La salade niçoise
Cette recette est sans aucun doute l’une des plus galvaudées de la cuisine française, même sur la Côte d’Azur et y compris à Nice. Il est notamment désastreux de voir aujourd’hui des sites internet censés défendre le patrimoine culinaire de cette région en donner des versions totalement fantaisistes.
On la sert en effet à toutes les sauces, on y omet des ingrédients essentiels, mais on en rajoute au contraire souvent un tas d’autres qui sont superfétatoires et qui ne figurent pas dans la recette authentique.
Il ne faut jamais perdre de vue que la cuisine régionale est toujours intimement liée au terroir et aux saisons.
Et qu’à l’origine, c’est une cuisine populaire, faite avec les ressources de proximité, ce qui ne veut pas dire triste ni fade.
Cette cuisine du cru est au contraire, la plupart du temps, « intelligente » (raisonnée en fonction d’une bonne économie domestique) et fort goûteuse.
Tout ce qu’il faut faire…
et surtout ne pas faire !
Fréquemment trahie donc, la salade niçoise ne devrait par exemple JAMAIS comporter de légumes bouillis. Par conséquent, exit les pommes de terre et les haricots verts.
Y ajouter de la salade verte, même de la riquette ou du mesclun n’est pas non plus conforme à la tradition, encore moins les pousses d’épinards et autres verdures.
Hérétique également la vinaigrette pour l’assaisonner, surtout quand elle est additionnée de moutarde ! Huile d’olive et jus de citron doivent seuls caresser les ingrédients qui la composent.
Pour ce qui est des tomates, primordiales, elles doivent avoir mûri sur le plant, leurs cousines bataves ne donnant que de piètre résultats. Les puristes insistent également sur le fait qu’il faut les saler trois fois de suite pour bien les faire dégorger.
Et si l’on y tolère aujourd’hui le thon, ce n’était pas le cas autrefois car il coûtait très cher, bien plus que les anchois — de grâce, choisissez-les de qualité ! — dont on faisait provision dans toutes les familles. Panacher ces deux poissons de conserve est un luxe de mauvais goût que ne vous pardonneraient pas les mânes de vos aïeux. Et pitié, ni thon cru, ni thon grillé !
Quant aux olives noires, il faut bien entendu que ce soient des petites olives noires niçoises, non dénoyautées.
Poivrons verts, concombre et œufs durs viennent compléter cette symphonie provençale.
Enfin, en début de saison, on a coutume de rajouter une poignée de petites fèves fraîches écossées et des petits artichauts poivrade très tendres (cueillis avant que ne leur pousse une barbe), coupés en petits quartiers et bien citronnés.
En revanche, olives vertes, champignons, pois gourmands, radis, céleri-branche et autres ajouts intempestifs sont complètement hérétiques. Je n’ose même pas évoquer la mayonnaise.
Jacques Médecin, ancien maire de Nice que l’on a pu contester politiquement — mais pas culinairement — a d’ailleurs remarquablement codifié la recette traditionnelle de la salade niçoise dans son livre « La cuisine du Comté de Nice », publié chez Julliard en 1972.
La recette
Préparation : 20 min
Cuisson : 10 min
Pour 6 personnes
• 4 belles tomates mûres mais fermes
• 2 œufs
• 1 petit concombre (de jardin)
• 1 petit poivron vert (de jardin)
• 4 cébettes ou 4 petits oignons blancs nouveaux
• 12 à 18 beaux anchois à l’huile OU 1 grosse boîte de thon à l’huile… mais pas les deux !
• 1 gousse d’ail
• 100 g de petites olives noires de Nice
• sel fin, poivre du moulin
• 3 cuillerées à soupe d’huile d’olive
• 1 citron
• quelques feuilles de basilic
Lavez et coupez les tomates en quartiers ou en rondelles, en les épépinant. Salez-les et faites-les dégorger jusqu’à utilisation.
Faites durcir les œufs, rafraîchissez-les, écalez-les et coupez-les en quartiers.
Pelez et coupez le concombre en fines rondelles.
Lavez et taillez le poivron en lanières, en éliminant la queue, les graines et les côtes intérieures blanches.
Pelez et émincez finement les petits oignons.
Égouttez les filets d’anchois et, si nécessaire, désarêtez-les. Ou bien, égouttez le thon.
Frottez l’intérieur d’un saladier avec une gousse d’ail.
Égouttez les tomates, essuyez-les avec du papier absorbant si nécessaire, puis alternez-y tous les ingrédients préparés, en ajoutant les olives. Salez et poivrez, arrosez avec l’huile d’olive et le jus du citron.
Servez frais après avoir mélangé et parsemé de feuilles de basilic finement ciselées.
Garcia Yves
4 juin 2014 @ 7 h 51 min
Très intéressant et permet de voir de vrai recettes merci Yves
Paule
4 juin 2014 @ 7 h 52 min
La recette de Médecin a été remise en question par la Capelina d’Or, association qui défend la cuisine niçoise !
http://remembranca-nissarda.over-blog.com/article-recette-de-la-salade-nicoises—reference-udotsi-97786174.html
Jean-Paul Vanden-Eede
4 juin 2014 @ 11 h 20 min
il y un article similaire paru voici 2 jours sur le blog « le manger.fr » qui développe un peu plus la question.
Jean-Paul
laforge
4 juin 2014 @ 13 h 04 min
et pourtant dans tous les manuel de cuisine pour pro et pour les ecoles pomme de terre et haricots verts y sont mis et ce depuis plus de 60 ans??? par contre la recette sus nomee a pour nom tunisienne alors qui croir des grands chefs ou des journalistes?
gretagarbure
4 juin 2014 @ 14 h 43 min
Mon article étant une reprise revue et corrigée du texte que j’avais publié en 2000 dans mon livre « Les Tables de l’été » (Jean-Paul Rocher éditeur), je pense ne pas pouvoir être suspectée d’être allée butiner ailleurs. J’ai 14 ans d’avance !!!
Mais que des historiens aient fait des recherches ayant fait avancer le schmilblick pendant ces 14 années, tant mieux !
Au demeurant, il n’y a pas de vérité intégriste.
Par ailleurs, il ne faut pas prendre le vocable « niçois » comme uniquement de la ville de Nice — où je vous concède que les potagers sont rares — mais comme… du Comté de Nice !
Bien cordialement.
gretagarbure
4 juin 2014 @ 14 h 51 min
Bonjour Paule.
Je ne vois pas de différence énorme entre ma recette et la leur.
Sinon qu’ils ajoutent des radis et du céleri.
En revanche, je ne vois pas d’ingrédients incongrus qu’ils réprouveraient dans la mienne.
Donc l’honneur est sauf !
😉
Jean-Paul Vanden-Eede
4 juin 2014 @ 15 h 15 min
Loin de moi l’ idée de parler de plagiat, je voulais simplement vous inviter à lire quelqu’ un qui parlait en même temps du même sujet tout en y apportant des développements intéressants..
gretagarbure
4 juin 2014 @ 15 h 50 min
Comme son nom l’indique, la tunisienne est une salade méditerranéenne qui n’a rien de niçois.
À base de tomates et de gros poivrons dont l’usage s’est répandu en France avec l’arrivée des« pieds-noirs » en 1962, elle ne comporte ni anchois ni petites olives noires niçoises mais des olives vertes. Il y entre aussi des piments et de la menthe séchée (plus souvent que du basilic). Et tous les ingrédients sont coupés en petits dés. Parfois même, les poivrons sont grillés comme dans la salade « mechouia » mot qui veut dire grillé en arabe (on le retrouve dans méchoui).
Le thon en boîte est très utilisé en Tunisie.
Que les pieds-noirs, plutôt implantés dans le Midi dans les années 60 aient influencé la cuisine locale me paraît un phénomène naturel même s’il écorne le patrimoine régional. Que les recettes évoluent au fil des époques, c’est normal, qu’on les dénature… non !
Quant aux légumes cuits, ils n’interviennent aucunement dans la salade niçoise originelle. Ils ont été ajoutés par des chefs afin de pouvoir vendre des « salades plats uniques » plus chères qu’une simple entrée.
De toute façon, une salade de légumes cuits ne devrait pas s’appeler « salade »… mais « saugrenée » : http://gretagarbure.com/2013/07/19/les-mots-des-mets-la-saveur-cachee-des-mots-17/
Enfin, pour répondre plus précisément à votre question, les chefs sont des artistes (ou pas) qui interprètent les recettes du répertoire à leur manière, souvent pour y mettre leur patte. C’est compréhensible et respectable.
Quant aux journalistes, il y a ceux qui font des recherches historiques et ceux qui ne sont que des colporteurs.
Chaque métier a ses bons et ses mauvais côtés. 😉
Paule
4 juin 2014 @ 15 h 51 min
Ca, c’est, je crois bien, à cause d’Escoffier, qui a mis des haricots verts dans la recette qui est dans le Guide culinaire.
Cartelier
4 juin 2014 @ 20 h 01 min
Bonjour Madame, je vous invite à consulter le blog de Camille Oger (lemanger.fr) qui a précisément consacré un article à la salade niçoise ‘cliquer sur « France »).
Cet article fait bien le tour de la question (c’est normal, Camille est niçoise!) et rejoint en grande partie vos conclusions.
Très cordialement,
Bénédicte
gretagarbure
4 juin 2014 @ 20 h 11 min
Bonjour Bénédicte. On m’a déjà parlé de cet article plus haut et j’ai répondu.
Merci. Cordialement.
Plats mythiques | The fisheye of gourmet food &...
7 juin 2014 @ 10 h 08 min
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10 septembre 2015 @ 6 h 00 min
[…] Pour cette salade mixte, notons que c’est une interprétation fantaisiste — mais malheureusement répandue — de la recette traditionnelle que vous pourrez retrouver ici :http://gretagarbure.com/2014/06/04/plats-mythiques-21/ […]
Bonne table ou… évi-table ? |
14 octobre 2015 @ 6 h 01 min
[…] Pour ceux qui souhaiteraient réviser leurs classiques, c’est là :http://gretagarbure.com/2014/06/04/plats-mythiques-21/ […]