Le comté, fromage préféré des Français
Ce soir-là, à l’initiative de Clarence Grosdidier, de la fromagerie Jean d’Alos, l’objectif est double :
— Faire connaître la diversité des goûts et textures de différents comtés en présence de Yannick Duffet, parlant au nom de la maison Marcel Petite, et de huit meules d’âges et de provenances diverses ;
— Confronter mais surtout accorder ces merveilles avec la gamme de l’éminente maison de champagne Charles Philipponnat, représentée par son agent local Olivier Ricaud.
En compagnie des mont d’or, bleu de Geix, morbier et autres tommes, le comté est le fromage emblématique du massif du Jura et le plus consommé en France. Inutile en effet de s’appesantir outre mesure sur l’empire exercé par « La Vache Qui Rit » dont la maison se visite… ou pas à Lons-le-Saulnier.
En quelques chiffres :
— Une meule de comté pèse environ 40 kilos et nécessite 450 litres de lait, issu de races montbéliarde et simmental. Les durées d’affinage varient entre 120 jours minimum et 12, 18 ou 24 mois. Une tendance récente pousse la maturation jusqu’à 36 ou 42 mois mais fait alors traiter les amateurs (dont je me revendique) de touristes ou de bobos parisiens…!
Pourtant, des petits cubes de très vieux comté et quelques gorgées de vin jaune font des 10 heures et des goûters heureux ! À ce propos, ne craignez pas les cristaux de tyrosine qui craquent sous la dent et éveillent les papilles en douceur : ce ne sont pas des grains de sel mais juste la marque espiègle d’acides aminés des protéines du lait. AOC ancienne (1958) et première appellation en tonnage : plus d’1,2 million de meules chaque année ! Enfin, pour être précis au milieu de toutes les autres catégories, sachez que le comté est un fromage au lait cru de vache, à pâte pressée cuite.
Le mérite principal de la dégustation de cinq meules du même âge mais issues de fruitières (coopératives) différentes fait ressortir la fantastique étendue de la palette aromatique de ces fromages, à l’instar des saveurs que l’on trouve dans le vin. Les sensations sont fruitées bien sûr mais aussi torréfiées, végétales, animales, épicées ! Les maturités des trois meules suivantes font varier en bouche sécheresse et onctuosité, amertume et acidité, maigreur et ampleur… Pour mettre de votre côté toutes les chances de déceler ces nuances, il n’est pas inutile de rappeler que seul votre fromager-affineur pourra vous le permettre, grâce à la justesse de ses achats, à ses installations, à sa surveillance constante de leurs luminosité, température et degré hygrométrique. À comparer avec les néons agressifs des grandes surfaces qui éclairent des macérations navrantes dans des emballages en plastique scélérats.
Charles Philipponnat a eu raison de faire participer ses vins à cette session. Leur accompagnement de comtés de si belles qualités s’est opéré avec élégance et aussi quelques surprises. Ses pinots sont particulièrement à leur avantage avec une mention spéciale pour la cuvée 1522 brut rosé 2006, très à l’aise sur chaque bouchée. La finesse, la vinosité, la race du Clos des Goisses, qui en font un de mes champagnes préférés, ont permis des alliances inattendues mais toujours séduisantes.
Pour la fromagerie Jean d’Alos, c’était également l’occasion d’introduire « Les dîners de l’affineur ». La première édition de ces soirées-dégustations se déroulera jeudi 19 mai dans la superbe cave voûtée située sous le magasin : elle mettra aux prises des fromages de chèvre et des croûtes fleuries avec de très beaux vins de Loire, sur une gastronomie régionale.
Le 23 juin, le combat opposera des bleus aux pâtes bien persillées et des portos vintage spectaculairement ouverts « à la pince ».
Réservations indispensables, évidemment.
Fromagerie Jean d’Alos
4, rue Montesquieu
33000 Bordeaux
Tél : 05 56 44 29 66
Jeux de quilles |
25 mai 2016 @ 6 h 01 min
[…] Et puis, il y a d’autres vins, moins accessibles au plus grand nombre, moins médiatisés mais qui apportent des joies bien réelles. Vous ne les trouverez d’ailleurs que chez les bons cavistes.Au cours d’un récent dîner, j’ai eu le plaisir de boire trois vins du Jura particulièrement fameux :— Un poulsard 2011 (15 €) du champion presque retraité Jacques Puffeney. Un vin sur la finesse qui peut désarçonner les néophytes par ses arômes de cerises à l’eau-de-vie, l’absence de tanins dominateurs et la couleur très pâle de sa robe, presque rose. Cette fraîcheur épicée est un délice, un joli bonbon pour les gourmands, de la soie et des dentelles pour les coquettes.— Le savagnin 2009 (18 €) du même génial vigneron m’attaque avec cardamome, curcuma et fruits secs (très secs). La noisette domine. Les agrumes et l’oxydation apporte vivacité et finesse qui laissent vite place à une complexité magnifique dont on garde longtemps la trace.— Pour finir, on me sert un vin jaune 2006 « Les Bruyères » (80 €) de Bénédicte et Stéphane Tissot dont les vignes sont cultivées en biodynamie. Le millésime est relativement récent, ce qui n’empêche pas une grande concentration au nez et en bouche, avec juste ce qu’il faut d’amertume et d’acidité pour obtenir un bien bel équilibre. Issu de vieilles vignes de savagnin, six ans passés en fût, environ un tiers d’évaporation naturelle sans ouillage (c’est-à-dire qu’on ne refait pas les niveaux).S’il est recommandé de ne pas parler sèchement à un Numide (!), en revanche la sécheresse du vin jaune — et singulièrement de celui-ci — me va bien quand elle accompagne une tendre volaille crémée aux morilles. Mais mon bonheur vient surtout lorsque ma bouche reçoit dans le même mouvement des éclats de vieux comté bien sec et une gorgée de vin jaune, déjà revendiqué ici : https://gretagarbure.com/2016/05/04/sur-un-plateau-17/ […]