Léon Mazzella a encore frappé avec son nouvel opus : Petit éloge amoureux du Pays basque
Je connais Léon depuis vingt-cinq ans — nous avons même travaillé ensemble, en presse et en édition — et j’ai toujours autant de plaisir à le lire car, s’il nous parle toujours de sa perception des choses, c’est chaque fois avec un souffle nouveau qui fait la part belle à son regard d’une grande acuité (rien ne lui échappe) ; à son oreille attentive au chant des oiseaux, au bruit du roulement millénaire des vagues, au sifflement du vent qui peut-être mélodie ou vacarme, au « clac » du bouchon d’une bouteille de Pschitt ouverte lors d’un pique-nique (souvenir de son enfance), au son mat que fait la pelote en frappant le fronton, aux bruits plus tonitruants que font les bandas pendant les fêtes de Bayonne ou de Pampelune ; aux odeurs iodées des plages et des ports de pêcheurs de la côte ou à celles plus délicates des plantes, des bois et des sous-bois qu’il explore bien au-delà de la forêt presque lunaire d’Iraty (plus grande hêtraie d’Europe), où j’avais coutume jadis d’aller cueillir bolets jaunes et baies de genièvre ; à sa gourmandise éclairée (jamais dupe des couillonnades à touristes), confortée par l’amitié de plusieurs artisans de bouche (dont certains sont aussi les miens) ayant œuvré pour la renaissance du cochon kintoa (celui « avec le cul comme un béret ») ; et surtout à son esprit curieux qui l’amène à dénicher non seulement les oiseaux mais aussi des pépites de petites découvertes émotionnelles, le tout modelé avec une précision empreinte de poésie. Bref une attention tournée vers « le bruissement du monde » *
Vous l’aurez compris, il a un don d’observation d’entomologiste mais au lieu d’en tirer des fiches scientifiques, il nous pile tout ça dans son creuset d’alchimiste pour nous en faire déguster la substantique moelle, concentré sur l’essentiel sans pour autant éclipser le petit supplément d’âme qui fait le charme de la lecture.
Ayant moi-même vécu une dizaine d’années « collée-serrée » avec le Pays basque puisque j’ai habité tout à fait au sud de la Chalosse, à 4 kilomètres seulement des Pyrénées Atlantiques — que j’avais d’ailleurs connues enfant lorsqu’elles n’étaient encore que Basses —, dans le canton de Cagnotte exactement, qui est aussi celui de l’ami Alain Dutournier (dont je ne sais pas s’il est parent avec Paul dont Léon parle dans son livre), je peux témoigner qu’il s’agit bien d’un pays de confins où se côtoient des nuances de cultures à fort cousinage entre sud des Landes, Béarn et Pays basque, mais aussi de rivalités, notamment de langues (gascon et euskara), surtout à Bayonne, et bien évidement sportives. Sports que n’oublie pas Léon dans son livre, qu’il s’agisse de surf, de football (l’Aviron bayonnais), de rugby, de corridas ou de pelote basque. J’ai particulièrement apprécié son chapitre sur Bayonne, ville que j’affectionne particulièrement pour plusieurs raisons, la première étant que ma fille est née à Dax pendant les fêtes de Bayonne, la seconde que j’ai eu le privilège de saler un jambon à mon nom, et enfin que j’ai été intronisée à la Confrérie du Jambon de Bayonne pendant la Foire au Jambon de Bayonne qui a lieu tous les ans à Pâques, et ce pour un livre de nouvelles autour du cochon. Bayonne pour laquelle tant d’écrivains ont eu le coup de foudre, ce que relate aussi Léon dans son chapitre Terre d’écrivains, Bayonne n’étant pas le seul lieu évoqué — peu s’en faut, car pléthore d’auteurs ont aimé le Pays basque et y ont séjourné, certains même s’y étant établis, Léon nous emmène même dans des « Villages buissonniers » (titre d’un de ses chapitres), dans des criques insoupçonnées et des Chemins de traverse (autre titre d’un de ses chapitres).
Léon ne cache pas être un basque d’adoption puis qu’il n’est arrivé à Bayonne qu’à l’âge de trois ans et demi, en provenance d’Oran. Mais c’est peut-être cette adoption qui lui a permis de capter l’âme du Pays basque avec autant de lucidité et d’amour. Il a en tout cas su la transmettre — car son livre est un livre de transmission — avec talent et avec une écriture souple sous laquelle on sent quand même l’impétuosité de la « force basque ».
Petite parenthèse, je ne vous cache pas qu’en lisant ce livre si généreux, j’ai beaucoup pensé à Jean Cormier, baroudeur, journaliste et écrivain, indéfectible ami d’Antoine Blondin (ils ont couvert ensemble le Tour de France pendant plus de vingt ans) qui était né dans le si joli petit village de Sainte-Engrâce et qui y repose aujourd’hui puisqu’il nous a quittés fin 2018. Basque au tempérament fougueux, inénarrable personnage si fédérateur, créateur avec Denis Lalanne du Festival de Singe-Germain, puis à l’initiative du Marathon des Leveurs de coude auquel j’ai participé participé à plusieurs reprises. Or, j’ai eu l’honneur de faire partie de ses amis pendant ses dix dernières d’années. Et j’ai eu l’impression de faire cette lecture-balade à ses côtés. Je l’ai même entendu faire quelques commentaires et je suis sûre qu’il aurait beaucoup aimé ce livre.
Pour en revenir au livre proprement dit, il est patent que Léon est un homme de désir — c’est pourquoi le qualificatif d’amoureux du titre est judicieux — qui n’est jamais blasé, quand bien même ce serait la millionième fois qu’il observe un paysage depuis son enfance. C’est en ça qu’il nous touche et c’est pourquoi son éloge — et hommage — est un « guide vivant », sensuel et littéraire, qui ne se contente pas de décrire mais dans lequel Léon anime ses descriptions de perceptions sensorielles — et je parle bien des cinq sens : vue, ouïe, odorat, goût et même toucher — qui nous font ressentir nous aussi — même virtuellement —, nous donnant l’envie de le suivre dans ses pérégrinations car il est amoureux de la vie, tout simplement.
Amoureux du Pays basque, achetez ce livre pour le bonheur qu’il vous apportera de découvrir « intimement » cette région, mais aussi parce que si vous vous décidez à faire le voyage, c’est une mine précieuse de lieux et d’adresses authentiques, que ce soit pour visiter des villages, faire des randonnées, et bien sûr se régaler de produits, de recettes locales et de boissons du cru.
* clin d’œil à son précédent ouvrage
Petit éloge amoureux du Pays basque
Léon Mazzella
Éditions Privat, collection Petits éloges
190 pages
Format : 200mm x 125 mm x 17 mm
Prix : 17,90 €
Blandine Vié