volailles, pêche équitable) et sommes contre les élevages intensifs, les conditions d’abattage déplorables et la pêche au filet. Nous préférons ne manger de la viande, de la volaille ou du poisson qu’une fois par semaine mais que ces animaux aient eu une vie heureuse, en liberté dans la nature, bien nourris avec de bons aliments et sans antibiotiques, tout comme nous sommes pour les céréales et les légumes sans pesticides. C’est un choix honorable.
Et n’allez pas croire que nous sommes contre les vegan mais nous sommes contre leur prosélytisme et l’absurde engouffrement de l’agro-alimentaire dans cette tendance qui ne devrait pas devenir une obligation pour le consommateur (par manque d’autres propositions).
Ainsi reçois-je depuis début novembre une avalanche de mails ou de coups de téléphone pour me vanter les mérites des bûches de Noël « vegan ». Car l’instinct grégaire et le panurgisme sont toujours d’actualité, Rabelais en serait peut-être surpris.
Toujours est-il qu’en réaction, j’ai publié ce matin un « post » — néologisme facebookien qu’il serait bien d’éradiquer — pour dire que l’originalité serait plutôt d’écrire un article sur « les bûches de Noël à la viande ». Galéjade évidemment. Mais je me suis rappelée qu’autrefois le foie gras — ô combien haï des vegan et des Américains — était servi en entremets, ce qui explique qu’on l’accompagnait d’un vin doucereux, ce que Patrick vous raconte plus haut.
Alors après tout, oui, pourquoi ne pas aller à contre-courant de cette société moralisatrice qui voudrait contrôler même le contenu de nos assiettes et programmer pour les fêtes de fin d’année 2019 une originale bûche de foie gras à la fin du repas, ce qui serait renouer avec la tradition, c’est-à-dire avec notre mémoire et notre patrimoine.
Avec sa forme de bûche, ce foie gras mi-cuit préparé par Yves Camdeborde au micro-ondes — même si nous préférons une cuisson au torchon — ne ferait-il pas sensation à la fin du repas de Noël ?
