Découverte de jolis vins
« Deux Roches » en Mâconnais
et « Château d’Antugnac »
en Haute vallée de Limoux !
Disons-le tout net, il y a des déjeuners de presse où l’on s’emmerde !
Parce que les convives — donc un certain nombre de confrères et de consœurs mais parfois aussi les hôtes qui nous accueillent — sont peu sympathiques, ennuyeux au possible, incultes (en culture générale comme en culture culinaire), arrogants, pédants, imbus d’eux-mêmes, voire névrosés, anorexiques ou soiffards (des fois, ça va ensemble), moralistes, militants végétariens, neurasthéniques et j’en passe.
Or, je n’ai jamais compris comment on pouvait faire ce métier — écrire sur les produits, la cuisine, les restaurants, les vins — si on n’était pas soi-même bon vivant.
Je ne parle évidemment pas de se remplir la panse… « jusque-là » comme certains le font, ni de demander un doggy bag (comme je l’ai vu faire aussi), ni non plus de boire au-delà du « jusqu’à plus soif », ce qui fait plus penser aux fêtes de Bayonne qu’à des dégustations de vins professionnelles.
Cet environnement n’est déjà pas très agréable mais le pire c’est quand cette tristesse est aussi dans l’assiette. Ou dans le verre. Ou dans les deux. Quelque fois même, on peut être en bonne compagnie mais le produit qu’on veut nous vendre affligeant et l’assiette désastreuse. Certes, on peut en rigoler mais c’est quand même une perte de temps pour tout le monde.
J’aimerais rassurer mes ami(e)s attaché(e)s de presse, c’est rarement le cas. Quoique…
A contrario, il arrive aussi que certains déjeuners de presse soient de vraies fêtes ! Parce que les produits à promouvoir sont épatants, que le restaurateur a joué le jeu et que les journalistes ne sont pas blasés.
Ce fut le cas pour ce repas chez Allard dont nous vous avons déjà parlé ici car c’est une maison mythique qui est restée « dans son jus » et nous aimons bien ça : http://gretagarbure.com/2013/10/31/bonne-table-ou-evi-table-11/
Mais rentrons dans le vif du sujet : nous sommes là pour découvrir les vins baptisés « Collovray & Terrier », à savoir les vins du domaine des Deux Roches en Mâconnais et ceux du domaine Antugnac en Haute-Vallée de Limoux.
En 1986, convaincus que le chardonnay avait un grand potentiel d’expression bourguignonne sur les terres du Mâconnais, Christian Collovray et Jean-Luc Terrier, deux amis d’enfance, se sont associés pour reprendre les vignes que Joanny Collovray, le grand-père de Christian, travaillait depuis 1928. C’est ainsi qu’est né le « Domaine des Deux Roches ».
Puis, en 1997, Christian et Jean-Luc acquirent le Château d’Antugnac situé dans l’Aude, sur le terroir « Haute-Vallée » de Limoux où pinot noir et chardonnay sont rois.
En 2009, c’est au tour de Julien Collovray, le fils de Christian de rejoindre l’aventure sous une nouvelle signature en agriculture biologique : les « Vignes de Joanny », du nom de son arrière grand-père et premier viticulteur de la famille.
Voilà pour l’historique.
Bon, et si on prenait l’apéro ?
Le chardonnay domaine Antugnac 2013 est plaisant, aromatique et fin, avec beaucoup de rondeur en bouche et une belle fraîcheur. À 7 € la bouteille, les tapas peuvent défiler !
De sympathiques amuse-bouche* accompagnent d’ailleurs ce premier verre : rondelles de pommes de terre et saumon fumé, canapés de foie gras, concombre à la crème.
Mais voilà le somptueux menu qui nous attend :
Nous commençons par le désormais emblématique pâté en croûte d’Arnaud Nicolas qui, à lui seul, vaut le déplacement.
Sur cette belle spécialité charcutière, nous testons le Mâcon-Villages « Plants du carré » 2013 du domaine des Deux Roches et l’IGP Haute-Vallée de l’Aude, chardonnay « Les grands penchants » 2013, du domaine Antugnac.
Le premier (9,60 €) me plaît beaucoup avec son nez qui sent le caillou et son petit goût de pierre-à-fusil persistant en bouche. Il me plairait aussi avec des crustacés ou des fromages.
Le second (10,60 €) est tout autant agréable avec une bouche ample et lui aussi quelques notes minérales qui me vont parfaitement à l’apéritif mais accompagneraient également très bien une belle volaille à la crème.
Nous poursuivons avec une darne de turbot pochée, beurre blanc et petits légumes confits absolument parfaite si ce n’est que je tique sur l’appellation « darne » qui n’est pas simplement un morceau de poisson — aussi noble et joliment taillé soit-il — mais une tranche épaisse avec sa peau, comme je vous l’expliquais ici : http://gretagarbure.com/2013/08/20/le-coin-du-donneur-de-lecons-2/
Deux nouvelles bouteilles escortent ce magnifique poisson aux fibres charnues que la sauce habille avec pertinence et délicatesse à la fois : un saint-véran P.R.C. (P.R.C. comme Pommards, Roncevaux & Carette, 3 lieux-dits à la géologie et au climat identiques) 2012 domaine des Deux Roches et un limoux Haute-Vallée cuvée « Terres Amoureuses » 2013 du Château d’Antugnac.
Le saint-véran (16,60 €) affiche sa typicité bourguignonne avec beaucoup d’élégance. Ses arômes floraux sont engageants et sa bouche vive, acidulée, fruitée, très riche mais non dénuée de fraîcheur. Il présente un léger boisé et une belle minéralité. Il caresse le poisson tout en faisant face à l’échalote.
Le limoux « Terres Amoureuses » (10,60 €) porte bien son nom car il se révèle instantanément sensuel au nez (mais pas racoleur), un nez floral de chèvrefeuille et de rose fanée. Cette finesse n’empêche pas une trame sérieuse et un gras qui répond à l’onctuosité du poisson. Nul doute que les 15% de mauzac qui épousent le chardonnay ne sont pas étrangers à cette élégance un peu surannée.
Double peine également pour les poulets du Bourbonnais rôtis (servis avec des pommes de terre grenailles délicieusement fondantes) accompagnés par un limoux Haute-Vallée « Las Gravas » 2012 Château d’Antugnac et un saint-véran « Les Cras » 2012, domaine des Deux Roches. Des volailles d’une qualité superbe, goûteuses, cuisinées comme à la campagne quand il y a beaucoup de jus dans la lèchefrite. Un régal !
Le limoux Haute-Vallée « Las Gravas » (15,80 €) a un nez complexe de fruits mûrs, de fleurs (violette) et d’épices et une bouche ample, structurée, élégante, avec une belle longueur et une fraîcheur intense qui a parfaitement émoustillé la chair dense de la volaille.
Également expressif et complexe avec son nez aux notes de coing et de fruits blancs confits évoquant aussi le sous-bois, et sa bouche puissante et droite, le saint-véran « Les Cras » (22,50 €) fut quant à lui un partenaire énergique et d’une grande richesse. Difficile de préférer l’un à l’autre, d’ailleurs mon hésitation m’a fait oublier de prendre le saint-véran en photo.
Après ce repas, une assiette de trois fromages (roquefort, brique de chèvre, pont-l’évêque) était très sincèrement superfétatoire, mais ce fut pourtant l’occasion de goûter à nouveau un verre de limoux « Las Gravas » à la jolie robe dorée.
Enfin, surprenant point d’orgue, sur les profiteroles sauce au chocolat chaud, nous fut proposé un pinot noir haute-vallée de l’Aude « côté Pierre Lys » 2013 (10,60 €), sans doute pour l’accord avec le chocolat. Plein de fraîcheur et de fruit (surtout cerise), élégant, mais que j’aurais mieux vu sur une viande rouge ou un agneau.
Une très jolie découverte donc que celle de ces deux domaines aux vins extrêmement attractifs dont 65% sont vendus à l’export (dixit Kevin Tessier, chargé de l’exportation des deux propriétés).
Et un repas parfaitement conçu pour les mettre en valeur (si l’on considère que le rouge était là en bonus et n’aurait pas pu être casé ailleurs).
Blandine Vié
* Amuse-bouche (ou amuse-gueule) se sont écrits sans S final jusqu’à la réforme de l’orthographe en 1990. Cela semble peut-être plus logique mais étant profondément hostile à cette réforme que je considère être un nivellement par le bas, délibérément, je ne l’applique pas.