Du vin dans la gibelotte ou un civet
À partir de quel prix
n’est-il plus raisonnable
d’ouvrir une bouteille pour la mettre
dans une gibelotte ou un civet ?
…ou quand Blandine torture Patrick avec ses questions !
— Patrick :
La première question est déjà : à partir de quel prix n’est-il plus raisonnable d’ouvrir une bouteille ?
La réponse ne dépend que de l’argent dont on dispose, de la sophistication de ses goûts, de la conscience plus ou moins aiguë de la misère environnante, de l’ancienneté de sa propre aisance ou de sa propre précarité.
Après, ta bouteille, tu peux décider de te la mettre dans la gibelotte ou directement dans le gosier !
— Blandine :
C’est quand même aussi — et peut-être surtout — une question de bon sens. Ouvrir une bouteille chère pour la boire reste une finalité logique et gourmande, même si elle peut être déraisonnable. Alors que si c’est pour en verser une partie dans une gibelotte ou un civet, pour faire un fond de sauce ou une gelée, voire une marinade, c’est dommage voire un peu ridicule si le vin est cher. Et d’une, parce qu’il va être complètement dénaturé à la cuisson. Et de deux, parce ce qu’il me semble déceler une petite pointe de snobisme dans ce choix.
— Patrick :
On est toujours le snob de quelqu’un…! Cher, c’est combien ? Quel est le prix d’une bouteille chère ? C’est encore une autre façon de poser la même question.
— Blandine :
Bien entendu ! Ce que je veux dire, c’est que lorsqu’on fait cette démarche, soit on a une méconnaissance culinaire en ce qui concerne la cuisine au vin, soit on a quand même une petite volonté d’épater la galerie. Mais sans doute, beaucoup ignorent que cuisiner avec un « grand » vin ne donne nullement un résultat supérieur que le faire avec un vin beaucoup plus basique. Ce qui compte c’est la structure du vin qui doit être charpenté et tannique pour un rouge, équilibré (sans trop d’acidité) pour un blanc. Il fut un temps où l’on disait même que pour un civet ou un coq au vin classique, en tout cas des plats longuement mijotés, rien ne vaut un vin comme le mascara d’Algérie. C’est sans doute moins vrai pour les cuissons courtes au vin blanc (moules marinière par exemple) où un peu plus de subtilité et de rondeur peuvent être les bienvenues.
Mais pour en revenir au prix, c’est évidemment une question très délicate. À la fois personnelle mais aussi sociétale. Car tout le monde n’a de toute façon pas accès à des vins chers.
— Patrick :
Il faut savoir que le prix d’achat moyen d’une bouteille de vin est d’environ 3 € en GD et d’à peu près 9 € chez les cavistes. C’est évidemment peu. Mais arrête de parler de « vins chers » ! Tout est cher quand c’est pas bon. Comme tu l’as dit, seule la structure du liquide compte dans une recette. La crème fraîche n’est pas « chère ». Le fond de veau n’est pas « cher ». Et le bœuf bourguignon ne se distingue pas de la daube provençale par le prix du vin utilisé ! J’ai connu un avocat bordelais (certes un peu âgé) qui n’avait pas aimé un château Lafite 64 et avait confié le reste de la caisse à sa cuisinière afin qu’elle lui confectionne des plats en sauce.
Et puis on n’a pas forcément raison d’être raisonnable !
— Blandine :
Tout ça est effectivement très subjectif mais ma question était plus pragmatique et sans doute moins profonde. Je me demandais simplement si, dans des recettes qui requièrent du vin, il est raisonnable d’utiliser des bouteilles d’un certain prix. Dans le sens : « Est-ce que ce n’est pas gâcher le vin ? ». Bien sûr, en perspective, cela débouche sur la question plus généraliste du prix du vin. Ce qui implique une notion de moralité, d’ailleurs toute relative. Mais c’est là un autre problème…!
Nos lecteurs ont sans doute d’autres réponses, lisons-les avec intérêt !
Blandine & Patrick
À propos de la gibelotte, rappelons que le vin blanc lui doit une fière chandelle, comme nous vous le narrions ici : http://gretagarbure.com/2013/08/06/nos-mille-feuilles-morceaux-choisis-17/
Et pour en savoir plus sur la cuisine au vin, c’est là : http://gretagarbure.com/2014/04/02/savoir-faire-21/
Et pour tout savoir sur l’art de pratiquer l’art de la marinade, il faut aller là : http://gretagarbure.com/2014/03/25/savoir-faire-19/
Boutin
18 mai 2015 @ 7 h 21 min
L’histoire dit que la cuisinière de l’avocat Bordelais s’est mis le Lafite 64 dans le gosier et le Mascara dans la marmite….et c’est tant mieux
gretagarbure
18 mai 2015 @ 8 h 48 min
En effet, Patrick me dit que son mari n’a pas été gêné outre mesure par une quelconque charge tannique excessive ou un léger manque de maturité du cabernet-sauvignon…!