Manger des lentilles le 1er janvier assure la prospérité !
Selon la formule consacrée… « On ne nous dit pas tout ! ».
Et ce n’est pas d’hier ! Parce que déjà, dans la Bible…
Bon, il faut savoir que dans l’Ancien Testament, tout est raconté sous forme de paraboles, d’allégories, d’apologues ou de fables à vision didactique, à coup de métaphores bien senties destinées à dispenser un enseignement moral ou religieux, à créer un mythe. En somme, des récits dont on tire des leçons.
Et ce que l’on peut remarquer — car c’est effectivement remarquable ! — c’est que, depuis Caïn et Abel, il y a dans les récits bibliques une multitude de personnages antipathiques, méchants, fourbes, calculateurs et même prêts à tuer.
Oui, souvenez-vous : l’épisode des lentilles d’Ésaü !
Je vais vous rafraîchir la mémoire sous forme d’apologue revisité.
Isaac — le fils d’Abraham qui, déjà, avait failli être sacrifié par son père lorsqu’un providentiel bélier vint le remplacer sous le couteau — et Rébecca ont eu des jumeaux sur le tard. Déjà, dans le ventre de leur mère, ils se battaient en permanence, ce qui était une manière symbolique d’annoncer leur future rivalité et fit prédire à Dieu que Rébecca engendrerait deux peuples. À la naissance, l’aîné, fut appelé Ésaü (ce qui signifie « velu ») car il était poilu « comme une fourrure » (et roux). Le second fut baptisé Jacob (ce qui signifie « talon ») parce qu’il tenait son frère par le talon en sortant du ventre de sa mère, formule elliptique qui, sans en avoir l’air, renseigne le lecteur sur la jalousie congénitale du puîné.
Bon. Ils grandirent et Ésaü, qui aimait courir les bois, devint un chasseur habile, expérimenté et aventureux. De ce fait, il devint le préféré de son père qui adorait le gibier. Rébecca, elle, préférait Jacob, plus renfermé, plus casanier.
Or, un jour, Ésaü rentra de la chasse bredouille, harassé et affamé alors que Jacob était en train de préparer une soupe de lentilles sur laquelle l’aîné se mit immédiatement à loucher. Son perfide cadet y vit l’occasion tant attendue et commença aussitôt à lui faire du chantage : « Si tu veux, je te donne une assiette de lentilles et du pain à condition que tu me cèdes immédiatement ton droit d’aînesse. ». Ésaü pleurait tellement famine qu’il accepta. Et voilà le droit d’aînesse extorqué par le frère venimeux, à l’insu de leur père qui n’en sut jamais rien.
Mais ce n’est pas tout ! Isaac étant moribond, Jacob profita du fait qu’il était devenu aveugle pour tromper son vieux père par la ruse, avec la complicité de sa mère. Ésaü étant en effet parti chasser pour préparer à Isaac un de ces repas qu’il aimait tant, Jacob se fit passer pour son frère afin de recevoir la bénédiction due à l’aîné. C’est d’ailleurs de là que vient l’expression « Qui va à la chasse perd sa place » !
Quand il le sut, Ésaü rentra dans une telle colère qu’il menaça de tuer le frère machiavélique — je sais, Machiavel n’avait pas encore vu le jour mais la liberté de narration, alors ? — dès que leur père serait mort. Aussi Jacob n’eut pas d’autre solution que de s’enfuir. Quand Jacob retrouva Ésaü vingt ans plus tard, ce dernier lui avait pardonné et ne mit pas sa menace à exécution. Mais, comme prédit, cette séparation avait fait qu’Ésaü et Jacob avait fondé deux peuples différents. Or — et ça a son importance ! —, dans les traditions juive et islamique, il est admis qu’Ésaü est le père des civilisations occidentales, notamment de l’Empire romain dont on peut dire que le christianisme descend en droite filiation.
Ce que l’histoire ne raconte pas, c’est que chacun de leur côté, Ésaü et Jacob continuèrent tous les deux à manger des lentilles. Jacob sans la moindre garniture (le judaïsme interdit la chasse). Ésaü, lui, les agrémenta toujours de gibier, puis sa descendance de cochon — à commencer par du lard — quand le porc fut domestiqué.
D’amélioration en amélioration, l’art de la charcuterie aidant, c’est ainsi qu’on peut aujourd’hui se régaler de petit salé aux lentilles dans les pays de tradition chrétienne.
Toujours est-il qu’une tradition veut que manger des lentilles le premier janvier apporte prospérité.
Aussi, pourquoi s’en priver ?