Le château de Chantegrive
Le château de Chantegrive
au restaurant Kaspia :
l’heure est grave(s) !
Déjeuner en petit comité ! Nous sommes invités par Marie-Hélène et François Lévêque (frère et sœur), propriétaires du Château de Chantegrive (terroir de Graves) à Podensac, pour découvrir leur gamme.
Le repas a lieu dans le petit salon du restaurant Kaspia. Cadre ouaté dans les tons bleu canard mais un peu kitsch, avec toiles neigeuses pour suggérer une ambiance sibérienne.
Une fois les présentations faites, nous prenons l’apéritif en goûtant deux blancs secs, deux vins primeurs venant juste de faire leurs Pâques !
• Le château de Chantegrive, graves blanc 2013
Sa robe est jaune pâle, assez vive, et son nez très fleurs blanches. En bouche, je l’ai trouvé très plaisant avec beaucoup de fraîcheur, du fruit, des notes d’agrumes prononcées (citron, pamplemousse), joliment acidulé, épatant pour l’apéro.
Entre 10 et 12,5 €.
• Le château de Chantegrive, graves blanc, cuvée Caroline 2013
Sa robe est encore trouble mais plus profonde, avec des reflets tirant sur le vert, son nez plus élégant, légèrement citronné mais avec des touches de beurre et d’amande grillée, et cette pointe de tilleul que j’aime tant. En bouche, il est déjà rond même si on se doute bien qu’il ne peut que se bonifier avec le temps. La bouche est gracieuse et dévoile des arômes de pêche blanche, d’abricot et de fruits tropicaux.
Entre 10 et 12,5 €.
Mais passons au déjeuner proprement dit, dont je vous livre le menu :
Disons-le tout net : le menu est bizarrement composé — je ne sais pas par qui ! — et la concordance entre mets et vins loin d’être idéale.
C’est dommage car dans ces cas-là, ce sont toujours les vins qui en pâtissent car altérés — sinon gâtés — par des éléments perturbateurs ! Mais nous tenterons de rester objectifs en faisant bien la part des choses !
Le premier plat — qui se fait un peu attendre… et s’il y a bien du beurre sur la table pour patienter, il n’y a pas de pain ! — s’intitule « Œufs Barry ».
Avec l’humour décapant qui nous caractérise sur Greta Garbure, je ne peux m’empêcher — puisque nous sommes toujours en plein « octave de Pâques », c’est-à-dire, selon le calendrier liturgique latin, les 8 jours qui suivent la fête pascale — de me dire que c’est bizarre de commencer un repas par des œufs de Pâques en chocolat, fussent-ils au cacao Barry !
Trêve de plaisanterie, je m’informe auprès du garçon qui officie à notre table pour lui demander ce que signifie cette appellation, ne connaissant pour ma part que celle « à la Du Barry », donc à base de chou-fleur. Il ne sait pas et va s’enquérir. Pendant ce temps les assiettes arrivent : entrée hyper classique dont le dressage me rappelle les repas du dimanche chez ma grand-mère paternelle dans les années soixante. Visiblement, la nouvelle cuisine n’a pas encore pénétré jusqu’en Sibérie !
Il s’agit de deux œufs pochés sur toasts briochés : l’un surmonté d’une belle cuillerée de caviar « baeri » (esturgeon d’élevage) — serait-ce là la raison du nom donné à la recette ? — et accompagné d’une sauce rose qui n’est pas une sauce aurore mais où je décèle un peu de tarama et de la moutarde qui en masque la douceur ; l’autre coiffé d’un cuillerée d’œufs de saumon — pas trop salés, ce qui est un bon point ! — et escorté d’une sauce crème à la ciboulette.
Malheureusement, l’un de mes œufs pochés est presque dur (même pas mollet) et je trouve que ce plat est d’une grande confusion car la moutarde et les œufs de saumon empêchent d’apprécier le caviar — et les vins — à leur juste valeur. Oui, les deux en même temps, c’est une faute de goût.
Le serveur revient nous dire que Barry est le nom de deux villages, l’un en France et l’autre en Russie. Vérification faite, il y a bien un village du nom de Barry dans les Hautes-Pyrénées (près de Tarbes), mais je n’en ai pas trouvé en Russie. Et je ne vois pas bien le rapport.
Il nous précise que c’est aussi le nom de l’ancien propriétaire du restaurant, ce qui semble une réponse plus appropriée au nom de baptême de la recette. Du coup, je comprends mieux le côté vieillot !
Sur ces œufs, nous buvons deux blancs, les mêmes qu’à l’apéro mais dans le millésime 2012.
• Le château de Chantegrive, graves blanc 2012
Il a une robe jaune pâle, un nez fleur d’acacia, de chèvrefeuille et de pêche blanche.
Il est un peu moins sur les agrumes (toujours du citron tout de même mais presque confit) et sa vivacité demeure, tout comme sa fraîcheur en bouche.
On l’imagine bien accompagner toute une gamme de poissons grillés, de coquillages (coques, bulots plus qu’huîtres) et de crustacés (crevettes, tourteau), des tapas, etc. Ou encore des petits feuilletés chauds, des choux carolines, des gougères, des entrées à base de légumes.
Mais avec les œufs Barry, cet accord est presque incongru.
Entre 10 et 12,5 €.
• Le château de Chantegrive, graves blanc, Cuvée Caroline 2012
Plus épanoui, sa robe est dorée.
François Lévêque, mon voisin de gauche, me précise ses cépages (50% sauvignon, 50% sémillon) et m’explique qu’il est fait selon la méthode bourguignonne (je vous passe les détails techniques). Malicieusement, il ajoute qu’Hubert de Boüard — qui les conseille depuis 2011 — leur a appris à faire de meilleurs vins rouges mais qu’eux ont appris à Hubert de Boüard à faire du vin blanc ! Quoi ? Fallait pas le dire…
Bon, il a des arômes de citron, de vanille (le bois reste léger) et de fruits à noyaux. En bouche, il est souple et nerveux à la fois (ce n’est pas antinomique), ample, avec un bel équilibre entre acidité et rondeur. La finale est typée : concombre ? Non, curry (très léger, entendons-nous) !
Bref, un vin avec une belle rondeur gourmande parfait pour escorter les crustacés et les poissons blancs nobles (langoustines, homards, bar, lotte), surtout en sauce (sauces crémées, beurre blanc), viandes blanches, fromages doux. Marie-Hélène Lévêque le conseille aussi sur du foie gras mais je suis moins convaincue.
Entre 12 et 16,5 €.
Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises puisque le plat de résistance se compose tout simplement d’une assiette de « jambon ibérique de bellota » (sic), flanquée d’une petite assiette de haricots verts en salade ! Plat froid, donc…
Ah ! ces appellations erronées en ce qui concerne le jambon ibérique ! « Bellota » est un abus de langage lorsqu’il est employé seul !
Au passage, je vous renvoie à nos articles sur le sujet :
http://gretagarbure.com/2013/10/07/appellations-culinaires-3/
http://gretagarbure.com/2013/10/08/reconnaissance-du-ventre-28/
http://gretagarbure.com/2013/10/09/reconnaissance-du-ventre-29/
http://gretagarbure.com/2013/10/09/reconnaissance-du-ventre-29/
D’ailleurs, comme la réglementation espagnole vient de changer car elle était trop brouillonne, nous publierons bientôt une mise au point.
Nous disions donc que le jambon est ibérique !
À première vue, les haricots aussi !
Le jambon est de qualité quoiqu’un peu sec, mais quelle drôle d’idée de le servir en milieu de repas ! Le jambon ibérique, ça se mange à l’apéro ou à la rigueur en entrée ! Quant à la salade, parsemée de dés de tomates de serre, elle est plus qu’anodine.
Quel dommage !
Quel dommage pour les vins !
Nous les goûtons donc presque ex nihilo mais nouvel handicap : il n’y a pas assez de verres à dégustation dans le restaurant ! Le serveur précise même : on n’en a que 11 ! Passons…
Voici tout de même mes impressions :
• Le château de Chantegrive, graves rouge 2010
D’emblée il me plaît. Beaucoup. Son nez de fruits noirs, son volume, ses notes épicées, grillées, légèrement fumées et des tanins très soyeux en bouche.
Sans doute mon préféré dans la gamme présentée.
Le genre de vin dont j’aime boire tranquillement un verre en écrivant mes articles.
• Le château de Chantegrive, graves rouge 2009
Très beau aussi, profond et mûr.
On rêve de lui présenter une belle côte de bœuf pour un mariage, certes éphémère, mais flamboyant.
• Le château de Chantegrive, graves rouge 2008
Ample également, je pense pourtant qu’il peut supporter encore quelques années avant d’exprimer tout son potentiel.
• Le château de Chantegrive, graves rouge 2005
Toujours dans la même tonalité, mais il manque la viande rouge ou le gibier pour que leurs sucs s’harmonisent.
Toutes ces bouteilles entre 13 et 16 €
Nous passons au fromage, un comté superbe (qui vient de la fromagerie « Cheese », rue Desaix, dans le 15e) présenté avec une salade de roquette dont le puissant parfum herbacé court-circuite un peu le nez des vins.
Et puis deux salades en suivant… Passons !
Que dire sinon que j’aurai préféré boire le Chantegrive blanc cuvée Caroline 2012 avec ?
Enfin, pour clore ce repas — et non le clôturer (je sais, je le répète souvent mais comme le disait mon prof de math en classe de quatrième : « la répétition, c’est l’âme de l’enseignement » !) — une assiette de fruits des bois (fraises des bois et framboises) un peu en avance sur la saison — et sûrement pas cueillis dans les bois ! — ponctue agréablement ce repas dont l’ambiance était très conviviale.
Je vous le dis, malgré tout ce qui n’allait pas dans ce repas,
Château de Chantegrive, ça chante… graves !
Blandine Vié
Château de Chantegrive
Grand vin de Bordeaux
Appellation Graves AOC
Famille Levêque
33720 Podensac
Tél : 05 56 27 17 39
Courriel : courrier@chateau-chantegrive.com
Site : www.chantegrive.com
Déjeuners de presse |
16 septembre 2014 @ 6 h 00 min
[…] Une fois tous les retardataires arrivés, nous passons à table pour déguster un « tartare de bar de ligne, citron caviar » très avenant (avec un champagne Veuve Clicquot Grande Dame 2004), puis des « quenelles de brochet et homard, tombée de tétragone, sauce homardine », bonnes quoiqu’un peu décevantes par leur rusticité, accompagnées d’un graves blanc (château de Chantegrive 2012 cuvée Caroline en magnum) que je suis contente de goûter à nouveau car le repas que nous avions fait pour découvrir ce domaine avait quelque peu laissé à désirer, au détriment des vins (si vous voulez savoir pourquoi, c’est ici : http://gretagarbure.com/2014/04/28/dejeuner-de-presse/ […]