La Maison Rostang** ou l’enchantement, Paris 17e
La Maison Rostang existe depuis 41 ans et j’ai commis cette faute impardonnable de ne jamais y être allée pendant les quatre précédentes décennies. C’est donc avec une joie non dissimulée que j’ai réparé cette lacune pendant l’été, accompagnée de Michel Bridenne, dessinateur talentueux de mes amis qui aime et célèbre avec toujours beaucoup d’humour la bonne chère, le bon vin, l’amitié et tout ce qui s’ensuit dans son œuvre.
Située à l’angle de la rue Rennequin et de la rue Fourcroy, la Maison Rostang annonce déjà le ton par sa devanture sobre et élégante, discrète. L’ambiance cossue et feutrée de la salle confirme la sensation de se trouver dans un endroit où l’on se sent privilégié et protégé, comme dans une belle maison de famille.
Nous sommes convenus avec le chef d’être là pour goûter « le homard à la royale » (je vous en parlerai plus loin) et Nicolas Beaumann s’occupe du reste. Entendez par là qu’il souhaite nous faire découvrir sa cuisine avec un menu surprise. Et croyez-moi, des surprises, nous allons en avoir.
Comme c’est devenu rituel presque partout aujourd’hui, les amuse-bouche s’annoncent. Je dois reconnaître que je n’en suis pas toujours fan, peut-être trop impatiente d’entrer dans le vif du sujet. Mais les mini clubs-sandwichs, les mini tomates joliment farcies et les billes de foie gras en robe verte nous aiguisent l’appétit sans le compromettre.
En petite entrée, un gazpacho melon-tomate escorté d’un biscuit granola et d’une glace à l’oseille finit de nous préparer le palais par sa fraîcheur acidulée. Mais mea culpa — honte à moi ! — j’ai oublié de faire la photo. Aussi, je vous prie de me croire sur parole, désormais je ferai attention de ne pas vous frustrer. À ma décharge, ce n’est pas toujours facile de travailler en se régalant.
Mais passons aux choses « sérieuses » ! Nous sommes subjugués par un « Tourteau décortiqué relevé d’une crème de gingembre, en chemise de courgette et caviar en impression, consommé (demi-gelée) de tourteau aux épices douces ». Ce n’est pas seulement beau et bon, c’est une émotion. Les saveurs se relaient avec une justesse fine et précise. Du grand art !
Pour suivre, voici un « cannelloni de langoustines cuites et crues, girolles étuvées et aubergines pickles, amandes fraîches et bouillon mousseux de langoustines » (photo en tête d’article). D’autant plus délicieux que les saveurs sont là encore juxtaposées sans se faire du tort les unes les autres. Au contraire, elles se caressent lors de somptueuses épousailles.
Nous sommes véritablement comblés par ce festival précédant le homard. Et pourtant, nous n’en sommes pas encore là puisque un « tartare de langoustines avec une crème glacée au foie gras et une guirlande de petites girolles » va assurer la transition. Beau à l’œil toujours, mais somptueux en bouche. Au niveau du goût une nouvelle fois car toutes les saveurs se complètent et s’émoustillent les unes les autres, mais également au niveau des textures, la chair de la langoustine crue s’enrobant en bouche de l’onctuosité du foie gras qui, ainsi traité, respecte le crustacé sans le dominer, lui fait juste comme un habit du dimanche. Un plat mer-terre très réussi et très malin pour préparer nos palais à une sauce au vin rouge.
Nous mentirions si nous disions que nous avons encore faim mais nous mentirions encore plus si nous disions que nous n’attendons le fameux « homard à la royale » dont c’est le tour de nous être présenté. Mais d’abord, expliquons le pourquoi de l’existence de ce plat. C’est que le plat-signature de la Maison Rostang, c’est le « lièvre à la royale », qui ne se consomme évidemment qu’à la saison du gibier. Michel Rostang et le chef Nicolas Baumann ont donc décidé de créer un « homard à la royale » pendant l’intervalle, sa farce changeant du printemps (où elle est composée à partir de coquilles saint-jacques, de poissons fins et d’herbes) à l’été (où la saison des coquilles une fois terminée, la farce est alors préparée à base de poissons fins et de verdures du moment). C’est donc un superbe tronçon de homard avec une farce de nobles nobles et d’épinards qui nous a été servi, escorté d’une très douce crème de poireaux, nappé (à table) d’une sauce au vin rouge corsée et accompagné d’une tartine d’oignons, de champignons, d’épinards et de homard. Mise en scène impeccable pour un plat goûteux de caractère alliant le charnu et la douceur, le iodé et le velours. Bref, le bonheur.
Comme tout a une fin, c’est l’heure du dessert qui vient nous rafraîchir les papilles après ces agapes d’anthologie. Pour jouer ce rôle « la rhubarbe cuite en croûte de sucre pochée à l’hibiscus et garnie de fraises des bois » est parfaite, douce et régénératrice, bienveillante à nos estomacs repus.
Repas somptueux donc que de non moins somptueux vins ont accompagné, choisis par Baptiste Salomon, le jeune sommelier de la maison.
Tout d’abord un bourgogne blanc 2015 du domaine Roulot, propriétaire à Meursault, tout en élégance et qui a fait face à toutes les saveurs iodées des premiers plats avec beaucoup de fraîcheur. Puis avec un gevrey-chambertin Clos Prieur 2005 du domaine Trapet père et fils (Jean et Jean-Louis), fruité et gourmand, très bourguignon mais avec tempérance, aussi à l’aise avec le homard qu’avec la suave crème de poireaux et la sauce virile.
Et enfin, un Montlouis-sur-Loire Clos Habert 2017 de chez François Chidaine sur le dessert, à la limite du sec et du tendre pour ponctuer ce repas par un point d’orgue, dessert et vin ne nous empâtant pas la bouche avec trop de sucre (comme c’est souvent le cas).
Vous l’aurez compris, c’est peu dire que nous avons fait un repas magnifique avec un menu royal… et pas seulement le homard. Tout n’était que finesse et harmonie, subtilité, dentelle. Sans parler du service attentionné mais aucunement gourmé.
« Meilleur que bon » a commenté mon commensal qui, dans la soirée, a renchéri en m’envoyant ce petit texto : « Deux heures de haute noblesse, c’était joliment léger… mais j’ai quand même fait une belle sieste. » Tout est dit, ce me semble.
Une table que, de toute évidence, nous n’oublierons pas.
Invitation via une attachée de presse.
Blandine Vié
Le menu déjeuner : 90 €
Le menu transmission en 6 temps : 195 €
Le menu transmission en 8 temps : 235 €
Et bien sûr à la carte.
Très belle carte des vins.
Maison Rostang
20, rue Rennequin
75017 Paris
Tél. 01 47 63 40 77
www.maisonrostang.com
Ouvert du mardi au samedi de 12 h 30 à 13 h 45 et de 19 h 30 à 21 h 15
Ouvert le lundi de 19 h 30 à 21 h 15
Fermé le dimanche
Réservation indispensable : reservation@maisonrostang.com