Joyeuse encyclopédie de la gastronomie
Joyeuse encyclopédie de la gastronomie
Michel Ferracci-Porri et Maryline Paoli
C’est a priori typiquement le genre de livres que nous aimons sur www.gretagarbure.com, des livres de cuisine avec un parti pris culturel. Ce qui n’a rien de paradoxal.
Nous avons donc été d’emblée séduits par cet ouvrage qui se présente sous forme d’un « abécédaire culturel et ludique » et qui a pour ambition de nous raconter « la grande épopée de la belle cuisine en même temps que la petite histoire et l’origine des mets et ingrédients de légende, mais aussi la passionnante aventure anecdotique de la gastronomie française ».
Il comporte 1200 entrées panachant mots de la gastronomie, termes de cuisine, mots du vin, appellations, noms des ustensiles de cuisine, petit inventaire des chefs et des personnalités liées à la cuisine, noms de cocktails, anecdotes, etc.
Seulement voilà ! Nous ne nous contentons pas de lire la quatrième de couverture ou le dossier de presse.
NOUS LISONS VRAIMENT LES LIVRES.
Et il se trouve que…
Sans faire un inventaire exhaustif, voici quelques définitions qui nous ont laissés perplexes :
« Aligot » : avec de la crème et de la noix de muscade !
Et d’une on dit noix muscade et non « de »… et de deux, l’aligot n’en comporte pas.
De même, si aujourd’hui, on le prépare fréquemment à la crème, la recette authentique se fait avec du beurre et du lait, comme autrefois dans les burons où cette recette est née.
« Bouchées à la reine » : l’explication est erronée.
La recette originelle se composait d’un salpicon de ris (de veau ou d’agneau), de cervelle (de veau ou d’agneau) lié par une sauce financière ou suprême. Mais dans ce salpicon entraient impérativement des crêtes et surtout des rognons blancs (testicules) de coq dont Marie Leszczynski raffolait et que, pour cette raison, on appelait « frivolités de la reine ». C’est cette particularité qui a donné leur nom aux bouchées… non le fait qu’elle les dévorait en deux bouchées !
« Borsch » au lieu de bortsch.
« Châteaubriand » : cette orthographe est seulement tolérée, la vraie étant chateaubriand qui n’est pourtant signalée ici que comme alternative.
Ce n’est pas parce que de nombreux restaurateurs font la faute — parce qu’ils abrègent en « chateau » et qu’il y a corruption avec le mot « château » — qu’il faut pour autant la cautionner.
« Cloûter » au lieu de clouter.
« Cranneberges » au lieu de canneberges.
« Raz-el-hanout » au lieu de ras-el-hanout, mot signifiant « le toit de la boutique », le meilleur par métaphore…
« Sabayon » : « sauce de type mousseline destinée à accompagner poissons ou crustacé, obtenue à base d’eau… »
À base de marsala sicilien, le sabayon est en fait un dessert piémontais inventé à la Cour de Savoie.
Ce n’est que très récemment (depuis le mouvement de la Nouvelle Cuisine) que cette recette a été détournée par des restaurateurs en version salée.
« Teurgoule » : non la teurgoule n’est pas un riz aromatisé au caramel… mais à la cannelle !
Passons sur les âges de certains chefs, revus à la baisse :
Jacques Le Divellec, né le 15 septembre 1932 : 80 ans et non 75 !
Alain Dutournier, né le 1er janvier 1949 : 64 ans et non 58 !
Passons aussi sur le choix des journalistes culinaires supposés « importants » et qui ne le sont parfois que parce qu’ils passent sur les ondes ou à la télé…
Mais surtout, ni Patrick qui habite au Pays Basque depuis 20 ans, ni moi qui ai vécu 10 ans dans les Landes — ce n’est pas pour rien que nous avons baptisé notre blog GRETA GARBURE — nous ne pouvons avoir d’indulgence pour la définition de l’appellation « à la basquaise » :
« Basquaise (à la…) : Préparation landaise à base de poivrons, de tomates, d’ail, de piment d’Espelette et d’oignons. Célébrissime exemple : le poulet à la Basquaise.
(Synonyme : à la kaskarote) »
Cherchez l’erreur !
Ou plutôt les erreurs !
Les Landes ne sont pas situées au Pays Basque !
Quant à la garniture à la basquaise, elle implique l’association de jambon cru de pays, de tomates et de piments doux verts (production maraîchère autochtone) dits « piments d’Anglet » (encore surnommés « cornes de taureau »), plus ou moins forts selon le temps qu’ils sont restés sur pied avant la cueillette (mais toujours avant rougissement). Ce sont d’ailleurs eux qui donnent également leur nom — « piper », « biper » en basque — à la piperade. Ils sont à l’étal de mai à octobre, presque uniquement localement.
Enfin « kaskarote » s’emploie plus précisément pour le thon mais dans ce cas on dit « thon kaskarote » et non « thon à la kaskarote ».
Bon, arrêtons là !
Vous l’avez compris, ce livre nous a énormément déçus.
Ça ne veut pas dire que tout y est négatif mais l’inventaire manque trop de vérifications à la source.
C’est vraiment dommage car l’idée était astucieuse, le format à l’italienne (23 x 18 cm) plaisant et on y décèle une réelle bonne volonté de bien faire.
Encore une chose : le dossier de presse souligne une approche souvent humoristique. Honnêtement, ça nous a d’abord échappé jusqu’à ce que nous tombions sur cette perle :
« Rôtisson : petit rôti de 2 à 4 personnes. »
Et là franchement, nous avons bien ri !
Mais si vous aviez vu la tête de mon boucher quand je lui en ai commandé un !
Joyeuse encyclopédie de la gastronomie
Michel Ferracci-Porri et Maryline Paoli
Préface (extrémement discrète) de Christian Millau
Éditions Normant
Prix : 26,90 €
En vente en librairie.
BV