L’inversion cocasse
Plus on cuisine comme un chef
à la maison,
plus le burger fait fureur au resto !

La cuisine est à la mode. Oh ! combien !
Il n’y a qu’à ouvrir la télé, toutes chaînes confondues, pour s’en apercevoir. À toutes les heures de la journée et même en prime time.
Il n’y a également qu’à constater le nombre de cours de cuisine et d’ateliers-cuisine qui fleurissent çà et là, y compris de la part d’étoilés. Et enfin, presque tous les grands chefs ont publié un ou plusieurs ouvrages pour dévoiler tous les secrets de leur art, recettes et photos à l’appui. Les éditions Glénat ont ainsi édité les livres de nombreux chefs.
Cette appétence pour la cuisine — ou plutôt les cuisines car l’offre du marché propose quasiment toutes les thématiques, de l’atelier foie gras ou chocolat aux cours de cuisine italienne ou japonaise, en passant bien sûr par les multiples déclinaisons pâtissières — a généré une quasi-industrie parallèle qui drague aussi bien les foodistas, les épicuriens déjà pros de la casserole et jusqu’aux plus humbles apprentis cuistots en herbe. Avec toute la panoplie publicitaire qui va avec : ustensiles, tabliers, toques, torchons ! Il y a même des cours à domicile.
Une vraie manne pour les prescripteurs.
C’est tellement tendance que même nous, les journalistes dits « spécialisés », sommes sollicités plusieurs fois par semaine pour participer à des ateliers culinaires autour de produits ou de concepts. Au demeurant, ce n’est pas toujours instructif. Comme lorsqu’il y a quelques années, un chef pourtant reconnu nous a enseigné à faire du risotto avec du riz grain long et une crème fromagère qui n’avait même pas le droit de s’appeler fromage et qui a d’ailleurs disparu du marché depuis. Même que je vous ai déjà raconté l’anecdote ici : http://gretagarbure.com/2013/11/04/ptit-billet-dhumeur-38/

À l’opposé de ce phénomène — mais c’est la même mouvance — la street food fait des ravages et pénètre jusque dans les cuisines-laboratoires des plus grandes tables. Ainsi, les burgers sont partout !
Dans les fast food, dans les food trucks, dans les bistrots où l’on pratique la bistronomie et désormais, même dans les restaurants de haute cuisine. Pas un établissement qui n’en propose au moins un sur sa carte et tous rivalisent d’originalité pour sortir le burger qui tue !
Car évidemment, il ne s’agit pas de refiler n’importe quelle came à une clientèle bobo friquée à qui il faut en promettre : du décalé, du génialissime, du hype ! Les steaks-hachés-semelles qu’on dirait plastifiés et les buns mollassons n’ont pas le droit de cité dans ces temples de la gastronomie.
Le pain doit être original à tout prix : à la farine de blé ou de gruau, de sarrasin, de pois chiches, de maïs, de riz, de riz rouge, de malt, de sarrasin, de semoule de blé dur, de châtaigne, de lentilles, à la farine manitoba, à la cendre de poireau — vous avez bien lu ! —, aux flocons d’avoine, aux flocons de seigle, aux flocons de pommes de terre, aux pommes de terre, à la pâte de sésame. Le bun peut encore être brioché, azyme ou se présenter sous forme de blinis, de pains pita, de focaccia noire, de gaufres, de brioches chinoises, de pomme darphin, de pain de mie aux cèpes, de bricelets, de chips de polenta, de pan bagnat, de panisses, de sablés, de polenta au parmesan, de pain éponge aux petits pois. C’est tout ? Non ! Il peut aussi être parfumé à la betterave ou à l’encre de seiche et même traité façon macaron (à l’encre de seiche tout de même !), à l’albumine en poudre, à l’ail des ours, aux paillettes d’algue nori, aux pétales de tomate confite, aux éclats d’olives noires. Et même être sucré : biscuit roulé au thé matcha, baba burger !
Théoriquement, la garniture peut être du bœuf haché comme dans le hamburger traditionnel (surtout si le bœuf est maturé ou wagyu, coupé au couteau ou accompagné de fruits tels que figues ou framboises) mais le plus souvent, les chefs préfèrent faire plus original et choisissent une autre viande (veau, porc, échine de cochon basque, porc laqué, agneau, taureau, cabri, pied de porc, boudin, chair à merguez), de la volaille (poulet, poularde de Bresse, canard), du foie gras, du poisson (bar, saumon frais et fumé, cabillaud, morue, thon, bonite, saint-pierre, ventrêche de thon, rougets), du homard, du crabe, de l’araignée de mer, des encornets, des supions, du poulpe, des escargots, des cuisses de grenouilles, alliant terre et mer (bar et foie gras, bœuf maturé Hereford au caviar, magret et crabe, agneau et couteaux, homard et pintade) et beaucoup de légumes (aubergines, blettes, champignons, maïs, potimarron, piquillos), surtout s’ils étaient inconnus dans le potager de votre grand-mère (radis multicolores, betteraves jaunes, azukis, petits pois soufflés au wasabi, tomates ananas, navet long daïkon) voire tout veggie, avec ou sans tofu. Sans oublier quelques touches fromagères servant souvent de liant (parmesan, comté, laguiole, stilton, cheddar vintage, brousse, chèvre frais, burrata, mozzarella fumée) et d’incontournables petites fleurs : de ciboulette, de capucine, d’ail des ours, de bourrache.
Mais un burger ne serait pas un burger sans graines ! Des graines de sésame blanc comme sur les buns de cavalerie ? Un peu bien sûr mais nos chefs ne sauraient s’en contenter ! Ils utilisent aussi du sésame doré, du sésame noir, des graines d’anis, de fenouil, de cistre (fenouil des montagnes), de lin, de tournesol, de pavot, de nigelle, de courge, de berce, de maïs soufflé, des amandes effilées, des noisettes (du Piémont) concassées, des noix de macadamia. J’ai oublié les grains de caviar ?
Enfin, un burger s’accompagne de condiments, qu’ils soient mêlés à la garniture ou servis à part. Sauf que chez nos toqués, la mayonnaise est aux pousses de shiso, au wasabi, au raifort, aux anchois, le ketchup est de betterave, de cerises, de pêches blanches et d’avocats. Et puis dans ces burgers-là le poivre est de Sarawak ou de Selim, la chapelure asiatique et de temps en temps, une truffe se planque çà ou là, noire ou blanche, en lamelles ou sous forme crémeuse !
Bref, le burger est devenu un plat-phare de la haute gastronomie. À tel point que Larousse a édité un bouquin consacré aux « Burgers de Chefs ». 94 recettes de burgers y sont interprétées par les plus grands chefs (Benallal Akrame, Georges Blanc, Sébastien Bras, Marc Haeberlin, William Ledeuil, Stéphanie Le Quellec, Lionel Lévy, Jean-Michel Lorain, Régis Marcon, Guy Martin, Gaël Orieux, Alain Passard, Guy Savoy, David Toutain, etc.) ainsi que des boulangers et pâtissiers de renom (Christophe Felder, Gontran Cherrier, Jacques Genin, etc.) qui donnent évidemment des recettes de burgers sucrés : banane et noix de pécan, meringués, en croûte de rhubarbe, façon Tatin ou bagel, au nougat glacé, en pain perdu, etc.
Un bouquin avec des textes de Thérèse Rocher et des photos de Delphine Amar-Constantini.
Prix : 24,90 €.
P’tit billet d’humeur |
28 mai 2015 @ 6 h 01 min
[…] des hamburgers embourgeoisés — autant dire des hambourgeois ! (voir notre article à ce sujet : http://gretagarbure.com/2015/04/15/ptit-billet-dhumeur-99/ — la majorité de l’offre des burgers sur le marché du fast food est quand même […]