Le navarin d’agneau
C’est un plat dont l’appellation suscita de nombreuses querelles à la fin du XIXème siècle, et le Figaro fit même une grande enquête auprès de ses lecteurs en 1898 pour en savoir plus !
Une chose est sûre : la viande du navarin doit être impérativement d’agneau. En revanche, le choix des légumes reste problématique : il ne saurait s’agir de haricots — réservés au ragoût — ni non plus de pommes de terre — réservées au « haricot » de mouton, le terme haricot venant dans ce cas-là du vieux français « halicoter »… qui signifie couper en morceaux !
Néanmoins certains partisans — dont Victorien Sardou — prétendirent à l’époque que le navarin devait se servir obligatoirement accompagné de pommes de terre… mais revenues à part et bien dorées, et non cuites en même temps comme un vulgaire ragoût !
Le propriétaire du célèbre restaurant Paillard s’en mêla et assura que le mot navarin ne pouvait venir que de navet !
Enfin, Philéas Gilbert, culinographe bien connu (à son époque !), apporta son témoignage ; au lendemain de la bataille de Navarin, l’amiral de Rigny donna l’ordre d’améliorer l’ordinaire de l’équipage du Trident : le riz du « rata » habituel fut donc amélioré par l’ajout de différents légumes, et fut dès lors baptisé « ragoût de Navarin » !
C’est cette version qui prévalut, aussi admet-on aujourd’hui que le navarin est en fait un ragoût d’agneau à base de légumes divers — tous ceux que l’on peut avoir sous la main en saison… dont si possible des navets ! Mais la formule n’est pas vraiment codifiée et n’a rien d’immuable.
L’agneau étant plus goûteux au printemps, il est devenu presque rituel de préparer le navarin avec des petits légumes nouveaux, aussi le trouve-t-on souvent sous l’appellation « navarin d’agneau printanier » !
La recette
Préparation : 30 minutes
Cuisson : 1 heure 30 minutes
Pour 6 personnes : 1,800 kg de morceaux d’agneau mélangés avec os (poitrine, collet, haut de côtelettes) – 500 g de carottes primeurs – 500 g de navets primeurs – 500 g de pommes de terre nouvelles – 1 kg de petits pois frais en cosses – 2 bottes de petits oignons frais nouveaux – 60 g de beurre – 2 cuillerées à soupe d’huile – 1 cuillerée à soupe arasée de farine – 1 bouquet garni (1 branche de thym, 1 feuille de laurier, 3 branches de persil plat) – 4 branches de persil plat – 1 cuillerée à soupe de sucre en poudre – sel fin, poivre du moulin
Épluchez tous les légumes : oignons, carottes, navets, pommes de terre, petits pois. Lavez-les et coupez-les en morceaux s’ils sont gros. Pelez les oignons en leur laissant un petit bout de queue.
Faites chauffer l’huile et 20 g de beurre dans une cocotte. Faites-y dorer les morceaux de viande de tous côtés, puis retirez l’excédent de matière grasse (avec une feuille de papier absorbant). Singez (pour le sens de ce mot, voir http://gretagarbure.com/2013/03/18/les-mots-des-mets/). Mélangez sans laisser roussir.
Mouillez d’eau juste à hauteur, ajoutez une carotte et un navet (pour donner du goût au bouillon de cuisson), le bouquet garni et le persil. Salez et poivrez. Portez à frémissement en écumant si nécessaire, puis couvrez et laissez mijoter 20 minutes sur feu doux.
Par ailleurs, mettez les navets dans une casserole à part avec 20 g de beurre, 2 cuillerées à soupe d’eau et le sucre en poudre. Faites-les glacer 20 minutes sur feu doux, en les retournant souvent. Retirez du feu dès qu’ils sont bien colorés et égouttez-les.
Introduisez les carottes dans la cocotte et poursuivez la cuisson 20 minutes.
Pendant ce temps, dans une casserole à part, faites fondre les oignons avec 20 g de beurre et 2 cuillerées à soupe d’eau. Ne laissez pas colorer.
Introduisez alors tous les légumes en attente dans la cocotte (navets compris, sauf les petits pois. Mélangez, rectifiez l’assaisonnement et terminez la cuisson 30 minutes à couvert, en n’introduisant les petits pois que 10 à 15 minutes avant la fin de cuisson, en même temps que les petits oignons.
Pour servir, retirez le bouquet garni et parsemez de persil ciselé.
Notes :
– Il est important de choisir des morceaux d’agneau avec os et de les mélanger, car ils donneront beaucoup de sapidité au plat !
– On peut ajouter les navets en même temps que les autres légumes, sans les faire glacer à part, mais cette méthode « caramélise » légèrement le bouillon de cuisson… ce qui rend la sauce plus savoureuse !
VARIANTES
Navarin d’agneau aux fèves, aux poivrades et à la sarriette
C’est une variante très goûteuse, mais qui nécessite un peu plus de temps pour la préparation, notamment à cause de l’épluchage des fèves et des artichauts. Il faut écosser les fèves et les débarrasser une à une de la fine membrane qui les recouvre. Il faut également parer les artichauts, les couper en quatre et bien les citronner pour les empêcher de noircir. Ensuite, faire sauter les légumes au beurre et les introduire aux trois-quarts de la cuisson dans la cocotte où mijote la viande. Remplacer le thym du bouquet garni par de la sarriette effeuillée, cette herbe mettant particulièrement bien les fèves en valeur.
Navarin d’agneau lié au coulis de légumes
Certains grands chefs — Bernard Loiseau en a été l’instigateur — suppriment les liaisons traditionnelles à la farine (qu’ils jugent trop lourdes) et lient plutôt la sauce en réduisant une petite partie des légumes en coulis, qu’ils incorporent alors dans la sauce vers la fin de cuisson.
Navarin d’agneau au four, en cocotte lutée
On fait dorer la viande sur le feu sans la singer, puis on ajoute tous les autres ingrédients — on peut glacer préalablement navets et petits oignons — on mouille au vin blanc sec ou à l’eau, on assaisonne et on lute la terrine avec une pâte faite de farine et d’eau. On fait cuire 1 heure 30 à 2 heures à four moyen (180° C/thermostat 6).
Les mots des mets (la saveur cachée des mots) |
18 septembre 2013 @ 7 h 00 min
[…] en France qu’après les haricots ! Si vous avez lu notre article sur le navarin d’agneau (http://gretagarbure.com/2013/05/17/plats-mythiques-3/), vous devinez peut-être la réponse : des oignons et des navets (et éventuellement des […]
Reconnaissance du ventre |
17 février 2014 @ 7 h 05 min
[…] si cher à Mirabeau pour le navet d’hiver, le navarin printanier — la recette est là : http://gretagarbure.com/2013/05/17/plats-mythiques-3/ — et les petits navets glacés (autour du canard par exemple) pour les navets de […]
Un p’tit goût de revenez-y |
4 mai 2014 @ 6 h 00 min
[…] Pour l’historique et la recette, c’est là : http://gretagarbure.com/2013/05/17/plats-mythiques-3/ […]