Le vin en cuisine
La cuisine au vin fait partie intégrante de notre patrimoine culinaire et il n’est pas de région possédant un vignoble qui ne s’enorgueillisse de quelques spécialités cuisinées aux vins locaux.
La raison première est bien sûr le goût que le vin choisi apporte à ces petits plats de terroir en exhaustant leur goût et en les sublimant.
La deuxième est d’ordre économique et due au fait que la France était majoritairement rurale autrefois, la plupart des exploitations fonctionnant en polyculture. Presque chaque paysan avait donc quelques arpents de vigne et produisait son propre vin. Le vin faisait effectivement partie des ingrédients qu’on avait toujours sous la main quand on vivait en autarcie, bien plus que le sucre, qui venait de l’extérieur. Du vin qu’il fallait boire — ou en tout cas utiliser — d’une année sur l’autre pour libérer les barriques. D’où l’ingéniosité de nos grands-mères pour mitonner des petits plats utilisant cette ressource « maison », tout comme pour cuisiner les autres produits de la ferme (cochon, volailles, lapins, œufs, légumes, etc.).
Et ce qu’on n’avait ni bu, ni utilisé, les bouilleurs de cru le distillait avant les vendanges pour le transformer en « gnôle ». C’est ainsi que sont nées des recettes toutes plus gourmandes les unes que les autres, à commencer par la plus emblématique d’entre elles : la daube, qui se décline de mille et une façons d’un bout de la France à l’autre. Citons aussi : les champignons à la grecque, les œufs en meurette, les maquereaux au vin blanc, les marinières de coquillages (à commencer par les moules), les écrevisses à la nage ou sauce Nantua, le homard à l’américaine, les matelotes de poissons d’eau douce (pochouse verdunoise, catigot d’anguilles, anguilles au vert), la lamproie à la bordelaise, la morue en raïto, les daubes et le bœuf bourguignon, les entrecôtes Bercy ou marchand de vin, la gardiane de taureau, les côtes de porc charcutière, l’épaule d’agneau gendarme, les andouillettes à la beaujolaise ou à la vigneronne, les poulets en barbouille et autres coqs au vin, les gibelottes et lapins chasseur, ragoûts, civets (lièvre) et salmis (canard, palombes) en tout genre, autant de fleurons qui illustrent la cuisine classique comme la cuisine de terroir. Sans oublier les marinades, les courts-bouillons, le beurre blanc (ou rouge), les sauces béarnaise, paloise, poivrade et grand-veneur, ni les pêches, poires ou fraises au vin, le sorbet au champagne, la crème champenoise, et le sabayon. Et cette liste n’a rien d’exhaustif !
La troisième raison, c’est qu’on l’utilisait aussi pour ses qualités organoleptiques indéniables et sa manière de transcender un plat : le moindre ragoût s’anoblit et devient civet ou salmis par l’ajout de vin. Cela est dû en partie au goût qu’il donne à la sauce par l’alchimie de la cuisson puisqu’il pénètre dans les chairs, surtout lors des cuissons longues, rendant ainsi les viandes plus goûteuses et plus tendres en influant sur la texture qu’il rend plus moelleuse, la physique n’étant jamais bien loin de la chimie en cuisine.
Enfin, il existe une quatrième raison à l’utilisation du vin dans la cuisine, c’est son rôle antiseptique, notamment par le biais des courts-bouillons et marinades. C’est pourquoi les viandes lourdes ou peu digestes et le gibier sont souvent marinés : d’une part cela les attendrit et d’autre part, cela les assainit. Plus prosaïquement, même la rasade de vin versée dans l’assiettée de soupe pour faire « chabrot » avait cette vocation balsamique.
Autant de vertus qui ont débouché sur le « french paradoxe » et qu’on utilise jusque dans la cosmétique aujourd’hui. Un peu tombée en désuétude parce qu’elle fait peur diététiquement, il ne faut cependant pas craindre la cuisine au vin puisque l’alcool s’évapore à la cuisson et qu’il ne reste que ses délicieux effluves après mijotage. Surtout, comme l’avaient bien compris nos anciens à la sagesse empirique, en hiver, elle procure une sensation de réchauffement et de bien-être bienvenue à ne pas confondre avec l’ivresse.
Dans quels plats mettre du vin ?
• Avec les viandes qui demandent une cuisson longue pour être attendries : bas-morceaux du bœuf, porc, volailles coriaces (coqs).
• Avec les gibiers et les viandes fortes (agneau de plus de 6 mois) qui demandent à être attendries et sur lesquels le vin va avoir une action émolliente en tempérant leur vivacité.
• Avec les poissons d’eau douce, autant pour des raisons antiseptiques que pour corriger une certaine fadeur par rapport à la saveur iodée des poissons de mer.
• Avec certains crustacés dont la chair protégée par la carapace peut ainsi être bonifiée.
• Avec des aliments neutres perméables à des saveurs diverses comme par exemple les œufs : œufs en meurette, sabayon.
• Avec des aliments divers pour créer un contraste, un choc des saveurs, cuisine sucrée-salée et desserts notamment.
Avec quels vins ?
• Si la cuisson est longue et se fait par mijotage ou braisage en cocotte ou au four, il faut un vin corsé et charnu, c’est-à-dire relativement tannique pour un vin rouge, suffisamment acide pour un vin blanc. Inutile donc de choisir des grands crus dont toute la subtilité et la finesse vont se dissiper pendant la longue cuisson. Il faut des vins « efficaces », c’est-à-dire qui seront assez puissants pour jouer leur rôle physico-chimique (qui consiste à pénétrer les chairs en les aromatisant) sur toute la longueur de la cuisson. Raison pour laquelle il faut aller vers des vins robustes dont le « nez » n’est pas l’atout majeur, même des vins à fort degré alcoolique qui n’ont pas une grande réputation comme vins de table.
• Si la cuisson est courte et se fait à la poêle ou en casserole, le vin intervenant directement dans la préparation, généralement par mouillage en cours de cuisson, il faut un vin « dégourdi » qui va donner du corps au plat ou à la sauce, mais jusqu’à un certain point seulement car il n’aura pas le temps de déliter toutes ses molécules dans le fond de cuisson qui risque alors d’être trop lourd ou trop vineux.
• Enfin, si le vin est destiné à la préparation d’une sauce servie à part, c’est-à-dire qu’il n’entre pas directement en contact avec la viande, la volaille ou le poisson lors d’une cuisson fusionnelle, mais que son rôle est d’apporter une touche « complémentaire » à la saveur bien distincte d’un autre produit, il est alors intéressant de choisir des vins plus élégants dont les arômes persisteront dans la sauce.
Quelques petites astuces
• Dans certains cas de cuissons très courtes, il peut être judicieux de flamber le vin avant de l’utiliser pour que l’alcool s’en évapore.
• Pour certaines recettes, il ne faut pas hésiter à choisir des vins atypiques comme le champagne (beurre blanc au champagne), le gris de Toul (matelote), le vin jaune (coq ou poularde au vin jaune, sabayon pour escorter des asperges vertes), ou encore des blancs moelleux (sabayons pour accompagner des volailles ou en version sucrée), déclinaisons insolites, mais particulièrement gourmandes.
• Il ne faut pas non plus hésiter à détourner les recettes classiques pour les rendre ludiques. Un beurre blanc qui se transforme en beurre rouge peut ainsi créer la (bonne) surprise.
Les marinades : http://gretagarbure.com/2014/03/25/savoir-faire-19/
Préparer un civet : http://gretagarbure.com/category/savoirs/savoir-faire/
La daube de bœuf : http://gretagarbure.com/2013/11/30/traditions-us-et-coutumes-10/
Le salmis de palombes : http://gretagarbure.com/2013/10/28/traditions-us-et-coutumes-9/
La lamproie à la bordelaise : http://gretagarbure.com/2014/03/18/plats-mythiques-16/
Ce que la gibelotte de lapin doit au vin blanc (et non l’inverse) :
http://gretagarbure.com/2013/08/06/nos-mille-feuilles-morceaux-choisis-17/
Mag
2 avril 2014 @ 9 h 11 min
Bien joli sujet . C’est effectivement dommage que la cuisine au vin soit passée de mode. Elle est tellement savoureuse et réconfortante. Je l’apprécie beaucoup. Elle fait même partie de mes habitudes bien que je sois d’une des rares régions françaises sans vin, la Normandie. D’ailleurs, la cuisine au cidre ou au pommeau y a tout autant d’attrait.
Savoir-faire | Les Noces de Jeannette gastronom...
3 avril 2014 @ 13 h 46 min
[…] Le vin en cuisine La cuisine au vin fait partie intégrante de notre patrimoine culinaire et il n’est pas de région possédant un vignoble qui ne s’enorgueillisse de quelques spécialités cuisinées aux vins locaux. […]
P’tit billet d’humeur |
18 mai 2015 @ 6 h 01 min
[…] Et pour en savoir plus sur la cuisine au vin, c’est là : http://gretagarbure.com/2014/04/02/savoir-faire-21/ […]